Le géant agricole serait-il en train de sombrer. Rien n’est moins sûr. L’entreprise, jadis la fierté du Mali, traverse l’une des plus graves crises de son existence. A ce jour, tous les comptes de l’Office du Niger sont au rouge et la société s’apprête à alléger drastiquement son personnel.
‘’Office du Niger : un nid de bandit en col blanc’’, titrions-nous il y a quelques semaines. L’histoire semble nous donner raison avec une honteuse affaire de détournement de fonds entre la direction générale de l’Office et un avocat de la place. Des sorties d’argent injustifiées ont plombé la société qui n’a autre choix que de remercier le personnel superflu qui émarge sur son budget. Ainsi, il va pouvoir alléger les charges de l’entreprise.
Ce personnel superflu a été recruté par affinité ou par complaisance par les différents directeurs qui sont succédé à la tête de l’ON. Parmi les recrues, on retrouve des enfants des hauts placés de la République, dont un membre du cabinet du chef de l’Etat. Profitant du régime en place, les barons ont recommandé qui son fils qui sa fille, sa nièce ou neveu. Alors même que ces recrues n’ont aucune compétence pour occuper les postes auxquels elles sont employées. Mieux, il n’y a aucun de besoin de recrutement à l’Office du Niger. Avec des dépenses surfacturées et des détournements à la pelle, l’entreprise est aujourd’hui au bord de la banqueroute. Dans les couloirs du ministère en charge de l’Agriculture, on apprend que la gestion du PDG Mamadou Mbaré Coulibaly est fortement décriée. Egalement, ses supérieurs sont d’autant plus remontés contre lui qu’il est sur le point d’être viré à défaut d’avoir des soucis judiciaires.
Comme si cela ne suffisait pas, une sulfureuse affaire vient sceller son sort. Il s’agit du détournement de 400 millions de nos francs au profit d’un avocat de la place.
400 millions FCFA payés dans le flou et l’informel
En effet, l’Office du Niger doit, depuis 24 ans, 4 milliards de FCFA à l’Institut national de prévoyance sociale (INPS). Ce montant couvre des charges sociales et des pénalités dans le retard de paiement. Le PDG sortant de 2016, Ilias Dogoloum Goro, et son équipe ont fait un rapport circonstancié au ministère de tutelle qui, à son tour, a saisi son homologue des Finances qui trouve les moyens de faire un rabattement de cette dette sur l’Office du Niger, pour éponger cette dette. Une année avant, soit en 2015, de façon floue et encore injustifiée, l’Office du Niger fait recours au service d’un cabinet d’avocat. Mais pas n’importe lequel, celui de Me Baber Gano, tout puissant secrétaire général du parti au pouvoir, le RPM.
Ce contrat porte sur de une assistance judiciaire pour 15 millions de F CFA par an et comportant diverses prestations : plaidoirie, suivi de procédures judiciaires, défense des intérêts de l’ON, étude de dossiers et avis juridiques, assistance, rédaction d’actes, rédaction de mémoires, interprétation de textes, formation des agents d’encadrement et des paysans sur les textes organiques, audit juridique et même recouvrement de créances de l’Office du Niger.
En plus de ce montant avec ses prestations, Me Baber Gano et son cabinet ont la possibilité, dans le contrat N°020 de l’année 2015 avec tacite reconduction, de renflouer ses caisses. Il s’agit de jouer le rôle de recouvreur pour l’Office du Niger. Avec trois (3) sortes de taux à gagner : au moins 10% si le cabinet recouvre des créances de l’Office du Niger jusqu’à 5 millions ; 5% entre 5 et 10 millions et 2,5% pour des sommes recouvrées à plus de 10 millions. Jusque-là tout va bien. Pendant trois ans de contrat, le Cabinet de Me Gano n’a formé ni les agents ni les paysans encore moins recouvrer 1 francs des créances que l’Office du Niger a avec des particuliers ou des structures.
Décembre 2016, le nouveau PDG, Mamadou M’baré Coulibaly, et le DAF, Oumar Touré, ont trouvé les moyens de payer 400 millions d’indus au secrétaire général du parti présidentiel. Une lettre de ce dernier informe que l’intervention de son cabinet a permis d’apurer la dette de l’Office du Niger auprès de l’INPS. Et exige pour cela 10% des 4 milliards, soit 400 millions. Alors même que l’entreprise, au lieu d’encaisser, a plutôt perdu. Comme preuve de cette supposée assistance (la situation avait été déjà réglée entre les départements de l’Agriculture et celui des Finances), il soumet une décision du ministère des Finances pour mandatement au Trésor public en date du 20 décembre 2016 et qui fait référence à un arrêté signé le 26 décembre 2016. Trouvez l’erreur ! Le Tout signé par la Secrétaire général du département à l’époque, Sidibé Zamilatou Cissé.
C’est par trois virements bancaires d’une centaine de millions chacun sur le compte de l’avocat que le paiement a été fait.
Les spécialistes sont unanimes que dans chaque service du pays, le mandatement de ce genre de paiement au Trésor est fait par le département de tutelle. Or, c’est la Secrétaire générale du ministre des Finances, aujourd’hui Directrice de Cabinet du Premier ministre, qui l’a fait ; ce qui démontre à suffisance qu’un flou artistique entoure cette affaire. Une imitation de signature n’est pas à exclure dans ce cas. Une précipitation visiblement de faussaires qui oublient d’antidater la décision pour la rendre conforme à l’arrêté de référence. Comme quoi le crime parfait n’existe pas.
Aussi, le hic dans cette opération bancaire et cette évasion de fonds, c’est que l’avocat est supposé gagner de l’argent en cas d’entrée et non le contraire. Mais au lieu de cela, on lui paye une prestation non effectuée sur une dette qui est apurée et non une créance qu’il a recouvrée, entendu que c’est lui qui fut à la base ! Alors même que la prestation est comprise dans son montant annuel de 15 millions qu’il gagne déjà.
A supposer même que ce soit une créance recouvrée et comme le stipule son contrat, la commission est juste de 2,5 % et non 10 %.
Tout porte donc à croire que c’est un détournement de fonds qui s’est opéré et pour lequel à l’Office du Niger, c’est le branle-bas et le service minimum juste de règle car les agents dans leur ensemble demandent des comptes.
Nos sources rapportent qu’une demande d’explication du département de tutelle aurait été envoyée au PDG de l’Office du Niger. En attendant, les comptes de l’entreprise sont au rouge et déjà, un programme de licenciement massif du personnel superflu est en cours.
Une descente musclée de l’Inspection et du bureau du vérificateur général serait en vue pour voir clair dans ce qui se trame dans cette boîte. Le renvoi du PDG ne serait plus qu’une question de jour. Chaque conseil des ministres est ainsi devenu un supplice pour lui.
A suivre.
Harber MAIGA
Azalaï-Express