Les trois de jours de mission du Médiateur de la CEDEAO pour le Mali, l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan ont pris fin hier lundi. Du bilan de la médiation donné par les deux parties, on peut aisément déviner qu’entre le Médiateur et le Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) c’est toujours l’impasse. A la la petite concession faite à la Cédéao (visite du président IBK et des autres détenus), les deux parties sont partagées presque sur tout : la nature de la transition, le profil du président de la Transition, la durée et la composition du gouvernement de transition. Dans tous les cas, les résultats obtenus au cours de cette mission seront soumis à l’appréciation des chefs d’État de la CEDEAO qui devraient se réunir à nouveau demain mercredi, en visioconférence, pour faire le point et éventuellement réexaminer les sanctions contre pays au regard des efforts consentis par les militaires.
Arrivé au Mali, le samedi dernier, le Médiateur de la CEDEAO, Goodluck Jonathan a tenu deux jours de rencontres avec le Comité National pour le Salut du Peuple auteur du coup d’État contre le Président IBK. Les échanges ont porté, entre autres sur la transition civile politique, les sanctions des chefs d’État de la CEDEAO contre le Mali suite au coup d’État. Après des journées de négociations entre les deux parties à huis clos, le Médiateur de la CEDEAO, l’ancien président Goodluck Jonathan et le porte-parole du CNSP se sont adressés à la presse.
Goodluck Jonathan : les sanctions seront réexaminées demain
D’abord l’ancien président Goodluck Jonathan, qui est à sa 4e visite au Mali sur la crise sociopolitique, s’est réjoui des efforts consentis par les autorités militaires ayant facilité les échanges et ont permis d’avoir des compromis. Après deux jours de rencontres au ministère de la Défense et des anciens combattants, le Médiateur de la CEDEAO a fait une déclaration à la presse : « sur ces points de désaccord, nous avons demandé aux autorités de circonscrire davantage pour que nous fassions la même chose. Quand, nous aurons revu leur position dans ce sens, le porte-parole fera une déclaration dans ce sens. Puisque nous n’avons pas pu obtenir une conclusion très claire, nous allons patienter un peu. Ce que nous faisons, c’est pour l’intérêt du Mali, ce n’est pas pour l’intérêt d’une personne, d’un groupe d’individus. C’est dans l’intérêt du Mali et de celui de la CEDEAO. Parce que ce qui touche le Mali affecte le reste de la CEDEAO du fait que les pays sont liés. Il n’y a pas des murs qui nous séparent. Donc, la CEDEAO veut le meilleur pour le Mali. J’espère que d’ici la fin de la journée, le porte-parole des autorités militaires donnera des informations appropriées.
Ce qui est arrivé au Mali n’est pas un cas isolé puisqu’il est déjà arrivé dans d’autres pays. La même situation s’est produite dans d’autres pays de la CEDEAO. Et la CEDEAO utilise la même démarche pour traiter ces cas. La CEDEAO se tourne vers son Protocole. La CEDEAO n’a pas de Protocole spécifique pour le Ghana, le Mali, le Niger.
La 1ere des choses que nous avons faites est d’avoir le point de vue du Président IBK démocratiquement élu et a été renversé par les militaires. Nous avons fait la demande aux autorités militaires qui ont accepté cette requête. Ils nous ont autorisés à aller rendre visite à IBK depuis son lieu de détention. Nous avons posé la question à IBK de savoir quelle est la voie à suivre. IBK nous a fait savoir qu’il a donné sa démission. Il nous a dit aussi qu’il n’a pas été contraint à le faire et qu’il n’aime plus revenir aux affaires. Ce qu’il a souhaité c’est une transition rapide pour permettre au pays de retourner dans un régime civil le plus rapidement possible. Un régime qui pourra interagir avec le reste du monde pour le développement économique et la sécurité du Mali. Donc, on s’est trouvé à l’aise avec cette idée du Président IBK.
Par ailleurs avec les autorités militaires, nous avons parlé des détenus politiques, de sur leur sort. Comment ils seront gérés ? Il y a des problèmes sécuritaires à Bamako. À cause de la colère qui plane, des gens peuvent vouloir de venger d’une manière ou d’une autre. Donc, on s’est mis d’accord avec les militaires sur la façon dont ces détenus sont libérés. À part deux petits points de mésentente, on s’est compris sur les autres. Le porte-parole du CNSP organisera très souvent des points de presse pour faire le point de l’évolution de la situation.
