Au-delà d’un désamour entre certains alliés; l’ouverture d’une boîte de pandore comme le MNLA, un peu mal barré, menace de le faire, aiderait à avoir davantage de visibilité sur le sable mouvant de Kidal dont l’enjeu au-delà d’une partition du territoire national.
Le mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla) n’est pas et ne sera jamais un allié sûr et crédible pour qui que ce soit. Il s’agit d’une tare congénitale dont elle ne peut se défaire sous aucun prétexte.
La tournure actuelle des événements à Kidal où le vent ne souffle plus forcément dans la direction souhaitée par le groupe rebelle leur a permis de laisser libre cours à leur à ce qu’il sait le mieux faire, à savoir le chantage qu’il s’inscrit dans la logique de l’épreuve de force. En effet, acculé par Gouvernement qui apporte une réponse à toutes ses revendications pouvant être légitimes ; en froid avec ses mentors après l’enlèvement et l’assassinat de deux journalistes français, devant le domicile d’un de ses leaders, la terre est en train de se dérober sous les pieds du Mnla jadis arrogant du fait de ses puissants soutiens occultes.
L’énergie du désespoir
Comme un homme du désert qui, de sa naissance à sa mort, doit faire face à l’adversité de son environnement; tout porte à croire que ces rebelles séparatistes de Kidal ne s’avouent pas vaincus ; qu’ils lutteront jusqu’au bout avec l’énergie du désespoir maintenant qu’ils trainent une série d’erreurs fatales.
Ainsi, ayant été vaincus militairement, politiquement, n’étant plus en odeur de sainteté avec beaucoup de leurs soutiens, ayant montré toutes leurs limites dans la récupération des otages français comme dans la traque des jihadistes au Nord, et n’ayant par conséquent rien à faire valoir ; il est logique qu’ils se rabattent sur le chantage. Selon des sources concordantes, le Mnla, en cas de lâchage complet, serait prêt à révéler les dessous de certains deals. Point besoin de se tarauder l’esprit pour découvrir le contenu de ces accords secrets dans la mesure où les comportements des uns et des autres sur le terrain en sont suffisamment illustratifs.
En tout cas, il ne fait l’ombre d’aucun doute qu’un chantage sur les autorités nationales déterminées à attaquer le mal à la racine, à savoir la gouvernance locale, le développement des régions du Nord, a très peu de chance de réussir. Et pour cause, la politique du pompier est révolue : vous vous soulevez, on vous arrose avec des liasses de billets du contribuable malien et l’on observe une trêve, le temps de dilapider ces fonds dans les plaisirs mondains. Au cas ce constat ne s’imposerait pas, nonobstant les nombreux actes posés dans ce sens, le Président IBK, dans son adresse à la Nation, après les événements de Kati et de Kidal a été des plus clairs envers ceux qui se livrent encore au chantage, à la violence et à la violation de l’Accord de Ouaga du 18 juin : « Je prends à témoin la Communauté internationale, l’offre de paix ira de pair avec une volonté farouche de défendre le Mali, l’honneur du Mali, les soldats du Mali, les populations du Mali, toutes ethnies confondues ». À bon entendeur salut.
Le mystère
Par contre, une telle sérénité n’est pas évidente de l’autre côté ; du côté de ceux qui ont hissé ces rebelles sur un piédestal en usant de toutes les circonvolutions possibles. Et pour cause de nombreuse de nombreuses questions restent toujours sans réponse : Comment les rebelles se sont-ils retrouvés maîtres de Kidal alors qu’ils en avaient été chassés par Ansar Eddine de Iyad Ag GHALY et qu’ils avaient été obligés de trouver refuge dans les pays voisins ? Pourquoi ce sont les combattants du Mnla qui ont été préférés à l’armée malienne qui compte en son sein des officiers comme Gamou, Ould Meïdou…, tous du Nord, dans la chasse aux jihadistes sous les prétextes douteux qu’ils connaissent mieux le terrain ? Pourquoi les exactions du Mnla sur les populations civiles ou ses provocations de l’armée sont-elles imputées systématiquement à des « hommes armés » non identifiés ? Pourquoi le Mnla qui est censé être cantonné ne l’est-il pas et se promène lourdement armé dans ce qu’il considère comme le territoire de l’Azawad ?
L’Accord de Ouaga dont c’est la flagrante violation n’apporte pas de réponse à ces interrogations qui demeurent en suspens et représentent plus que jamais une épine dans les pieds de ceux qui sont à l’origine de tous les mystères. Maintenant qu’il y a de l’électricité dans l’air, l’on peut compter sur le Mnla pour dire les non-dits. C’est dans ses cordes et dans ses gènes de ne pas garder un secret surtout quand cela fait ses affaires.
Le mauvais coton
Mais, ce qu’il ne faut pas non plus perdre de vue, c’est que l’instinct de survie est la chose la mieux partagée chez les humains. Nul ne se laissera impunément poignarder. Le réflexe élémentaire serait d’opposer une résistance ou de prendre les devants en neutralisant l’adversaire. C’est à cette dernière déchéance que se trouve exposé le groupe rebelle qui a surestimé son étoile au point de ne plus faire de différence entre ses ennemis et ses alliés et de monter les enchères au maximum M en revendiquant tout simplement l’autonomie en lieu et place d’un nouveau mode de gouvernance et d’un transfert des ressources pour le développement et qui sont en train d’être effectifs.
Sur ce plan, il est permis de soutenir, sans coup férir, que le groupe rebelle est en train de filer du mauvais coton, son arme du chantage du Mnla s’étant émoussée avant même qu’il ait eu le temps d’en faire usage. Dès lors ne serait-il aucunement exagéré de soutenir qu’il est sur le point de perdre le Nord au propre comme au figuré.
Cependant, la certitude, malgré les anicroches, c’est que les enjeux à Kidal restent presque entiers. En effet, si des événements indésirables sont venus bousculer le programme ; ce serait d’une extrême naïveté que de croire qu’il est fondamentalement remis en cause. Parce qu’en la matière, l’enjeu écrase toujours le jeu. Et cet enjeu, visiblement, c’est une gestion concertée de Kidal avec tout ce que cela comporte comme implications, en termes de présence étrangère dans les affaires intérieures, de traitement préférentiel en faveur d’un groupe ethnique minoritaire par qui arrivent tous les malheurs du pays,… À s’y méprendre, contrairement aux apparences, ce serait l’aboutissement d’un schéma dans la mise en œuvre duquel les rebelles n’auront joué qu’un rôle de pion. Ont-ils subitement conscience qu’ils n’étaient en réalité que des acteurs armés ? Leur position actuelle plaide largement en faveur d’une telle conclusion. Mais quand le vin est tiré, il faut le boire jusqu’à la lie.
Par Bertin DAKOUO
Source: Info-Matin.info