L’Afrique est un continent d’histoire et de luttes acharnées pour la liberté, l’égalité et l’indépendance. De la nécessité de faire converger les efforts pour le salut commun, un concept est né : le panafricanisme. Que reste-il au Mali aujourd’hui de ce qui a été mûri avant même les pères des indépendances ?
« Nous devons maintenant nous unir où périr », disait Kwame Nkrumah en 1963 à Addis-Abeba, à l’occasion de la fondation de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). Cette citation, comme une prophétie, est plus que jamais une urgente interpellation. Promouvoir l’unité et la solidarité africaine, avec une vision sociale, économique, culturelle et politique d’émancipation des peuples, est le socle du panafricanisme. « Le mouvement est né d’une certaine atmosphère et il a été porté par un enthousiasme populaire et la forte volonté politique de certains leaders. Mais 55 ans après la création de l’OUA, il n’y a pas eu de projets forts alimentés par l’élan donné en 63 », explique avec mélancolie Gaoussou Drabo, ancien ministre de la Communication et des nouvelles technologies et membre de la Haute autorité de la communication (HAC).
Pourtant, les icônes des indépendances comme Kwame Nkrumah du Ghana, Modibo Keita du Mali, Sékou Touré de la Guinée pensaient avoir balisé le terrain pour la jeunesse africaine. Le Mali dans sa Constitution a toujours affirmé « son attachement à la réalisation de l’Unité africaine », mais ce sont plutôt le spleen et l’idéalisme qui ont pris le pas sur l’action. De la flamme d’hier, Gaoussou Drabo « ne vois pas ce qui reste » aujourd’hui. « Il y a de l’héritage dans les idées, mais pas dans la réalité. Or quand les idées ne s’appuient pas sur des réalisations visibles et symboliques, cela pose problème », analyse-t-il, suggérant de commencer par un partage des objectifs économiques, comme ce fut le cas pour l’Union Européenne avec la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). « Si on obtient le libre échange sur le continent africain et que les économistes le développent selon les principes de la complémentarité, cela sera formidable », affirme Gaoussou Drabo, saluant l’exemple de la CEDEAO.
L’arrivée à la tête de l’Union africaine du Président rwandais est vue par certains comme le début d’une nouvelle gouvernance et des réformes nécessaires au bien-être du continent. « Ce que le Président Paul Kagamé est en train d’élaborer devrait permettre à l’UA de se prendre financièrement en charge au plan administratif », espère l’ancien ministre.
La relève ?
Malgré les désillusions, des voix très intransigeantes, comme celles de Kémi Sèba, Président de l’ONG Urgences panafricanistes et de nombreux jeunes maliens, chérissent « la seule voie qui sortira l’Afrique de l’ornière », selon Mahalmoudou Wadidié, membre du Mouvement fédéraliste panafricain (MFP). Celui-ci organise du 24 au 26 mai à Bamako la 2ème conférence du Comité d’initiative régionale (CIR) – Afrique de l’Ouest, sur le thème : « États africains unis dans moins d’une génération : Quelles actions de la jeunesse malienne ? », qui participe à la célébration de la Journée de l’Afrique, le 25 mai. « Nous pensons que cela sera l’occasion de faire parler la jeunesse pour qu’elle prenne conscience de son devoir de relève et formule des propositions pour le plan d’action », explique Mahalmoudou Wadidié. Sa vision est basée sur « une Afrique nouvelle, unifiée, pacifique, libre, démocratique et prospère, occupant sa juste place au sein de la communauté des peuples et du concert des Nations », les États Africains Unis (EAU), avec une gestion de la base vers le sommet. Il s’agira pour le mouvement d’organiser dans chaque pays africain un referendum invitant les citoyens à voter pour ou contre l’adhésion à la Fédération de leur État. « En décembre 2018 est prévue au Ghana une rencontre pour l’harmonisation des textes et une vision commune de la démarche, et, en octobre 2019, un grand congrès doit définir l’organisation du referendum », informe le natif de Tombouctou. Car il estime que l’Union africaine, financée encore par des fonds occidentaux est « sous contrôle et limitée. On peut s’inspirer de ce qu’ils ont fait. Il faut prendre l’avis des peuples pour le salut de l’Afrique, qui n’existera que dans l’union », philosophe Mahamadou Wadidié.
Le pari d’une Afrique unie, indépendante et respectée est à gagner. Le Mali, sous assistance internationale, devrait être plus que jamais conscient de la nécessité du panafricanisme, seule voie pour que les peuples africains aient réellement la maitrise de leur destin.
Journal du mali