Mamadou Sinsy Coulibaly : «Ce n’est pas la “Transition” qu’il faut sauver, mais notre pays »
La famine est à nos portes, l’économie est à bout de souffle pendant que les investisseurs sont en train de plier bagages, l’insécurité persiste. Braver le monde globalisé avec un tel tableau cauchemardesque, c’est opter pour le chaos imminent.
Notre capitale vibrionne sous l’effet des rumeurs, s’agite dans le sillage des coups de force judicaires ou au contraire des coups de force contre les jugements rendus par la justice. Les invectives des uns répondent aux provocations des autres et la vérité et le discernement disparaissent progressivement sous les assauts des “fakenews” véhiculées sur les réseaux sociaux.
Pendant ce temps-là, la population peine toujours à se nourrir alors que flambée des prix et la rareté des matières de base fait apparaître le spectre d’un début de famine en fin d’année. Notre économie est entrée dans une espèce de coma terminal si nous ne réagissons pas et l’Etat peine à exercer son autorité et à fournir aux Maliens les services de base qu’il leur doit au-delà du grand Bamako. Où est le ministre du Commerce et de l’Industrie ? (en vadrouille) C’est comme ça qu’on réduit le train de vie du gouvernement…
De ce fait, le moral des patrons maliens, dans une telle conjoncture difficile, est au plus bas. La situation économique et l’environnement des affaires en disent long. Cet état de fait non reluisant est exacerbée par de nombreuses crises, aussi sanitaires que sécuritaires, qui ralentissement les activités entrepreneuriales d’autant que les investisseurs ne sont pas au rendez-vous.
Dans un tel contexte de faillite, puisque les recettes de toutes sortes se font rares, l’économie va forcément chuter. Et cela se fera d’autant plus sentir dans le pays que l’entreprise s’en portera mal et même très mal.
D’autant que nous sommes incapables de réintroduire de la sérénité chez les entrepreneurs et les entreprises, qui sont les véritables vecteurs de la création de richesses et d’emplois, dans les secteurs vitaux, alors là il est impossible, pour nous, d’avoir une économie compétitive.
Alors, ce n’est pas la “Transition” qu’il faut sauver, c’est notre pays. Nous devons trouver, en nous-mêmes, les ressorts moraux et les ressources pour remettre le Mali dans le droit chemin, pour revenir à notre ambition du mois d’août 2020, lorsque nous voulions construire ensemble un avenir meilleur pour le Mali et pour les générations qui nous suivront. Un chantier colossal : constitutionnel, institutionnel, sécuritaire, économique, social, etc. !
C’est bien connu de tous, le risque, pour nous, d’aller à l’encontre des règles de la communauté internationale, c’est que les investissements publics aussi bien que privés vont nous fuir. Et au pire, le pays pourrait se retrouver en marge de toutes les organisations commerciales et économiques.
Plutôt que de rejeter, en toutes choses, sur les autres nos propres incapacités et nos propres fautes, nous devons être capables par nous-mêmes de profiter des énormes opportunités offertes par la multiplication de nos partenaires.
Si nous ne sommes pas habiles, dans le sillage du monde globalisé auquel nous appartenons, de se créer plus d’options d’investissements en matière de flux commerciaux et de multiplication des sources de financements de nos économies, nous ne pouvons que nous en prendre qu’à nous-mêmes, étant donné que nous sommes les seuls à définir nos priorités.
On ne doit pas se lasser de le dire : tous les grands pays, qui ont développé leur économie, l’ont fait en étroite collaboration avec le secteur privé. C’est dans une telle assurance de collaboration public-privé que des partenariats plus accrus réussissent à investir massivement dans l’économie, en ciblant principalement les secteurs vitaux comme l’éducation, la santé et les infrastructures.
En lieu et place de ça, de Koulouba aux marchés Rose, nous ne cessons de débattre sur qui appeler à l’aide ou qui accuser de tous nos malheurs, comme si la réponse à l’une ou l’autre de ces questions pouvait nous exonérer de notre propre responsabilité.
Mais que sont devenues les mannes de Simbo Soundjata, le père de notre pays ? Qu’avons-nous fait de l’esprit du Mandé Massa, celui qui mit en déroute Soumahoro Kanté, le roi forgeron du Sosso ; celui qui unit dans un même pays, les Malinkés, les Maures, les Peuls, les Dogons et tous les autres ? Où est son courage, sa persévérance, sa franchise, lui qui avait reproché à son peuple son infatuation (yâda), sa suffisance (yéré fô), son mépris et sa haine de son prochain. Où est son bras armé, Fakoli Doumbia qui pacifia le Sahel ?
Ne faisons porter sur personne d’autre que nous la responsabilité de la situation actuelle. Nous sommes un peuple libre et un pays souverain. Rien ne nous contraint au-delà de ce que nous avons, en conscience, décidé et accepté. Le Mali doit respecter sa constitution, ses engagements internationaux, ses alliances et ses accords internationaux.
Ainsi vont les choses : aucun pays moderne ne peut faire bande seule dans un monde globalisé, où le jeu des alliances est la règle dominante. Le Mali n’y fera pas exception. C’est bien la raison pour laquelle, au niveau des Etats ainsi que dans les organisations internationales, l’image de la respectabilité s’acquiert par la capacité des uns et des autres de respecter strictement les engagements, auxquels il a souscrits.
Ce n’est que dans ces conditions que nous pourrons étendre “la peau de la royauté du Mandé” (tapis rouge) pour y accueillir le président que nous élirons.
Bref, comme l’enseignent les Ecritures saintes, c’est important de s’éloigner de tout ce qui nourrit ou réveille la tentation.
Mamadou Sinsy Coulibaly
Président du CNPM
Commandeur de l’Ordre National du Mali
Médaillé de la Légion d’Honneur