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Nord du Mali : comment le désert s’est transformé en fournaise

Les groupes armés du nord du pays se sont considérablement renforcés au cours des dernières années. La dimension exceptionnelle de la crise de 2012 exige une profonde réflexion sur les mécanismes qui ont conduit à ce renforcement. Comment se sont-ils approvisionnés en armes ? Quelles sont les origines de leurs ressources ?

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L’insécurité dans la partie septentrionale du Mali est un problème auquel les gouvernements successifs ont chacun essayé, à leur manière, d’apporter des solutions pérennes. Les méthodes diffèrent selon qu’il s’agit de la gouvernance d’avant 1990 ou d’après. Ainsi, alors que les dirigeants de l’époque dite de la dictature ont prôné l’intransigeance face aux récurrentes rebellions, les « démocrates », eux, privilégiaient le dialogue, la méthode douce.

Cette politique mena à la signature des accords de paix qui n’ont eu pour mérite que la proclamation de la paix. Mais l’échec de ces infructueuses ententes n’a pas altéré la détermination des « démocrates » à continuer sur la voie de la main tendue. Mais à qui ?

Le régime de l’ancien président Amadou Toumani Touré s’est particulièrement spécialisé dans le domaine. Ce rapprochement entre des parties censées être belligérantes créa une situation qui  permettait difficilement de distinguer l’ennemi. Cet état de fait contribuera grandement à l’avènement d’une gouvernance laxiste par rapport aux questions sécuritaires. De fil en aiguille, un climat propice au trafic d’armes s’est installé sur le territoire d’un pays déjà en proie à l’instabilité.

Les trafics d’armes au cœur de l’embrasement de la crise du nord

L’étendue de la superficie du Mali dont une grande partie désertique, la faible présence étatique sur ces territoires arides, avec une gouvernance mafieuse, voici là les premiers facteurs qui ont fait du nord du Mali est haut-lieu de trafic de tout genre, notamment celui des armes.

Bien avant le drame libyen, les différents groupes armés du nord du Mali (rebelles et terroristes) n’étaient pas si pauvres en armement contrairement à l’entendement général. En 2008, les autorités maliennes avaient enregistré une importante augmentation du trafic d’armes provenant essentiellement de la Guinée. Il s’agissait d’armes qui auraient précédemment servi en Sierra Leone ou au Liberia.

A titre d’exemple, en février 2009, un camion provenant de Guinée a été intercepté avec, à son bord, 14 pistolets – mitrailleurs, 9 lance-roquettes, 12 roquettes et 2 mortiers. Il sera établi plus tard que cette cargaison est la troisième du genre que le camion a transporté sur le territoire malien.

En 2011, la chute du régime de Kadhafi a fait exploser l’ampleur de la circulation illicite des armes. La Libye, ce pays devenu « le magasin d’armes à ciel ouvert le plus important du monde, le moins cher et le mieux achalandé », selon les termes de l’ex président ATT, va être la principale source d’approvisionnement des différents groupes armés du nord. Mais paradoxalement, l’acheminement de l’arsenal volé dans les stocks libyens va être facilité par les autorités étatiques maliennes, à leur tête le président ATT.

Contrairement à la politique adoptée par les autres pays de la région face à l’afflux massif d’originaires lourdement armés, les autorités maliennes ont choisi de ne pas forcer ces ex-miliciens de Kadhafi à désarmer. Elles ont naïvement préféré entamer avec eux « un dialogue… en vue de les encourager à déposer les armes spontanément »

C’est donc ainsi que des armes hautement sophistiquées ont pu atterrir sur le sol malien avec la bénédiction des autorités de l’époque. Cet arsenal était constitué, selon ATT qui avait toute conscience de leur nature, de « véhicules blindés légers, d’artillerie, des canons antiaériens, des fusées SAM7, des mitrailleuses lourdes, des moyens de transmission, des munitions ».

