L’avant-projet de nouvelle Constitution a été remis au Président de la Transition le 11 octobre 2022. Ce texte, qui sera soumis à référendum en mars 2023, contient des innovations majeures par rapport à l’actuelle Constitution, celle du 25 février 1992, et suscite des interrogations.
Parmi les nouveautés contenues dans l’avant-projet de nouvelle Constitution, le Président de la République, qui peut subir une procédure de destitution, détermine désormais la politique de la Nation et non plus le gouvernement. L’Assemblée nationale ne peut donc plus renverser le gouvernement, dont les membres, quelle que soit leur dénomination, sont limités à 29. Et le Président de la République ne peut plus dissoudre l’Assemblée nationale.
La Haute Cour de justice et le Haut Conseil des Collectivités sont supprimés, tandis que l’avant-projet consacre la création de la Cour des comptes et une modification du Conseil économique et social, auquel s’ajoute l’environnement. Le Parlement devient bicaméral, avec la création d’une deuxième chambre, le Haut Conseil de la Nation (HCN).
« Je pense que cet avant-projet de nouvelle Constitution s’inscrit dans une dynamique de réadaptation du texte à la réalité socio-politique évolutive. Les réalités sociales du Mali ont évolué ces dix dernières années, sous les auspices de la crise du Nord et du Centre », note l’analyste politique Ballan Diakité.
Mais, pour le Professeur Fousseyni Doumbia, constitutionnaliste et Secrétaire général de l’Association malienne de droit constitutionnel, les différentes innovations contenues dans l’avant-projet de nouvelle Constitution ne sont pas « refondatrices » et la Commission de rédaction n’a apporté « quasiment rien de nouveau », n’ayant fait que capitaliser les différentes tentatives de révision constitutionnelle.
« La refondation suppose la matérialisation de réformes en profondeur de la Constitution, substantielles, audacieuses et radicales de la norme fondamentale. Elle suppose également qu’on touche à certaines lignes rouges que le pouvoir de révision ne peut pas toucher, qu’on change soit la nature du régime politique soit la forme de l’État, mais aucun changement n’a été apporté dans ces éléments substantiels de la Loi suprême », relève-t-il.
Risque de destitution « inopérante »
En plus d’un Parlement à double chambre, qui s’aligne sur le modèle anglo-saxon effectif dans plusieurs pays du continent, la procédure de destitution du Président de la République par le Parlement est l’une des innovations-phares de l’avant-projet de nouvelle Constitution.
Toutefois, selon le Professeur Fousseyni Doumbia, cette destitution du Président de la République restera également « inopérante, comme elle l’a été devant la Haute Cour de justice ». « Le Président aura la mainmise sur l’Assemblée nationale et le Haut Conseil de la Nation, où il nommera /4 des conseillers, qui seront naturellement dévoués à sa cause », craint-il, préconisant plutôt un renforcement des mécanismes de démocratie directe pour la destitution du Président de la République. « Le cas échéant, à travers notamment des moyens de référendum révocatoire ou de pétitions populaires pour mettre en accusation le chef de l’État, à l’image de certaines démocraties contemporaines ».
Si, selon lui, le mécanisme prévu dans l’avant-projet risque de ne pas marcher, Ballan Diakité juge pour sa part nécessaire cette disposition, pour « renforcer davantage le principe de l’équilibre des pouvoirs ». « Il fallait le faire, puisqu’on ne peut pas dire que le peuple est souverain et en même temps permettre qu’une personne que ce peuple a élue ait des super pouvoirs et soit inarrêtable », analyse M. Diakité.
Panacée pour l’Accord pour la paix ?
L’avant-projet de nouvelle Constitution prend en compte certaines dispositions de l’Accord pour la paix de 2015 issu du processus d’Alger, notamment, entre autres, la création d’une seconde chambre au Parlement, la reconnaissance des chefferies traditionnelles et les mécanismes de distribution traditionnelles de la justice. Mais, selon les observateurs, la nouvelle Constitution ne garantira pas à elle seule une application effective et intégrale de cet Accord.
« Il y aura toujours d’éventuels problèmes d’application effective de l’Accord, parce que cela ne tenait pas seulement à la révision ou à l’élaboration d’une nouvelle Constitution, cela va mais bien au-delà. Il revient aux décideurs de voir quelle adéquation trouver avec la nouvelle Constitution », souligne Ballan Diakité.
Journal du Mali.