A son arrivée à Bamako, l’humanitaire française a confié s’être « placée dans l’acceptation » de sa captivité au Mali pour pouvoir tenir le coup.
Les cris d’un homme percent l’obscurité. « Maman ! Mais laissez-moi passer ! Maman ! », clame Sébastien Chadaud-Pétronin en fendant la foule sur le tarmac de l’aéroport de Bamako. Cette mère, Sophie Pétronin, il ne l’avait plus vue depuis quatre ans. Quatre années depuis le 24 décembre 2016, lorsqu’elle a été enlevée par un groupe armé à Gao, dans le Nord du Mali, alors qu’elle gérait une organisation humanitaire dans la ville. Quatre années, pour son fils, à se battre et à réclamer que tout soit mis en œuvre pour sa libération. Longtemps, il l’embrasse et l’étreint.
« Elle a vu un médecin, tout est ok assure-t-il plus tard, un peu remis de ses émotions. Ma mère, c’est un roc. » Elle-même l’assure, non sans une pointe d’humour, sitôt sortie de l’avion, de son entretien téléphonique avec Emmanuel Macron et de sa rencontre avec le nouveau président malien Bah N’Daw : « Je n’ai aucun problème de santé. J’ai perdu un peu de poids, quatre dents, donc rendez-vous chez le dentiste en arrivant. »
L’humanitaire de 75 ans, coiffée d’un voile blanc, est amaigrie mais le regard reste malicieux. « Nous avons, nous aurons, ou nous avons tous eu des épreuves à traverser. Si vous êtes dans l’acceptation de ce qui vous arrive, cela ne va pas trop mal se passer. Si vous résistez, vous allez vous cogner. Alors je me suis placée dans l’acceptation », raconte-t-elle. Evoquant ses promenades dans le désert sahélien « lorsque c’était trop lourd », Sophie Pétronin admet que ce qu’il l’a aussi aidée lors de sa captivité, « c’est d’avoir des nouvelles de sa famille ».
Le doute a pourtant constamment habité ses proches. Mais dimanche 4 octobre, la flamme de l’espoir s’est ravivée avec l’annonce de la libération de dizaines de prisonniers, djihadistes présumés. Puis Bamako s’est retrouvée en proie à l’incertitude et aux spéculations les plus folles alors que l’attente s’éternisait.
Attente interminable
« Cette libération avait pour but précis l’échange d’otages », confirme une source sécuritaire. Sophie Pétronin a été libérée en même temps que deux Italiens, Nicola Chiacchio et le père Pier Luigi Maccalli, mais aussi Soumaïla Cissé, une figure de la politique malienne. Devant l’aéroport, une centaine de soutiens de cet opposant au chef de l’Etat malien déchu le 18 août, Ibrahim Boubacar Keïta (« IBK »), était venue fêter le retour de leur « président ».
Soumaïla Cissé avait été enlevé le 25 mars dans la région de Tombouctou, alors qu’il battait campagne pour les législatives à proximité de son fief électoral. Depuis, des mobilisations de soutien étaient régulièrement organisées. Les affiches réclamant sa libération étaient brandies à chacune des manifestations du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), le mouvement qui a ébranlé le régime d’IBK.
De la rumeur de leur libération à l’heure effective de la délivrance, l’attente a semblé parfois interminable à toutes les parties. Les cinq jours qui ont précédé le dénouement ont été marqués par d’innombrables atermoiements. « On nous a annoncé son arrivée mardi, alors que c’était faux, on commençait à perdre espoir », avoue Faradi Maïga, venu fêter l’atterrissage de celui qu’il soutient depuis qu’il s’intéresse à la politique. Tandis que Sébastien Chadaud-Pétronin tentait de prendre son mal en patience dans la capitale malienne, les proches de Soumaïla Cissé restaient pendus aux nouvelles en provenance de la cellule de crise mise en place sous IBK.
En réalité, « nous avons appris lundi que nous étions libres », informe Soumaïla Cissé à la télévision nationale malienne, « mais il y a des délais liés au protocole et à la sécurité des otages, ce qui fait que nous ne sommes pas arrivés plus tôt. » La tension et l’impatience n’ont pas tardé à se muer en grande fête populaire sur le perron du domicile de l’homme politique de 70 ans. Au son des vuvuzelas, Soumaïla Cissé s’est livré à un bain de foule avant de saluer l’assistance depuis son balcon, et très sûrement reprendre son combat politique en vue de la présidentielle prévue d’ici à dix-huit mois.