Au Congo Brazzaville depuis 2017, le technicien malien a remporté le titre de champion cette année, réalisant au passage un parcours sans faute. Dans cette interview, celui que les supporters maliens appellent
familièrement Conti raconte comment il est arrivé dans ce pays, fait découvrir son équipe et affiche ses ambitions pour la prochaine Ligue des champions
L’Essor : Depuis quand coach Conti est au Congo Brazzaville ?
Aliou Badra Diallo : Je suis au Congo depuis novembre 2017, j’ai été contacté par les dirigeants d’Otoho pour venir d’abord voir l’équipe qui était en mauvaise passe. Otoho est une équipe régionale, nous sommes très très loin de la ville. C’est un petit village du nom de Oyo.
Avant, le village ne disposait même pas de terrain d’entraînement; c’est après mon arrivée que la localité a construit un terrain. Je peux même dire, sans fausse modestie, que c’est grâce à moi que l’infrastructure a été réalisée. En effet, quand je suis arrivé, le président du club m’a demandé de faire une feuille de route et d’indiquer tout ce dont le club a besoin. J’ai élaboré ma feuille de route et immédiatement le président du club, Raoul Ominga a approuvé le projet et depuis ce jour tout va bien.
L’Essor : C’est la deuxième fois que vous êtes sollicités par les clubs de ce pays. Selon vous, quelle est l’explication ?
Aliou Badra Diallo : L’explication est très simple comme : les dirigeants ont aimé mon projet et aussi j’ai eu la chance d’avoir un bon président qui est très ambitieux et prêt à tous les sacrifices pour bâtir une équipe digne de ce nom. Raoul Ominga a mis tous les moyens à la disposition de l’équipe et dès ma première année, nous avons remporté le titre de champion du Congo. Otoho a réalisé un parcours sans faute et le président était tellement content qu’il a décidé de confisquer mon passeport (rires) pour m’empêcher de quitter le club. Je suis donc à Otoho pour encore quelques années, et très franchement, je me sens bien dans ce club. J’ai tout ce dont un entraîneur a besoin pour travailler et obtenir des résultats.
L’Essor : Comment vous sentez-vous dans ce pays où vit une forte communauté malienne ?
Aliou Badra Diallo : Comme je l’ai dit plus haut, je me sens très bien ici. La chaleur humaine est telle que je me sens comme chez moi au Mali. Quand Otoho joue, les Maliens viennent toujours au stade pour donner de la voix à l’équipe. Avant la pandémie du coronavirus, je recevais régulièrement la visite des supporters maliens et certains m’invitaient même à manger avec eux dans les restaurants. Les Maliens qui sont là me soutiennent énormément, je profite de cette interview pour les remercier, sans oublier le président de la communauté malienne du Congo qui mobilise mes compatriotes à chaque fois que Otoho joue.
L’Essor : Combien d’équipes évoluent dans le championnat congolais et quelle est la position actuelle de votre équipe en championnat ?
Aliou Badra Diallo : Avant, il y’avait 16 équipes en première division, mais ces deux dernières années, la Fédération congolaise de football (FECOFA) a décidé de réduire à 14 les clubs de l’élite du pays. Pour moi, la réduction du nombre d’équipes s’est traduite par une nette amélioration du niveau du championnat.
L’Essor : Quelle est la durée de votre contrat ?
Aliou Badra Diallo : Depuis que j’ai commencé à entraîner, je signe toujours des contrats d’un an renouvelable. Vous savez, en football, les choses vont souvent vite et la vie d’un entraîneur dépend toujours des résultats. Je sais que Otoho veut me garder le plus longtemps possible, mais on ne peut pas présager de l’avenir. Mon objectif est d’amener ce club à un niveau qu’il n’a jamais atteint et, pourquoi pas, remporter un trophée continental. Ce serait une juste récompense, surtout pour le président Raoul Ominga qui est un grand passionné de foot.
L’Essor : Vous connaissez bien le football malien pour avoir entraîné plusieurs équipes au Mali, dont le Djoliba et le COB. Selon vous, quel est le niveau du championnat congolais par rapport à celui du Mali ?
