Mercredi 14 février, les troupes françaises de de la force Barkhane ont mené un raid aérien à côté des localités de Boughessa et de Tin Zawaten au Nord-Est du Mali, à 10 km seulement des frontières algériennes. L’action militaire s’est faite également au sol. Selon le quotidien français Libération, deux campements d’Ansar Dine, organisation qualifiée de djihadiste par Paris, ont été ciblés par l’attaque militaire.
« Une dizaine de jihadistes ont été tués et 14 ont été appréhendés », a rapporté le journal citant une source sécuritaire malienne. L’état-major français a avancé, d’après France 24, un bilan de vingt terroristes tués ou capturés.
Le chef d’état-major de l’armée française a qualifié, dans un communiqué rendu public, vendredi 16 février, le raid d’audacieux. « Vingt trois terroristes, dont des chefs d’Ansar Dine ainsi que d’Al Mourabitoun, connus pour leurs exactions à l’encontre de la population malienne, ont été tués ou capturés dans cette opération (…) Cette action d’éclat porte un coup significatif aux groupes armés terroristes. Elle marque un succès supplémentaire dans la lutte menée par les armées françaises aux côtés des forces armées maliennes, de celles de la force conjointe du G5 Sahel et de la Minusma pour la sécurité au Mali et au Sahel », est-il souligné dans le communiqué.
Iyad Ag Ghali ciblé
Il n’existe aucune information sur la mort ou non du chef d’Ansar Dine Iyad Ag Ghali, cible principale de l’offensive française. Les Forces armées maliennes (FAMA) ont annoncé, sur leur compte twitter, que l’opération militaire s’est soldée par la mort de Malick Ag Wanasnat, ex-colonel de l’armée malienne, qui aurait rejoint Iyad Ag Ghali.
Une source militaire française, citée également par France 24, affirme que Iyad Ag Ghali se serait « réfugié à la frontière algérienne », sans plus de détails. Les soldats français ont poussé l’action jusqu’à Inaghalawass, un oued situé à moins d’un kilomètre de la frontière avec l’Algérie.
D’où la question : les autorités algériennes étaient-elles au courant de cette opération menée aux portes de l’Algérie ? La veille de l’opération au Nord Mali, mardi 13 février, le général de corps d’Armée, Ahmed Gaid Salah, vice-ministre de la Défense et chef d’état-major de l’Armée, a reçu l’Amiral Bernard Rogel, chef d’état-major particulier du président français Emmanuel Macron.
Même si le but de cette visite, annoncée à la dernière minute, n’a pas été précisé, Rogel serait venu informer le premier responsable opérationnel de l’armée de l’action qui allait être menée dans la nuit même en territoire malien à proximité du territoire algérien.
« Frapper aussi près de la frontière, alors que les relations de confiance entre Paris et Alger sont compliquées, représente sans doute un risque politique. Mais les autorités françaises ont dû estimer qu’il s’agissait d’une cible prioritaire », a estimé Yvan Guichaoua, chercheur à l’université de Kent, cité par le quotidien Libération.
Alger refuse d’adhérer au G5 Sahel
L’armée algérienne surveille de près les frontières avec le Mali, devenues source d’inquiétude depuis l’attaque contre le complexe gazier de Tingentourine en 2013 et l’effondrement du régime de Mouamar El Kadhafi en Libye en 2011 avec la multiplication des réseaux du crime transfrontalier et trafic d’armes et de drogues dures.
Paris souhaite que l’Algérie contribue plus à l’action antiterroriste dans le Sahel à travers notamment l’Alliance du G5 Sahel, composé du Niger, du Mali, de la Mauritanie, du Tchad et du Burkina Faso.
Alger refuse de faire partie de cette force car sa doctrine de défense lui interdit de s’engager militairement en territoire extérieur. En novembre 2017, le premier ministre Ahmed Ouyahia a, lors du sommet Union africaine-Union européenne, rappelé les efforts de l’Algérie menés dans la zone Sahel avec l’octroi de 100 millions de dollars pour les cinq pays de la région (Libye, Mauritanie, Niger, Mali et Tchad) pour lutter contre le terrorisme, combattre le crime organisé et « pour former une dizaine de compagnies de forces spéciales et leur donner d’énormes équipements ».
« L’implication solidaire de l’Algérie dans la lutte antiterroriste, dans la sous-région sahélienne, est organisée depuis plus de 10 ans à travers le Comité d’état-major opérationnel des armées (CEMOC) (basé à Tamanrasset) et d’autres mécanismes de coopération », a-t-il appuyé.
Mercredi 14 février, l’armée française a mené seule l’opération contre Ansar Dine, sans l’appui du G5 Sahel, toujours sous équipé, peu organisé et mal financé.
L’Algérie continue de défendre l’approche d’une solution inter africaine aux problèmes sécuritaires de la région Sahel. Une solution qui privilégie le développement économique des zones frontalières, le respect des règles du « bon voisinage » et l’échange efficace d’informations sécuritaires sur l’action des « groupuscules » terroristes activant, parfois avec grande facilité, dans le Nord Mali, au Niger et à l’Est de la Mauritanie.
Sur le plan politique, Paris souhaite qu’Alger fasse « plus d’efforts » en matière d’application sur le terrain des Accords de paix d’Alger de 2015. L’Algérie, par la voix de Abdelkader Messahel, ministre des Affaires étrangères, a répondu que c’était aux maliens de faire cet effort et de « mettre en œuvre les engagements pris ».
Messahel évoque “les interférences” dans les affaires maliennes
« Nous continuons à penser – d’ailleurs, tout comme pour ce qui est de la Libye –, que le problème concerne d’abord les Maliens, c’est à dire toutes les parties signataires. Il faut que les Maliens s’approprient le processus de mise en œuvre des engagements qu’ils ont pris. Et nous pensons sérieusement qu’ils en ont la capacité. Vous savez un accord n’a de valeur que s’il est mis en œuvre. Et la mise en œuvre d’un accord n’existe que s’il y a une véritable volonté de la part des signataires. Je n’accuse personne, mais je suis certain que, s’il y a une véritable prise en charge, sans interférence dans les affaires des uns est des autres, je pense qu’on aura franchi de grandes étapes dans le retour de la paix et la stabilité, dans la préservation de l’unité, la souveraineté de ce pays voisin, avec lequel nous partageons beaucoup de choses », a déclaré le chef de la diplomatie algérienne dans une interview à RFI, fin janvier 2018.
L’Algérie estime que la solution politique reste la meilleure voie pour régler les problèmes qui se posent encore au Mali, tout en poursuivant la lutte antiterroriste sur son territoire et en appuyant logistiquement ses voisins à contrer l’action des organisations criminelles agissant dans le Sahel et au Maghreb.
Tsa Algérie