(Maiduguri) Au moins 43 agriculteurs ont été tués par Boko Haram dans l’État du Borno, dans le Nord-est du Nigeria, où se déroulent samedi les premières élections locales organisées depuis le début de l’insurrection djihadiste en 2009.
« Nous avons retrouvé 43 corps sans vie, tous ont été égorgés, et six personnes gravement blessées », a déclaré Babakura Kolo le responsable d’un groupe d’autodéfense progouvernemental.
« C’est sans aucun doute l’œuvre de Boko Haram qui opère dans la région et attaque fréquemment les agriculteurs », a estimé M. Kolo qui a participé à l’évacuation des victimes.
Cette attaque s’est produite dans une rizière située à moins de dix kilomètres de Maiduguri, la capitale de l’État du Borno. Le mois dernier, 22 agriculteurs avaient déjà été tués dans leurs champs, situés non loin de cette ville.
« Soixante ouvriers agricoles ont été engagés pour récolter le riz dans ce champ. Quarante-trois ont été abattus, et six autres blessés », a confirmé à l’AFP un autre milicien, Ibrahim Liman.
Huit agriculteurs sont portés disparus et présumés kidnappés par les djihadistes, a ajouté cette source.
Les corps des victimes ont été transférés dans le village de Zabarmari, à deux kilomètres de la rizière. Ils seront enterrés dimanche, selon un de ses habitants, Mala Bunu, qui a pris part aux opérations de secours.
Cette attaque intervient le jour des élections des représentants et conseillers régionaux des 27 circonscriptions de l’État du Borno.
Ce scrutin avait été mainte fois repoussé depuis 2008, Boko Haram, et sa faction rivale, le groupe État islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap), ayant multiplié les attaques meurtrières : ils contrôlent depuis une partie du territoire.
Dans cinq circonscriptions situées sur les pourtours du lac Tchad, zone contrôlée par le groupe Iswap, les habitants ont voté ce samedi loin de chez eux, à Maiguguri.
C’est dans cette ville et sa périphérie que des centaines de milliers de personnes ont trouvé refuge dans des camps de fortune après l’attaque de leurs villages par des djihadistes.
Environ 2 millions de personnes ont du fuir leur domicile depuis le début du conflit en 2009, qui a fait plus de 36 000 morts.
« C’est mon devoir de venir et de voter pour les représentants et les conseillers régionaux, car ils sont les responsables de ma localité », a déclaré à l’AFP Bukar Amar, un déplacé du conflit qui a voté pour sa localité depuis le camp de Bakassi.
Déplacés sans ressources
« Jusqu’ici, les élections se sont bien déroulées et nous espérons que tous les électeurs pourront glisser leur bulletin dans l’urne avant la fermeture des bureaux », a déclaré en milieu de journée Abdulrahman Bulama Ali, un responsable des élections dans ce camp.
Depuis plusieurs mois, les autorités ont encouragé les personnes déplacées à retourner dans leur village, affirmant qu’il n’était plus possible financièrement de les prendre en charge, les déplacés dépendant presque entièrement de l’aide humanitaire pour survivre et n’ayant ont plus accès à leurs champs.
Un nombre important de déplacés ont ainsi regagné leurs villages, pourtant ravagés par les violences.
« Nous voulons retourner chez nous, et ces élections locales sont pour moi un grand pas », avait déclaré M. Bukar, en milieu de journée.
Les attaques ciblent de plus en plus fréquemment des bûcherons, éleveurs et pêcheurs. Ils les accusent d’espionner et de transmettre des informations aux militaires et milices qui combattent les violences djihadistes dans la région.
Le conflit qui dure depuis plus de dix ans a créé une crise humanitaire dramatique, récemment aggravée par de mauvaises récoltes et les restrictions liées au coronavirus.
« Nous avons enregistré des niveaux d’insécurité alimentaire similaire à ceux de 2016-2017, au pic de la crise humanitaire, lorsque le risque de famine menaçait le nord-est », a déclaré en novembre le coordinateur humanitaire de l’ONU au Nigeria, Edward Kallon.
Environ 4,3 millions de personnes ont été victimes d’insécurité alimentaire en juin 2020, durant la période de soudure. L’ONU prévoit que ce chiffre augmente de 20 % l’année prochaine à la même saison.