Autre sujet débattu est la structure et la durée du gouvernement intérimaire. Sur ce point, nous avons abordé un certain nombre de choses. Ainsi, nous avons fait part aux autorités militaires de la pensée et de la vision du Protocole de la CEDEAO. La CEDEAO ne viendra pas imposer un gouvernement au peuple malien. Que ça soit un gouvernement élu ou transitoire mis en place, la décision revient au peuple malien.
Le devoir de la CEDEAO est de faire savoir à tout le monde qu’il y a un Protocole qui régit la région. Et lorsque nous nous trouvons dans une situation anormale, ce Protocole s’applique et donne lieu à telle ou telle démarche. Donc, j’ai porté la connaissance des autorités militaires les attentes de la CEDEAO sur la mise en place de ce gouvernement intérimaire. De notre côté, nous allons faire part aux chefs d’État de la CEDEAO. Le mercredi prochain, ils auront une rencontre entre eux pour se pencher à nouveau sur les décisions qu’ils avaient initialement prises concernant le Mali. Nous n’allons pas faire des commentaires sur les sanctions. Nous allons faire notre rapport de mission aux chefs d’État. C’est en fonction de ce rapport, ils vont réexaminer les sanctions. Il se pourrait que nous revenions, mais nous sommes parvenus à certains accords avec les militaires. On espère que les décisions, qu’ils vont prendre, nous permettront d’évoluer ».
Colonel-major Ismaël WAGUE : rien n’a été décidé pour la transition
À sa suite, le porte-parole du Conseil National pour le Salut du Peuple (CNSP), le colonel-major Ismaël WAGUE a ajouté: « On vient de finir avec les trois de négociations avec la CEDEAO. Dès l’arrivée de la Mission, elle a demandé à voir Ibrahim Boubacar KEITA, afin de connaître dans quel état il est gardé, son état de santé. De façon spontanée, on accepte leur requête. Lors des échanges avec la CEDEAO, Monsieur Ibrahim Boubacar KEITA a dit qu’il a démissionné sans contrainte. Il a compris en gros que c’est l’aspiration du peuple. Il dit qu’il est même soulagé qu’il soit parti. Il a aussi remercié les militaires qui sont venus le sécuriser. Parce que ceux-ci ont fait en sorte qu’il ne soit agressé par la population excitée contre lui. Il a dit clairement qu’il n’a aucune intention de revenir au pouvoir.
Après ce constat, nous sommes rentrés en négociation avec la Mission. Elle a ensuite demandé les conditions de sécurisation de Ibrahim Boubacar KEITA. Sur le sujet, le souhait de la CEDEAO est que celles-ci soient allégées pour permettre à IBK d’aller se soigner, faire des visites médicales. Ce point a été accepté, IBK peut être sécurisé dans un endroit de son choix et il pourra aller se soigner et revenir quand il veut. La CEDEAO a garanti son retour en cas de besoin.
Le troisième point était relatif aux conditions de détention des autres personnes qui sont à la disposition du CNSP. On a rappelé à la Mission de la CEDEAO que l’état actuel de la situation nécessite qu’ils soient sécurisés. Leur relâche va dépendre de l’évolution de la situation actuelle.
Aussi, on a eu des échanges sur la transition. Chacun a donné son idée sur la transition. Sachant qu’à ce stade rien n’est arrêté, rien n’est décidé. À notre niveau, l’architecture finale de la transition sera discutée et décidée entre nous. On a exigé au regard des efforts qui ont été faits qu’ils revoient les sanctions prononcées contre le Mali. Tout ce qui nous anime, c’est vraiment que le peuple ne souffre pas. Les sanctions constituent un problème pour nous. C’est le peuple qui va beaucoup plus souffrir pour les sanctions. Voilà pourquoi on a essayé de faire des compromis, parce que si on ne le faisait les sanctions ne seront pas levées. Déjà, sanctions ou pas, la majeure partie de la population est en train de souffrir. Et les sanctions vont venir aggraver cette situation.
Il y a un mécanisme au niveau de la communauté internationale qui n’est pas regardant sur la situation de la population. Pour elle, le principe c’est le principe. Si on intègre cela, on est obligé de faire des pas pour aller vers la levée des sanctions. Donc, on a arrêté la discussion à ce stade. Je dis et répète, tout ce qui nous anime, c’est le peuple ».
Par Sikou BAH
Source : INFO-MATIN