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Nos artisans tisserands en voie de disparition ?

Bamako, 04 novembre (AMAP) Hier, les tisserands étaient indispensables pour la confection de certains tissus traditionnels au Mali. Aujourd’hui, ces créateurs de tissus traditionnels au design fin, sont confrontés à la mévente et en appellent à une meilleure organisation de leur secteur d’activité. Sont-ils encore indispensables ? C’est une interrogation légitime puisque le tissage artisanale est en voie d’extinction ou presque, même si certains artisans tisserands survivent encore. Notre équipe de reportage a fait un petit tour de la capitale pour s’en apercevoir.

Sur la corniche, à quelques encablures du Palais de la culture Amadou Hampâté Ba, des étoffes artisanales, aux designs très variés, sont exposées, transformant le carrefour en un véritable espace artistique. Mais la clientèle ne se bouscule pas aux portillons. Un peu plus loin se trouvent des tisserands.

 

Madou Dramé, la quarantaine, est vêtu d’un T-shirt blanc. Cet artisan, qui fait des créations textiles à la main, travaille sous un hangar fait de tiges de bambou. Il se sert de deux pédales pour que la navette circule habilement entre deux bandes de fil. La création prend ensuite la forme du fil de la chaine (longueur du tissu) et celui de la rame (largeur du tissu).

 

Cet incessant va-et-vient de la navette laisse entendre un « cliquetis » saccadé. C’est à partir de cette technique que notre homme façonne, magnifiquement, la matière avec des couleurs et des motifs. Chaque fois qu’une partie importante de la bande est tissée, Madou tire sur l’ensouple posée sur sa cuisse pour enrouler la partie confectionnée. Ces parties sont réunies pour former une étoffe épaisse en fonction de la taille de la commande. Ces étoffes servent d’habillement, de textiles d’ameublement, de décoration. On en fait aussi des tapis, des draps, des pagnes et des couvertures.

 

Le prolixe tisserand accepte volontiers de nous expliquer son travail. Il confirme la tendance de l’extinction et ajoute qu’ils ne sont plus que cinq personnes à exercer ce métier en Commune V.  Plusieurs facteurs expliquent, selon lui, la dévalorisation de la profession, notamment le goût des consommateurs pour le textile moderne, le manque de promotion des produits confectionnés par les tisserands, le difficile accès aux espaces d’exposition internationale. Dans le temps, ce métier d’art était très important. «Les touristes venaient en grand nombre à Bamako et on écoulait aisément nos produits», explique le quadragénaire.

 

Les turbulences dans notre pays, depuis 2012, qui ont eu des répercussions réelles sur leur activité, font grincer les dents à notre tisserand. «Nous avions, régulièrement, des commandes, or, maintenant, il faut attendre plusieurs semaines pour avoir une commande», souligne-t-il avec amertume. Malgré tout, Dramé explique vivre de son métier qu’il a hérité de son père et pense avoir l’obligation de le léguer, aussi, à sa progéniture. Notre interlocuteur et de son collègue Ousmane Djiga n’attendent pas les commandes pour confectionner des tissus. « Tous les pagnes exposés n’ont pas été achetés. Mais on espère les écouler »,  disent-ils en choeur.

 

Il y a plusieurs modèles, notamment « cornol », « arkila » « kerka », « kour-kour », « boundou boundou ». Mais tous ces modèles sont inspirés du Lido (le jeu). Selon Dramé, certains modèles indiquent le savoir du tisserand débutant. Celui-ci doit commencer par utiliser le fil noir. Après, au minimum, six mois d’exercice, le novice s’exerce au tissage du modèle «Kosso ou Kosso walani» qui est un mélange alterné du blanc et du noir. Lorsqu’il le réussit, il pourrait enchaîner avec les autres.

 

Madou Dramé, du haut de sa trentaine d’années d’expérience dans la profession, fait preuve, aujourd’hui, d’une grande créativité. Le modèle «Barack Obama», du nom de l’ancien président américain, est l’une de ses créations. Pourtant, les initiales de Obama n’y figurent pas. L’ingénieux tisserand explique que le modèle se fait avec les couleurs jaune, bleu, blanc et  marron. «Si j’avais mis les initiales de Obama, le modèle aurait été mal apprécié parce que beaucoup de personnes n’aiment pas les noms sur les  tissus», se justifie-t-il

 

Abadi Afel Djiga est, aussi, tisserand. Il exerce dans un atelier situé près de la Maison de la presse. Il explique que la dénomination des pagnes est, également, une manière de saluer les efforts des self made men. «Ainsi, une couverture a été nommée «Issa Gambi » pour rendre hommage à cet homme qui s’est beaucoup consacré à la cause des siens».

 

Celui, qui a commencé le métier de tisserand à l’âge de 15 ans, déplore que la Compagnie malienne du textile (COMATEX) n’arrive pas à, correctement, approvisionner le marché en fil à tisser. Les tisserands sont contraints d’acheter les fils importés du Maroc et de la Côte d’Ivoire. « Ces difficultés impactent, forcement, le prix des tissus traditionnels », regrette-t-il. « Auparavant, le fil produit dans notre pays coûtait 1500 Fcfa le kg alors que celui importé est vendu à 2500 Fcfa le kg », commente Afel Djiga.

 

Les tisserands revendent leurs créations, notamment la couverture et le tapis, entre 10.000 à 15.000 Fcfa.  Mais les tisserands expliquent que seuls les modèles conçus pour servir de pagnes sont cédés à moins prix. Ousmane Djiga fait remarque que le travail est très laborieux. Il faut du courage et de la détermination parce que pour finir un tissu de 3 mètres de long et 2 mètres de large, il faut au moins 20 jours.

 

Tous les tisserands que nous avons rencontrés sont conscients des grandes difficultés qu’ils vivent, notamment la mévente. Ils réclament, tous, une meilleure organisation de la profession et l’urgence de mettre en place une association capable de défendre les intérêts des tisserands dans notre pays. Selon eux, c’est une exigence à laquelle il faut s’atteler pour qu’au moins, les quelques tisserands, qui résistent à l’épreuve du temps, puissent joindre les deux bouts.

MDD/MD (AMAP)

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