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Peaux et cuirs : LES TANNEURS NIENT ETRE DES POLLUEURS

Peaux  cuirs  TANNEURS

Après leur déconnection de la station d’épuration de Sotuba qui a mis un coup d’arrêt à leurs activités, les tanneries dénoncent une décision injustifiée et sans préavis. L’Agence de gestion des station d’épuration du Mali les accuse d’être des « mauvais élèves » en matière de pré-traitement

Lundi 4 novembre, toutes les usines de traitement de peau de la ville de Bamako ont été débranchées du réseau de la station d’épuration de Bamako à Sotuba. Cet ouvrage d’assainissement recueille et traite les eaux usées industrielles avant de les rejeter dans la nature. Aujourd’hui, elle compte un réseau de 31 unités industrielles dont les quatre tanneries que compte notre capitale. Deux semaines après cette décision, la tension entre l’Etat, à travers les services techniques de l’environnement et de l’assainissement que sont, l’Agence de gestion des station d’épuration du Mali (AGESEM), la Direction nationale du contrôle des pollutions et des nuisances (DNACPN), et les professionnels du traitement de la peau et du cuir, a atteint son paroxysme. Pour expliquer la gravité de cette décision, la mutuelle a organisé vendredi, une conférence de presse au siège de la Confédération syndicale des travailleurs du Mali (CSTM).

Le plateau était animé par le représentant des industriels, Ahmed Diadié Ascofaré, et le président de la mutuelle de traitement de peau et cuir, Hamidou Traoré. Après avoir évoqué la crise sociale provoquée par la décision de débrancher les tanneries de la station d’épuration entraînant leur arrêt, les deux orateurs ont, tour à tour, dénoncé une décision arbitraire, abusive et injustifiée. Selon Ahmed Diadié Ascofaré, la déconnection de leurs unités du réseau s’est faite sans préavis. « C’est seulement 2 jours après la visite du ministre de l’Environnement et de l’Assainissement accompagné de son collègue de l’Energie et de l’Hydraulique dans nos locaux (le 2 novembre), que la décision a été prise de nous débrancher du réseau de la station d’épuration », assure le porte-parole des industriels. Rappelant l’expérience qui a tourné court de TAMALI, la première tannerie de notre pays qui a vu le jour en 1968, Ahmed Diadié Ascofaré accuse l’installation de la station d’épuration d’être la source du problème. Car, pour le conférencier, les industries géraient mieux leurs eaux usées, toutes seules. L’obligation de se raccorder à la station d’épuration est devenue problématique pour les tanneries. Il souligne l’insuffisance du traitement effectué par la station. En effet, celle-ci n’ayant pas les moyens de sa politique, soutient-il, elle procède à un traitement lagunaire et non chimique des déchets liquides. C’est ce qui explique les odeurs insupportables qui se dégagent et font l’objet de plaintes des riverains.

C’est pour se dédouaner de ses nombreuses défaillances que l’AGESEM a cherché et trouvé un bouc-émissaire, accuse Ahmed Diadié Ascofaré. Concernant les nuisances incriminées, il soulignera qu’une zone industrielle est exclusivement destinée à l’implantation d’usines. « Si des particuliers viennent s’installer sur un espace réservé aux activités industrielles, ils ne doivent pas se plaindre des conséquences de leur imprudence », fait-il remarquer.

Hamidou Traoré ajoute que le débranchement est purement et simplement un règlement de compte personnel et un abus de pouvoir du ministre de l’Energie et de l’Hydraulique. Car, assure-t-il, ce dernier, avant de devenir ministre, avait tenté toute sortes d’actions contre les tanneries, en les accusant d’être nuisibles. « A l’époque, il était notre voisin, car ses bureaux de la centrale électrique de Balingué se trouvent à quelques encablures des tanneries », indique Hamidou Traoré. Par sa décision, le gouvernement porte un coup dur à ce secteur de l’industrie, résument les conférenciers et faisant état de 400 emplois directs et plus de 1000 emplois indirects menacés, de 700 000 personnes vivant du travail de la peau, de 10 à 12 000 peaux traitées tous les jours dans les tanneries de Bamako, d’environ 6 millions de peaux traitées et exportées chaque année et d’une activité qui rapporte 25 milliards Fcfa. Ces chiffres établissent, de leur point de vue, l’ampleur du préjudice subi par les industriels et l’urgence de rouvrir leurs usines avant qu’il soit trop tard. Chaque jour, les pertes que ces usines enregistrent se chiffrent en effet en millions de Fcfa, assurent-ils.

