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Partenariat Europe-Afrique: le secteur privé appelé en renfort

Entamées en septembre dernier, les discussions sur le renouvellement de l’Accord de Cotonou avancent lentement

L’Accord de Cotonou, qui régit depuis 2000 les relations politiques, économiques et financières entre l’Union européenne et les pays d’Afrique subsaharienne, expire le 29 février 2020. Dans le cadre de ces négociations actuelles entre les deux parties pour le renouvellement du partenariat, l’Institut Montaigne a récemment publié le rapport « Europe-Afrique : partenaires particuliers ». Le think tank français recommande notamment de renforcer le rôle du secteur privé.

« L’aide publique au développement est une notion à bout de souffle, explique un proche d’Emmanuel Macron. Les dirigeants africains militent pour le Beyond aid (NDLR : au-delà de l’aide). Cela nécessite une réorientation des outils européens de coopération pour toucher le secteur privé. Le partenariat doit aller bien au-delà des administrations. Il faut travailler davantage avec les ETI, PME et start-up up africaines. »

Les négociations sur l’avenir du partenariat eurafricain sont lancées depuis neuf mois mais n’ont pas beaucoup avancé. Elles sont menées par Robert Dussey, ministre des Affaires étrangères du Togo et négociateur en chef du groupe des Afrique-Caraïbes-Pacifique (pays ACP), et Neven Mimica, Commissaire européen pour la Coopération internationale et le Développement, aidé par l’Italien Stefano Manservisi, directeur général de la Direction générale de la coopération internationale et développement au sein de la Commission (DG-DEVCO).

Les discussions sont complexes. Elles englobent le partenariat des 28 Etats membres de l’UE avec trois régions : l’Afrique (48 pays au Sud du Sahara), les Amériques (16 pays des Caraïbes) et l’Asie (15 pays du Pacifique). L’Afrique est censée présenter un front uni mais les relations entre l’UE et les pays d’Afrique du Nord (Maghreb, Libye, Egypte) font l’objet d’accords spécifiques de voisinage, plus intéressant financièrement pour ces Etats. Enjeux : l’octroi d’une enveloppe globale de 32 milliards d’euros pour l’Afrique subsaharienne et de 22 milliards pour la politique de voisinage, à répartir entre l’Afrique du Nord et certains des pays d’Europe de l’Est.

« Socle commun ». Avec les ACP, l’objectif est de signer un seul accord doté d’un « socle commun » de coopération, chacune des trois régions négociant ensuite les modalités de sa coopération sur les plans économique et financier, sécuritaire et migratoire.

« Il faut redonner une impulsion politique, ajoute le proche du président français. Et avoir un choix assumé faisant de l’Afrique une priorité géographique. Tout l’enjeu est de trouver le narratif. Il faut trouver des projets qui marquent les esprits. » La Chine a su le faire avec son initiative des Nouvelles routes de la soie, couplée à un dispositif financier souple, massif et rapide, notamment à travers sa banque de coopération, l’Exim Bank. L’Europe cherche encore son concept. Plusieurs pistes sont évoquées autour de la ville durable (qui permettrait d’associer les infrastructures, la mobilité et les innovations), la formation avec un Erasmus eurafricain, une initiative de restitution des biens culturels africains à l’image de ce que commence à faire la France.

Africains comme Européens semblent résolus à renforcer le rôle du secteur privé dans le dispositif de coopération. « L’UE devrait orienter la négociation sur l’investissement et le commerce afin de contribuer à la résorption du chômage des jeunes et réduire les flux migratoires vers l’Europe », conseille Robert Dussey. Pour les grands groupes européens, l’enjeu est de s’associer dans des consortiums pour réattaquer le marché des grands projets d’infrastructures, largement abandonné aux Chinois. L’UE estime à 600 milliards par an les besoins de financement pour le développement de l’Afrique.

Plus de 40 % des investissements directs étrangers à destination de l’Afrique viennent de l’Europe

La marque Europe jouit encore d’une bonne image même si elle est associée à des insuffisances, celle de la France charrie ses pesanteurs en raison des liens avec ses anciennes colonies.

Premier partenaire. L’Institut Montaigne liste les propositions européennes pour redynamiser la relation économique. L’Union européenne propose de créer un fonds de garantie destiné à lisser le risque africain et encourager les investisseurs privés européens. L’UE envisage aussi de regrouper ses multiples instruments financiers sous l’appellation Neighbourhood, Development and International Cooperation Instrument (NDICI) et de développer les activités africaines de la Banque européenne d’investissement (BEI) et de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). Plus de 40 % des investissements directs étrangers à destination de l’Afrique viennent de l’Europe. L’UE reste le premier partenaire commercial du continent africain. Les échanges sont compris entre 200 et 300 milliards par an.

L’institut Montaigne propose plusieurs autres pistes comme la mise en réseau des ETI, PME-PMI, start-up africaines et européennes, la simplification des procédures pour l’accès aux financements, l’amélioration de la fiscalité et de l’environnement des affaires… Il propose aussi de favoriser l’intégration régionale, qui représente moins de 18 % des échanges interafricains. La récente entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale (ZLEC) symbolise la volonté des pays africains de développer leurs relations commerciales. Mais beaucoup reste à reste à faire pour réduire les barrières tarifaires et non tarifaires.

« Il s’agira d’être moins dans la leçon sans renoncer aux fondamentaux qu’on ne devra pas hésiter à mettre sur la table »

« La formation professionnelle, marginalisée au sein des financements européens destinés à l’éducation et inadaptée aux besoins des entreprises et des économies, n’est pas à la hauteur des besoins du continent africain, qui devra accueillir 30 millions de jeunes sur son marché du travail chaque année », ajoute le rapport de l’Institut Montaigne.

Pour l’instant, l’UE retarde la validation de la feuille de route de négociation dans l’atteinte de la nomination de la nouvelle équipe à la tête de ses instances. Du côté africain, les conditionnalités politiques, le rôle de la Cour pénale internationale (CPI), les droits de l’homme sont des sujets sensibles. C’est notamment le cas des fameux articles 8 et 96.1 du dialogue politique et des conditionnalités de l’octroi de l’aide. « Nous ne voulons plus que l’UE nous fasse la leçon sur ces sujets », explique un responsable africain. En fait, les ACP rejettent la « mission civilisatrice » européenne négociée dès les premières Conventions de Yaoundé en 1963, ancêtre de l’Accord de Cotonou.

« Il faut déplacer le cursus de l’Accord de Cotonou qui est très politique, admet le proche d’Emmanuel Macron. Il faut minorer cette dimension sans délaisser le terrain des valeurs. Il s’agira d’être moins dans la leçon sans renoncer aux fondamentaux qu’on ne devra pas hésiter à mettre sur la table. En Europe, on peut utiliser des leviers financiers autres que ceux des instances de Bruxelles pour faire pression sur les questions politiques. » Les négociations UE-ACP doivent théoriquement aboutir en février 2020 mais devraient être prolongées, le délai imparti étant difficile à tenir, compte tenu de l’état d’avancement des discussions et du renouvellement en cours des dirigeants la Commission.

Source: lopinion.fr

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