Le président tchadien, Idriss Déby Itno, confirmera que des missiles SA-7, capables d’abattre un avion de ligne en phase de décollage ou d’atterrissage, faisaient partie du lot : « les islamistes d’Al-Qaïda ont profité du pillage des arsenaux en zone rebelle pour s’approvisionner en armes, y compris en missiles sol-air ».

Par ailleurs, malgré les approvisionnements libyens, des trafics d’autres provenances se sont poursuivis au Mali. En plus des fuites fréquentes d’armes dans les stocks nationaux, le trafic depuis d’anciennes zones de conflit, comme la Cote d’Ivoire continuait de plus belle.

En août 2011, par exemple, trois Maliens, originaires du Nord, ont été arrêtés à Abidjan. Ils auraient acheté à des ex-combattants ivoiriens plus d’une centaine de Kalachnikovs, dont 5 ont été retrouvées à leur domicile, alors que les autres auraient déjà été expédiées au Nord-Mali. D’autre part, un Touareg malien a été arrêté à la sortie d’un bus, à Ségou en février 2012, en possession de 17 Kalachnikovs démontées qu’il aurait achetées à Bamako.

Enfin, il n’est pas à négliger l’importance et le nombre d’armes récupérées par les groupes armés au cours des attaques récurrentes contre les casernes de l’armée malienne.

Les ressources permettant la dotation des groupes armés en armement

La question du financement des mouvements armés illégaux est toujours d’actualité. Leurs sources de financement sont diverses et variées. Mais, au demeurant, les trafics de produits prohibés comme la drogue avaient constitué l’essentiel de leurs moyens de subsistance. Avec la multiplication des groupes djihadistes et le perfectionnement de leurs techniques avec la collaboration internationale, une nouvelle forme de trafic a vu le jour : celui des hommes.

En effet, il est maintenant avéré que les prises d’otages, suivies des libérations contre rançons constituent la moitié des sources de revenus des groupes terroristes. A titre indicatif, selon le New York Times, depuis 2008, Al-Qaida et ses groupes affiliés, notamment AQMI (Al-Qaida au Maghreb islamique) ont empoché au moins 125 millions de dollars de rançons.

Cette manne financière profite à tous les autres groupes armés. AQMI, héritière du GSPC algérien, est essentiellement composé d’étrangers qui opèrent avec l’appui direct des groupes rebelles dont les combattants se révèlent être les véritables ravisseurs des otages. Ils les vendent aux terroristes et leurs leaders jouent, dans la plupart des cas, le rôle d’intermédiaires entre les terroristes et les Etats européens dont les ressortissants sont faits otages.

En outre, il est également à prendre en considération le soutien de certains Etats aux groupes armés du nord du Mali. Parmi ces pays, le Qatar constitue un véritable bailleur à la fois pour certains rebelles et dans une large mesure pour les groupes djihadistes. Son soutien revêt diverses formes : aide humanitaire, financement, livraison d’armes et même déploiement de forces spéciales pour assurer l’entraînement de recrues djihadistes.

Parallèlement à ce pays arabe, un autre Etat, frontalier avec le Mali, est soupçonné d’avoir apporté de l’aide aux groupes armés. Selon les services secrets français, en 2012, des armes en provenance du Burkina Faso ont été livrées au MUJAO, un mouvement terroriste du nord du Mali. L’entente entre le Burkina et le Qatar est si perceptible qu’en 2013, le premier, médiateur dans la crise malienne, avait même proposé l’implication du second dans les négociations de paix.

Il est nécessaire d’ajouter qu’en plus de ces facteurs, les groupes armés ont relativement joui de la bienveillance des pays sahariens frontaliers du Mali. Hormis le Niger, les autres pays limitrophes ne se sont pas vraiment distingués dans la lutte régionale. Alger s’est montré particulièrement peu soucieux des mouvements d’Ançar Dine sur son territoire et Nouakchott, qui n’est l’objet d’aucune mesure particulière de restriction des transferts d’armement, a longtemps servi de base arrière aux groupes rebelles.

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