PLUS DE 400. 000 PEAUX EN SOUFFRANCE. Deux jours avant cette conférence de presse, nous avions approché l’AGESEM pour comprendre les raisons du débranchement des tanneries du dispositif de la station d’épuration. Le directeur national adjoint de la structure, Mamadou Lamine Sissoko, avait été très clair. « A l’issue d’une mission de supervision de nos techniciens courant avril 2013 dans les stations de prétraitement des unités industrielles connectées à la station d’épuration des eaux usées de Sotuba, il nous a été donné de constater que la plupart des tanneries (West Africa, IMAT sa, Tamak, Nouvelle tannerie du Mali), n’exécutent pas les recommandations issues des différentes visites précédentes ». Par une correspondance adressée à la DNACPN, structure de répression en la matière, le débranchement des « mauvais élèves » a été requis.

Malgré cette lettre, les responsables des tanneries se disent en conformité avec les recommandations de l’AGESEM. « Toutes nos infrastructures de prétraitement répondent aux normes », assurent-ils en accusant en retour les structures techniques de contrôle de ne pas disposer de personnel compétent. Un des responsables de West Africa, dira à ce sujet que la majorité des agents de l’AGESEM et de la DNACPN est composée de forestiers qui n’ont aucune expertise dans l’assainissement et le traitement des eaux usées. Les professionnels de la peau se disent victimes du manque de spécialistes dans les services techniques de contrôle et de répression et demandent à l’Etat d’intervenir pour arrêter cet abus dont ils font l’objet.

Pour vérifier la véracité de ces allégations, nous avons tenté en vain de joindre la DNACPN. Mamadou Lamine Sissoko de l’AGESEM déplore, lui, le manque de concertation et de synergie d’actions entre les différents départements concernés et les services techniques impliqués. Il pointe également du doigt, la course au profit des entreprises qui n’investissent pas dans les ouvrages d’assainissement et les activités de protection de l’environnement au sein de leurs unités. Le constat, selon lui, est qu’aucune station de prétraitement dans les tanneries ne respecte les normes édictées. C’est pourquoi, la station d’épuration a des difficultés de fonctionnement. Les eaux usées qui lui parviennent ne sont pas suffisamment prétraitées.

La mutuelle de traitement de peau et cuir, par la voix de Hamidou Traoré, annonce qu’une procédure judiciaire introduite par cette organisation est en cours pour obtenir réparation du préjudice subi. Il évalue aujourd’hui, la perte journalière à plusieurs millions de Fcfa avec plus de 400 000 peaux en souffrance. « Cette décision intervient à un moment crucial de notre activité. Nous venons tout juste de fêter la Tabaski. C’est la période de plus grande collecte. Et nos investissements sont menacés si rien n’est fait », s’alarme-t-il. A ce jour, les tanneries ont, assure-t-il, enregistré une perte estimée à environ 500 millions de Fcfa.

Au cours de la conférence, la nouvelle de la reprise pour aujourd’hui des activités est tombée et a été immédiatement annoncée par les conférenciers, sous réserve.

En attendant de savoir qui a tort ou raison, l’assainissement a frappé un coup médiatique qui pourrait marquer la fin de l’impunité en matière de protection de l’environnement et de l’assainissement et le début de l’application des textes et de la répression des infractions à la protection de notre environnement. Mais attendons de voir avant de nous réjouir.

 

Source: Essor

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