Aliou Badra Diallo : Pour moi, le niveau du championnat au Mali est bon, mais c’est l’organisation qui manque au football de notre pays. La différence entre le Congo et le Mali est simple : ici, les entraîneurs sont bien traités et travaillent sans pression. Pour moi, la différence réside à ce niveau. Mon président à l’habitude de me dire, Conti, dis-moi tout ce dont tu as besoin pour être champion et je le ferai. Même si tu as besoin d’un joueur qui se trouve en Angola, en Afrique du Sud ou ailleurs, tu l’auras. Je dois dire également que les supporters congolais, en général et ceux d’Otoho, en particulier sont patients et moins exigeants avec les joueurs et le staff technique. Ici, les insultes sont rares dans les stades et les bagarres entre supporters n’existent presque pas. Au Mali, ce n’est pas la même chose et je suis bien placé pour le dire.
L’Essor : On sait que la pandémie du coronavirus a poussé plusieurs pays à arrêter la saison. Qu’en est-il au Congo Brazzaville ?
Aliou Badra Diallo : Avant le début de la pandémie de coronavirus, c’était presque fini au Congo, il ne restait que 4 journées et l’AS Otoho était déjà assurée du titre de champion. L’équipe a été sacrée avec 56 points, contre 42 et 41, respectivement pour le deuxième, les Diables noirs et la JS Talangai. La saison est donc terminée au Congo et l’AS Otoho a été officiellement déclarée championne et disputera la Ligue des champions d’Afrique, la saison prochaine. Je dois préciser que toutes les activités sportives sont arrêtées au Congo depuis l’apparition de la pandémie de coronavirus. J’ai donné des programmes d’entraînement individuel aux joueurs, en attendant la reprise des compétitions.
L’Essor : Comment avez-vous vécu cette situation. Est-ce que la crise sanitaire a eu des conséquences pour votre club et les joueurs ?
Aliou Badra Diallo : Le confinement a été durement ressenti à tous les niveaux, ça n’a pas été facile de rester à la maison pendant des semaines. Sinon pour le reste, je peux dire qu’il n y’a pas eu de problème. Le club a continué à payer intégralement les salaires des joueurs et de l’entraîneur, bien entendu (rires), comme il l’a toujours fait. Nous sommes simplement pressés de reprendre le chemin du stade pour jouer, parce que le football nous manque.
L’Essor : Y’a-t-il des joueurs maliens dans le championnat congolais. Si oui, combien sont-ils ?
Aliou Badra Diallo : Il y’a beaucoup de joueurs maliens dans le championnat congolais, mais dans mon club l’AS Otoho, on n’en trouve qu’un seul : il s’appelle Alou Bagayoko qui va bientôt avoir d’autres Maliens à ses côtés. C’est en tout cas mon souhait parce que l’équipe doit être renforcée, dans la perspective de la campagne africaine à laquelle Otoho participera l’année prochaine.
L’Essor : Est-ce qu’il y a d’autres entraîneurs africains au Congo ?
Aliou Badra Diallo : Il y’a d’autres entraîneurs africains au Congo, mais je n’ai pas de contacts avec eux. On se voit que lors des matches.
L’Essor : Avez-vous un message pour les supporters maliens, notamment ceux du Djoliba que vous avez conduit en finale de la coupe CAF en 2012, contre AC Léopards de Dolisie ?
Aliou Badra Diallo : Le message que j’ai à lancer à l’endroit des supporters, c’est leur demander de rester soudés derrière leurs équipes. Quand on est unis, tout devient possible, on ne peut obtenir de résultats dans la division. Qu’il s’agisse des supporters du Djoliba ou des autres équipes du Mali, le message reste le même : c’est ensemble qu’on peut réaliser de grandes choses. Les Congolais aiment dire : «on peut changer de voiture, de veste et même de femme, mais on ne change pas d’équipe». Cela signifie que quand on est supporter d’un club, on l’est pour la vie. Pour terminer, je remercie notre quotidien national, L’Essor d’avoir lancé cette rubrique consacrée aux sportifs maliens qui se trouvent à l’extérieur et souhaite bon vent à toute la Rédaction du journal.
Interview réalisée par
Djènèba BAGAYOKO
Source : L’Essor