D’abord au nord et centre du pays, ensuite au sud, des centaines d’écoles ont fermé leurs portes sous la menace djihadiste, laissant craindre un chaos pour les générations à venir. Un véritable drame.
Assis sur une natte, Allaye tient avec application une craie blanche qu’il fixe sur une ardoise. Le garçon tente de reproduire des caractères couchés sur son manuel « Mamadou et Bineta ». L’élève de 7 ans, originaire de la région de Mopti, dans le centre du Mali, s’adonne à cœur joie à cet exercice, tous les soirs, depuis la rentrée.
Son père l’a fait venir auprès de lui, à Bamako, dans la capitale malienne, pour l’inscrire à l’école. « Chez nous, l’école est interdite par les ‘hommes de la brousse’ [les djihadistes, ndlr] », explique un jeune commerçant de 30 ans qui a requis l’anonymat par peur de représailles. Dans cette banlieue proche de Bamako, ils sont une dizaine d’écoliers à avoir quitté leurs villages pour venir poursuivre des études chez des proches en ville.
Crépitement des armes
Parmi ces jeunes, Samba, 12 ans, élève en classe de 6e année. En novembre 2019, des hommes en armes ont fait irruption dans son école. Ils ont mis le feu aux documents administratifs et didactiques. Et ont enlevé six enseignants, qui seront relâchés par la suite grâce à la médiation des autorités locales. Ce jour-là, l’adolescent a failli perdre la vie. Durant de longues minutes, il est resté évanoui, après que les assaillants ont tiré en l’air pour sommer les élèves de regagner leurs domiciles.
Quand il évoque ce souvenir, s’ensuit un sourire innocent. Puis sa mine change : « j’étais à deux pas de la mort, mais Dieu m’a sauvé !», lance-t-il. Aujourd’hui, Samba, le 2e garçon par ordre de naissance dans la tradition peule, s’estime heureux de pouvoir continuer ses études, loin du crépitement des armes.
L’école décrétée « haram »
Beaucoup d’écoliers n’ont pas ce privilège. Piégés dans une guerre qui ne dit pas son nom, des centaines de milliers d’élèves sont privés de leurs droits à l’éducation, principalement dans les régions du nord et centre du pays. Selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), plus de 1100 écoles au Mali sont fermées à cause de l’insécurité. Plus de la moitié des établissements se trouvent dans la région de Mopti, épicentre de la crise sécuritaire où des groupes extrémistes ont décrété l’école conventionnelle « haram », contraire à l’islam rigoriste qu’ils imposent aux populations.
Pour cet enseignant originaire de la région de Tombouctou, « cette situation est une bombe sociale » qu’il faut vite désamorcer. « On crée une génération d’analphabètes qui risque de répandre l’obscurantisme et la mainmise des extrémistes », s’inquiète-t-il. Il interpelle les autorités à « sauver » cette génération du « chaos ».
Source : Benbere