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Mr Diomansi Bomboté, ex-professeur de journalisme au CESTI de Dakar : « les professionnels des médias doivent encourager les conditions d’expression des citoyens pour qu’ils participent à la gestion des affaires publiques »

Eminent journaliste, formé à l’Ecole Supérieure de Journalisme de Strasbourg, en France, Mr Diomansi Bomboté a travaillé au quotidien national « l’Essor » comme simple rédacteur, puis à Radio- Mali comme rédacteur en chef. Avant de se retrouver à Dakar comme enseignant à la prestigieuse école de Journalisme de Dakar, le CESTI (Centre d’études des sciences et techniques de l’information) au sein duquel, il a formé plusieurs générations de journalistes.
Dans cette interview, qu’il a bien voulu nous accorder, il jette un regard critique sur la situation actuelle de notre pays ; mais aussi, sur le rôle des médias dans cette crise multidimensionnelle que traverse le Mali depuis sept ans. Entretien.
Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je m’appelle Diomansi Bomboté. Je suis né à Sabouciré dans le canton du Logo, à environ 25 km de Kayes en aval du fleuve Sénégal. Mon père Kékoro, maçon de son état, avait émigré très jeune au Sénégal avec ma maman, Mokhontafé Koité, femme au foyer avec qui il aura cinq autres enfants, deux garçons et trois filles avant de décéder à 53 ans en 1965.

Comment êtes-vous venu dans la presse ? Qu’est ce qui a motivé ce choix ?

C’est par un concours de circonstance dû au destin. Après le décès de notre papa, le 14 mars 1965, j’ai dû décider de renoncer aux études de médecine estimées longues pour des filières relativement plus courtes afin d’aider les miens. Je me suis ainsi lancé dans des études de sciences économiques et de lettres, mention « journalisme ». L’option journalisme a pris le dessus et, bénéficiaire d’une bourse nationale, je suis parti à l’Ecole Supérieure de Journalisme de la rue Schiller de Strasbourg (France) pour obtenir la maîtrise.
Plus tard, alors que j’enseignais à l’université de Dakar, j’ai poursuivi mes études en 3e cycle à Paris, Université Paris II qui abritait l’Institut français de presse (I F P).

Etes-vous disposé à retracer pour la jeune génération les étapes de votre carrière professionnelle avec ses hauts et ses bas, ses bons et mauvais souvenirs ?

De retour de la France, j’ai servi au quotidien national « l’Essor » en 1971 comme rédacteur avec le regretté feu Cheick Mouktary Diarra, avant d’être transféré six mois après, à Radio – Mali comme rédacteur en chef.
Le CESTI, créé en 1965 au sein de l’Université de Dakar par l’UNESCO, avait pour objectif de recycler les premiers agents des organes de presse des jeunes Etats de l’ex-AOF (Afrique occidentale française) nouvellement indépendants. Puis il devint une section de la Faculté des lettres de Dakar permettant d’obtenir une licence ès lettres avec « mention journalisme ».
En 1970, le CESTI fut érigé en « grande école universitaire autonome ». Les autorités sénégalaises m’ont sollicité pour y enseigner. Elles adressèrent une correspondance officielle au gouvernement malien pour autoriser mon détachement au CESTI comme enseignant. J’ai ainsi bénéficié d’un détachement de trois ans renouvelables.
De là-bas, j’ai été sollicité par plusieurs organisations des Nations- Unies, comme la Banque Mondiale, le FNUAP (Fonds des Nations Unies pour les activités en matière de population, l’UNICEF…) et d’autres ONG internationales avec des propositions de rémunération plus avantageuses qu’à l’université.
Par loyauté, je n’ai pas voulu trahir le CESTI pour lequel le Mali m’avait libéré. Je collaborais tout de même avec le journal Afrique –Nouvelle, auquel j’envoyais de temps en temps des contributions.
Plus tard, l’UNESCO est revenu à la charge. Comme les perspectives d’un plan de carrière en bonne et due forme n’existaient pas au CESTI, quand l’UNESCO m’a de nouveau fait appel, après le feu vert du Mali, via son ambassade à Paris, j’ai accepté de rejoindre l’organisation onusienne où j’ai servi de 1980 à 2004, au siège à Paris, mais dans d’autres lieux d’affection en Afrique comme au Rwanda et au Bureau régional de Dakar (BREDA). J’ai aussi travaillé dans d’autres organes de presse, notamment comme le Magazine Jeune Afrique, Miroir du Football, mensuel Français, Croissance des jeunes Nations (Magazine mensuel en France), le quotidien français La Croix, Associated Press (la plus grande agence de presse dans le monde) etc…
S’agissant des bons souvenirs, je suis content et fier, d’avoir participé à la formation de nombreux jeunes professionnels au Mali, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Bénin, etc., dont la plupart ont eu à exercer de grandes fonctions dans leurs pays. Beaucoup me témoignent une certaine reconnaissance qui me touche profondément, je dois le reconnaitre. Mes déboires ? Quelques frustrations liées à des incompréhensions ne m’ayant pas toujours permis de m’exprimer comme je l’aurais souhaité sur des sujets d’intérêt général mais jugés « sensibles » par mes supérieurs. Certains de mes reportages ont été bloqués, jugés politiquement incorrects. On m’a refusé de publier un papier dans lequel j’expliquais les raisons des insuffisances de performance de nos sportifs (athlètes , basketteurs et footballeurs) que je mettais sur le compte de la politique nationale des sports qui manquait à mon avis de vision, de stratégies et d’organisation.

