Le prêtre français Georges Vandenbeusch, enlevé au Cameroun mi-novembre 2013, est désormais libre. Selon le Quai d’Orsay, le père Vandenbeusch a été retrouvé mardi 31 décembre au matin et serait en bonne santé. Le chef de l’Etat français a tenu à remercier particulièrement le président camerounais Paul Biya pour « son implication personnelle » dans cette affaire. Martine Gauffeny, fondatrice de l’association Otages du monde répond aux questions de Caroline Paré.
RFI : Quelle est votre réaction après l’annonce de la libération du père Vandenbeusch ?
Martine Gauffeny : C’est toujours une immense joie pour les familles et en l’occurrence, pour les paroissiens de sa paroisse du Cameroun mais également pour les paroissiens de sa paroisse précédente en France, à Sceaux, et pour toutes les personnes qui ont accompagné cette mobilisation pour sa libération. C’est une très bonne nouvelle la veille du jour de l’an.
Est-ce que vous aviez eu des informations au cours de sa captivité ?
En fait, on a toujours très peu d’information. Ce qui est à noter, c’était que le jour de Noël, Monseigneur Bernard Podvin, porte-parole de la Conférence des évêques de France, avait donné déjà des nouvelles très rassurantes sur la situation. Tout naturellement évidemment quelques jours plus tard, il y a eu cette libération.
Même si à ce moment-là, les autorités françaises restaient très prudentes…
Il faut toujours rester très prudents jusqu’au moment où les otages sont remis aux autorités. Jusqu’au dernier moment, il peut toujours arriver quelque chose.
Cet après-midi, l’ex-otage devrait rejoindre l’ambassade de France au Cameroun. On avait souligné l’attachement du père Vandenbeusch pour ce pays, le Cameroun, l’Afrique centrale, une région où il était resté malgré les mises en garde ?
C’est le cas aussi de nombreux missionnaires partout dans le monde. C’est un sacerdoce, c’est une mission et ils restent sur place. Je ne sais pas si le père Vandenbeusch a l’intention d’y retourner, mais il se pourrait peut-être qu’il y retourne. Il n’y a pas beaucoup d’étonnement là-dessus. Ce qu’on peut remarquer, c’est qu’il y a énormément de prêtres et de religieuses qui sont menacés de prise d’otages dans le monde. C’est vrai que c’est un problème très grave pour l’Eglise.
Il y a eu aussi la famille française Moulin-Fournier. On parle de cette même région du Cameroun. Est-ce que vous estimez qu’il y a vraiment dans le mode opératoire, également dans les conditions de libération, une distinction claire entre ce qui se passe un peu plus du côté de l’Afrique centrale par rapport à ce qui se passe au Sahel ?
Le fait est que la libération a été plus rapide. Nous n’avons aucune donnée sur les négociations. Je ne peux pas vous en dire plus. Il est vrai qu’actuellement nous avons encore des otages au Mali : Serge Lazarevic et Gilberto Rodriguez Leal. Pour l’un, ça fera plus d’un an et pour l’autre, deux ans. C’est beaucoup plus long.
Pour la famille Moulin-Fournier, c’était deux mois. Pour le père Vandenbeusch, un mois et demi. On peut imaginer qu’il y a eu des fortes négociations pendant ce temps. En tout cas, dans les deux cas, l’Elysée a souligné le rôle tenu en particulier par la présidence camerounaise ?
Tout à fait. Ce ne sont pas les mêmes groupes, donc c’est toujours difficile de faire des comparaisons. Il y a des différences entre la manière certainement de traiter les prises d’otages entre le Mujao et Boko Haram, Ansaru, al-Qaïda. C’est difficile de tirer des enseignements pour les autres prises d’otages.
En Syrie, 4 journalistes retenus : Didier François, Edouard Elias, Nicolas Hénin et Pierre Torres. Est-ce que pour ces cas, il y a des preuves de vie ?
Pour Gilberto Rodriguez Leal, les preuves de vie datent tout de même d’un an, c’est-à-dire 5 jours après sa capture. Depuis, plus rien. Pour Serge Lazarevic, nous savons qu’il était vivant lorsque les otages d’Arlit ont été libérés, puisque Diane Lazarevic a pu échanger avec Thierry Dol, qui avait été otage avec Serge. Donc nous savons qu’il était vivant à ce moment-là. C’est donc à la fin de l’été. C’était plutôt rassurant. Pour les otages syriens, nous n’avons pas beaucoup de précisions. Nous ajoutons un autre otage, c’est Rodolfo Cazares au Mexique qui est otage depuis le mois de juillet 2011, et pour lequel une rançon a été versée. Et depuis, nous n’avons pas de preuve de vie.
Justement quand on n’a pas de preuves de vie, que fait-on pour agiter l’opinion, rappeler le souvenir de ces personnes qui manquent toujours à leur famille ?
Pour Otages du monde, comme pour de nombreux comités de soutien, tant qu’il n’y a pas de preuves formelles du décès d’un otage, il est vivant. Et la mobilisation, la médiation pour nous, c’est aussi une sorte d’assurance vie pour les otages, ça leur donne de la valeur. Cette mobilisation est extrêmement importante jusqu’au moment de la libération. Il faut absolument en parler, toujours en parler.
Même si vous dites que pour ce qui est des négociations, c’est toujours la discrétion qui l’emporte ? Rappeler le souvenir donc, mais ne pas trop en dire non plus ?
Mais nous, nous avons des exemples d’otages dont on n’a pas parlé et qui ne sont pas revenus. Donc en parler, c’est aussi un des facteurs qui permet leur retour.
Par Caroline Paré
Source: RFI