La mort de Me Abdoulaye Garba Tapo, et surtout la mise en terre de sa dépouille dans le silence assourdissant des médias d’État, est un vrai scandale, surtout un grand scandale. De 1607 à aujourd’hui, je mesure combien Shakespeare est toujours d’actualité dans mon pays à travers sa mythique pièce qui campe le personnage de Coriolan.
Quand je pense que des gueux et des marchands de vent sont décorés au Mali à longueur de journée et, que cet intellectuel brillant, professeur émérite, grand Avocat, grand serviteur de l’Etat, ancien Garde des Sceaux, ministre de la justice, s’en est allé dans l’indifférence totale de la République, je ne puis m’empêcher de penser au discours de Coriolan face à Rome.
Oui certains me diront pourquoi s’étonner quand celui qui incarne aujourd’hui la République et l’Etat a pour modèle en la matière un dictateur ? Et tout ça parce qu’il a le tort d’être opposé au tragique modèle de gouvernance qui a cours chez nous depuis bientôt cinq ans.
Ah que c’est à la fois petit et mesquin. Ce que le Président IBK me donne à voir à l’occasion est aux antipodes de ce que je croyais auparavant savoir de lui. Loin des breloques et autres joyeusetés du genre, la mort d’un ancien ministre doublé d’écrivain et de professeur d’université ayant accompli de grandes missions de service public devrait transcender nos clivages. Heureusement que ses étudiants, les avocats qu’il a formés, ses confrères, ses collègues enseignants, les ressortissants de Mopti à Bamako, ses amis et les membres de “Mali avance ” plus quelques rares militants du parti de l’abeille solitaire, l’ont pleuré et dignement accompagné à sa dernière demeure.
Même mort vous n’avez pu cacher sa grandeur, sa stature patriotique de citoyen perpétuellement engagé dans le combat pour un Mali toujours debout et toujours meilleur. Il s’était affranchi du carcan du parti au profit de membre d’associations citoyennes afin d’avoir la liberté de parole et d’action lui permettant de toujours plonger dans la plaie le fer rouge. Oui, en de pareilles circonstances, quand la République se dérobe à ses devoirs, je tendrais à toujours donner raison à Coriolan dans certaines de ses envolées.
Dors en paix Sarafo, tu n’as pas vécu inutile, tu as accompli plus que ton devoir de citoyen comme aimait à le dire le Président Konaré. Tes soliloques pas comme certaines rhétoriques aux pâquerettes naines ont fait pousser des arbres dont les fruits à leur parfum et à leur goût portent et porteront la promesse du Mali de ton aspiration. Continue dans l’altérité du Seigneur d’accompagner et de bénir les acteurs du changement. Qu’Allah te fasse miséricorde pour et dans le siècle des siècles.
Boubacar Karamoko COULIBALY
Le Reporter