Réputé et admiré pour sa richesse culturelle, en particulier sur le plan musical, le Mali n’en reste pas moins un pays où les héritages traditionnels continuent de cloisonner la société. Sans chercher à renverser la table, le BKO Quintet montre qu’il est possible de faire bouger les lignes, à travers un premier album intitulé Bamako Today.
Medina Coura, porte 386 : au cœur d’un quartier populaire de Bamako construit sur la rive nord du fleuve Niger, dans une de ces rues qui ont un simple numéro en guise de nom, Ibrahima Sarr et l’équipe du BKO Quintet (BKO est le code IATA de l’aéroport de Bamako) répètent sans relâche depuis plusieurs semaines, en ce mois d’avril 2013. Il a fallu se rabattre sur le domicile du maître tambour malien, qui avait fait de son adresse le titre de son album paru en 2008, les locaux prévus n’étant plus disponibles depuis que l’état d’urgence a été décrété.
Dans quatre jours, le groupe doit décoller pour l’Europe et y effectuer sa première tournée de trente dates. Mais l’incertitude est à son paroxysme : les visas n’ont toujours pas été délivrés ! Heureusement, les précieux sésames finissent par arriver au dernier moment. «On revient de loin», dit aujourd’hui Aymeric Krol, cofondateur du groupe, en repensant à cet épisode de l’an dernier.
Quand il a posé le pied au Mali pour la première fois en 2001, alors qu’il avait à peine 18 ans, c’était pour assouvir sa passion des percussions africaines et se former «sur le terrain». Le jeune Français a trouvé en Ibrahima Sarr, une référence dans ce domaine, le professeur qu’il cherchait, dans une relation de «patronage», avec ses lois, ses contraintes. «Il y a une notion de soumission à une hiérarchie», ajoute-t-il.
Mais entre le djembefola et son élève, au fil des années, s’est développée la volonté de mener ensemble des projets et de conjuguer ainsi leurs expériences respectives, Aymeric Krol ayant entre-temps accompagné des artistes tels que le Béninois Peter Solo ou le Camerounais Erik Aliana. Une première tentative a lieu, très percussive. «Ça me plaisait beaucoup, mais j’avais envie de mélodies, de cordes», confie Aymeric.
À leurs instruments, ils décident donc d’ajouter le djeli ngoni et le donso ngoni, en quelque sorte la guitare du griot et celle du chasseur. Une association inédite, celle de deux mondes traditionnels qui coexistent sans jamais se rencontrer. «Ils ont des structures musicales différentes. Les chants griotiques sont basés sur de grandes mélodies, des phrases longues, posées, comme quelque chose qui plane, avec des réponses en contre-chants, tandis que les ‘tournes’ donso, c’est de la transe.
Ça va tout droit, c’est du pentatonique», explique le Français. Lui joue sur une batterie hybride qu’il s’est constituée, afin de «respecter des sonorités traditionnelles tout en ajoutant certains éléments, comme une mini-caisse claire, pour amener des grooves plus compréhensibles par l’Occident». La formule a trouvé son mode de fonctionnement, inventé des passerelles, même s’il est en général «plus facile au djeli de s’adapter au donso».
Entre ses concerts sur le continent européen, durant l’été 2013, le groupe a profité des automatismes trouvés pour enregistrer son premier album, Bamako Today, dans un studio perdu au cœur du massif des Cévennes, dans le Sud de la France. En voisin, passant par là, le chanteur anglo-italien Piers Faccini s’est installé au micro et a sorti sa guitare lorsqu’il a entendu Donsolu. Sans être chasseur, ni griot, il valide par les faits les intentions du BKO Quintet de montrer que les univers parallèles peuvent se rencontrer.
Le Manager
Source: Le Reporter