Face à l’impasse dans laquelle se trouve le Nord de notre pays, les Hommes de médias et même les plus fins analystes d’entre eux ne savent plus trop à quoi s’en tenir. Appel a été fait à un Expert en la matière en la personne de Soumeylou Boubèye Maïga, ancien Ministre de la Défense nationale et ancien patron des services de renseignements pour éclairer leur lanterne. C’était le samedi dernier.
La crise du Nord persiste depuis 2012. Mais l’on retiendra que depuis la visite de l’ex Premier Ministre Moussa Mara, elle a connu une autre tournure. Cette visite a fait perdre les maigres acquis dont disposait l’Etat dans cette partie du pays. Les quelques rares militaires et fonctionnaires qui y étaient ont été chassés à coup de feux.
Et, depuis, la violence est allée crescendo, les morts se multiplient, les attentats, les vols à mains armées, les actes de viol et de barbarisme sont devenus le quotidien des populations; bref, c’est devenu une terre sans loi. Les uns et les autres se rejettent la responsabilité de ce fiasco issu de cette visite du Chef du Gouvernement de l’époque. Même s’il finira par faire les frais de cette visite ratée, Soumeylou Boubèye Maïga, alors Ministre de la Défense nationale et faisant partie de la délégation de Moussa Mara avait refusé de se rendre à Kidal. Les prétextes qu’on lui prête pour ne pas y avoir allé sont nombreux. Il aurait avancé des «maux de dos», il aurait pris en considération les «mises en garde de la MINUSMA», etc. En tout cas, il n’a pas foulé le sol kidalois et n’a pas donc participé à livrer des commis de l’Etat à la barbarie des terroristes. Mais, au delà de tous ces prétextes qu’on lui prête, il faut reconnaitre qu’avec une expérience de plus de dix ans à la tête des services de renseignements, l’homme en sait des choses et a une certaine expérience dont ne disposait pas le jeune Moussa Mara. C’est de cette expérience qu’a voulu bénéficier les Hommes de médias en l’invitant à décrypter la difficile situation du Nord Mali. Journaliste de formation lui-même, c’est avec plaisir qu’il a accepté d’échanger avec ses «confrères» de la nouvelle génération surtout.
A l’aide d’une carte du pays, il étalera toute sa connaissance du Mali et plus particulièrement de sa partie septentrionale. Lui qui s’était arrêté aux portes de Kidal propose à l’Etat pour éviter les «altercations de leadership entre groupes armés» d’y exercer son contrôle sur cette partie en entrant à Kidal. Le plan de l’Etat n’est pas celui de Soumeylou. L’Etat a toujours réaffirmé sa volonté d’y retourner mais doucement, progressivement. Ce n’est pas la bonne option, selon l’Expert, il faut, dit-il, que l’Etat ait un «agenda» clair et précis sur un retour correcte à Kidal. Il n’est d’ailleurs pas d’accord avec le plan de sécurité. Le plan sous lequel il a conduit le Département de la défense et des anciens combattants est, selon lui, aujourd’hui obsolète. Il faut un nouveau plan qui , à ses dires, va conduire nos forces de défenses à l’offensive.
La mission onusienne au Mali est l’une des plus meurtrières pour ne pas dire la plus meurtrière. L’ONU a perdu beaucoup d’hommes. Toutes choses qui font dire à Soumeylou Boubèye que «la MINUSMA et la force Barkhane ne sont plus dans une position d’engagement militaire».
Si des personnalités politiques comme Tiébilé Dramé et des membres des groupes armés privilégient l’ouverture de négociations avec le Chef d’Ançar Dine, Iyad Ag Ghali, pour sortir de la crise, Soumeylou Boubèye Maïga n’est pas en phase avec ceux-ci. En entamant des négociations avec Iyad Ag Ghali, ce serait le «légitimer» ; or, lui ne voit pas l’intérêt pour le pays de légitimer des groupes «terroristes et djihadistes». Sa solution serait de mutualiser les efforts dans la sous-région pour venir à bout de cette crise. Une stratégie pour laquelle optait jadis ATT.
Mohamed Dagnoko : LE COMBAT