C’est évident et patent : une fièvre, sans précédent en période morte, gagne la sphère politique malienne. Ces derniers temps, ça bouge de partout. Non pas en querelles de clocher cette fois-ci, mais en véritables activités politiques, dignes d’une campagne électorale. D’où l’interrogation qui taraude les esprits : pourquoi cet activisme politique au Mali à l’heure actuelle? C’est-à-dire à plus de deux ans des prochaines élections générales (présidentielle et législatives) et que les élections communales et régionales sont reportées sine die depuis octobre dernier ?
Le paysage politique malien est en forte ébullition. El le rythme va crescendo au fil du temps, au point que les activités des partis politiques sont passées de mensuelles à hebdomadaires pour devenir quasiment quotidiennes aujourd’hui.
Selon des observateurs avertis et témoins de l’évolution démocratique du Mali ces vingt-cinq dernières années (dont nous faisons partie), jamais le paysage politique n’a été aussi actif en période hors élections. Les partis politiques ou leurs leaders manifestent sous toutes les formes: rentrée politique, tournées d’information, tournées de prise de contact, visites de courtoisie, etc.
Si le ton a été donné par Moussa Mara qui tourne en singleton depuis environ un an, la fièvre se manifeste aussi chez les autres partis et hommes politiques depuis trois mois, avec l’entrée dans la danse du Pdes, puis de l’Urd et du Rpm ce mois-ci. Quant au Parena, son activisme (permanent) se fonde sur ses activités de force d’opposition au pouvoir en place.
Interrogé, chacun place ses mouvements dans le cadre de l’animation de la vie du parti. Pourtant, un tour d’horizon de ce qui se passe actuellement, notamment au niveau de certains partis politiques, permet de déduire que ces tournées vont au-delà de simples activités politiques.
Le cas de Moussa Mara est le plus intrigant. Le commun des mortels est convaincu que l’ancien Premier ministre est déjà en campagne pour l’élection présidentielle de 2018. “Il n’y a aucun doute : Mara est en campagne“, témoignent indistinctement un homme politique et un citoyen lambda.
En effet, depuis qu’il a quitté la Primature, en janvier 2015, le président du parti Yelema-Le changement a investi le terrain, pour susciter l’adhésion des Maliens à sa cause. Après avoir conquis les communes du district de Bamako, le candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2013 a pris son bâton de pèlerin pour sillonner l’intérieur du pays, avant d’attaquer l’extérieur. Tantôt à Lafiabougou, Médina-Coura ou Koro, tantôt à Bla ou Tominian, Mara a mis les pieds dans au moins une cinquantaine de localités où il a laissé des traces. Dans plusieurs endroits, il a offert des infrastructures sociales de base que les populations oublieront difficilement.
De la France aux Etats-Unis, de la Côte d’Ivoire au Gabon et au Congo-Brazzaville, et même en Chine, Mara est allé à la rencontre de ses compatriotes de la diaspora pour parler du Mali, de Yelema et de lui-même.
Au Mali ou ailleurs, partout où il passe, il en profite pour susciter la mise en place de structures de son parti. Ce qui fait penser que Moussa Mara est déjà en train de préparer l’élection présidentielle de 2018.
Après Mara, le Parti pour le développement économique et la solidarité (Pdes) commence à s’activer. Le Bureau exécutif national (BEN) de ce parti, qui se réclame de l’ancien président Amadou Toumani Touré, a entrepris une tournée nationale initiée par son président par intérim, Sadou Harouna Diallo. Ce périple l’a déjà conduit dans les régions de Koulikoro et Ségou. Celles de Sikasso, Kayes, Mopti et Gao vont être parcourues d’ici la dernière quinzaine du mois de mars. Est-ce une campagne qui ne dit pas son nom ? Non, répondent les membres du BEN, pour qui, il s’agit juste de prendre contact avec les militants et échanger avec eux sur la vie du parti et sur le mentor ATT. Mais, si l’on creuse en profondeur, ils avancent quatre objectifs majeurs: faire le point de l’implantation du Pdes sur l’étendue du territoire national ; informer les militants sur la vie du parti; discuter des élections communales et régionales à venir; enfin faire le point des réalisations du président ATT dans la région visitée et discuter de son retour au Mali. Qui dit qu’il n’y a pas une odeur de campagne ?
Sur les traces du Pdes, on peut indexer l’Urd. Le week-end dernier, le leader du parti, Soumaïla Cissé, était à Kayes à la tête d’une très forte délégation. Auparavant, le challenger d’IBK à la Présidentielle 2013 avait pris des bains de foule dans les régions de Ségou et Sikasso et en Commune VI du district de Bamako, avec à la clé des adhésions massives dans le parti de la poignée de mains. N’est-ce pas une campagne déguisée ? Réponse de Me Demba Traoré, secrétaire à la communication de l’Urd: “
L’Urd est un parti républicain qui a des statuts et un règlement intérieur. Et nous sommes appelés à tenir notre conférence nationale en fin mars 2016, plus précisément du 26 au 27 mars. Dans les statuts, c’est une obligation pour le Bureau exécutif national, notamment pour le président, de participer à la vie du parti au niveau des régions. Pour cela, nous avons adopté un programme d’organisation de conférences régionales. Qui sont des conférences statutaires devant se dérouler dans toutes les régions. Nous avons commencé, depuis l’année dernière, par les sections de Bamako. On a tenu le même exercice à Ségou, il y a deux semaines. Après Ségou, c’était le tour de Sikasso, le week-end passé. Et maintenant, le tour de Kayes est programmé pour le week-end prochain. Les tours de Mopti, Koulikoro, Tombouctou, Gao…suivront. C’est dire que nous allons sillonner toutes les régions. Cela est de notre devoir, puisque c’est une obligation pour le parti de respecter ses propres textes “.No comment ! Mais…
Le week-end d’avant, c’est le Rpm qui était entré dans la danse sous la forme d’une rentrée politique. Et c’est Yélimané, dans la région de Kayes, qui fut choisi pour accueillir, le samedi 13 février dernier, une forte délégation du parti présidentiel conduite par l’honorable Moussa Badiaga, secrétaire administratif du Bureau politique national du Rpm et comprenant quatre ministres et une dizaine de députés du parti. Il a surtout été question de la défense du projet de société du Président IBK. Mais aussi de l’adhésion dans le parti de grandes personnalités du cercle de Yélimané et même de la diaspora, ainsi que des militants venus de l’Urd et de l’Adema. Là également, on se défend d’être en campagne. Allez savoir !
Quant au Parena, il n’est pas encore descendu sur le terrain, “pour faire campagne “. Il se limite à exercer pleinement son rôle d’opposant, en critiquant les dérives du régime. C’est une activité constante au parti du bélier blanc. La dernière en date, c’est la rentrée politique 2016, le samedi 20 février au Palais de la culture. De cette manifestation, on retient essentiellement un passage fort de l’intervention du Président Tiébilé Dramé : “Le président de la République n’a pas de projet pour sortir le pays de la crise sécuritaire. Il n’a pas de projet pour le nord du Mali. Il n’a pas de projet pour restaurer la stabilité au nord du Mali. Les tâtonnements qui conduisent aux situations dramatiques que nous déplorons tous, sont bien la preuve qu’il n’y a pas de projet “..
A.B. HAÏDARA
Source : Aujourd’hui-Mali