Le paysage médiatique a connu ces dernières années une véritable éclosion de journaux, radio, télé, site web. Est-ce une avancée pour la presse et par ricochet la démocratie malienne ?

Les Nouvelles Technologiques de l’information et de la communication constituent indéniablement une avancée extraordinaire. La multiplication des canaux de communication à favorisé la transmission rapide des nouvelles, la vulgarisation de l’information qui stimule l’éveil de la conscience politique des citoyens… Pour illustrer cela, un auteur italien dit « quand le peuple décide, le destin suit ». Un peuple informé a conscience de ses droits et pourrait mieux prendre une part plus conséquente dans l’animation du jeu démocratique national.

Le développement des NTICS a provoqué la floraison de la presse en ligne ? Comment appréciez-vous ce genre de presse ? Quel doit être son encadrement ?

Je préfère le mot réglementation qui convient le mieux, car le terme encadrement à une connotation autoritariste. Cela dit, je pense que les journaux en ligne participent de la démocratisation de l’accès à l’information qui constitue un droit constitutionnel. C’est regrettable que le Mali n’ait pas accédé à la recommandation des Nations Unies obligeant les Etats membres à adopter la loi d’accès à l’information. Je pense qu’il faut faire du droit à l’information un droit inaliénable. Malheureusement au sein de l’administration malienne c’est très souvent la loi de l’omerta qui se dresse devant le journaliste en quête d’informations utiles. En outre, je pense que la presse en ligne, tout comme les autres technologies de l’information et de la communication, a besoin d’instrument de régulation qui fixe les règles du jeu. Cela suppose des institutions assez fortes soutenues par un environnement juridique solide où la corruption n’a pas droit de cité.

Quels sont les défis pour la presse aujourd’hui ?

La presse dispose de puissants outils aujourd’hui. Elle doit se donner les moyens de les utiliser à bon escient, c’est-à-dire se prévaloir d’une formation professionnelle et honnête. Le corollaire du premier défi est la connaissance des exigences morales de la profession. Nous venons à l’éthique que Je définis comme théorie rationnelle de la conduite individuelle. Le journaliste doit recouper, vérifier, ne laisser aucune place au hasard pour s’assurer de la justesse de ses informations. L’exigence d’éthique s’accompagne du respect scrupuleux des règles déontologiques de la profession. Certes, l’erreur est humaine mais la manipulation volontaire des faits pour des fins intéressées est intolérable.Pour moi, chaque fois qu’un professionnel pose un acte, sa responsabilité intellectuelle, son honnêteté et sa conscience sont sur la sellette. C’est cette conscience professionnelle qui doit nous pousser à nous acquitter au mieux de notre obligation qui est l’expression d’un contrat entre le public et nous.
Parmi les défis, il y a le combat sans concession contre la corruption. La presse doit se mobiliser pour barrer la route à cette tendance qui gangrène et pollue la bonne gestion des affaires publiques. Des dispositions pour contrecarrer la propagation des fausses nouvelles (Fake news) constituent aussi un défi majeur.

Quel est votre regard sur la situation nationale ?

C’est une situation assez complexe. Il n’est pas bienséant de vouer aux gémonies les tenants du pouvoir sans une analyse approfondie de ce qui se passe. Certes, on peut faire des reproches sévères justifiés sur la gestion de la crise. Je pense que la manière de gérer la crise fait appel à un sens de la responsabilité qui repose sur un solide leadership. Le laxisme, le non-respect des règles et principes de justice constituent de très lourds handicaps dans la bonne marche du pays. Nous sommes avec des partenaires techniques et financiers dont l’appui mérite d’être salué. Mais il est tout aussi regrettable quand on assiste à certains comportements qui frisent la duplicité.

Votre mot de la fin ?

Je mets l’accent sur le sens de la responsabilité des journalistes. Je refuse de reconnaitre la presse comme un 4ème pouvoir, car le pouvoir suppose qu’on a reçu un mandat de la part des populations pour une mission.
Or, nous n’avons pas ce mandat pour terroriser ou dire des choses inexactes. Néanmoins, nous devons avoir conscience des lourdes responsabilités qui sont les nôtres dans la prise de conscience des problèmes contemporains. Par ailleurs, je déplore la pratique de l’information qui donne le sentiment que les professionnels des médias ne créent pas des conditions permettant aux populations de s’exprimer dans les médias. Or, sans cette participation, me semble-t-il, on assiste à un dialogue de sourds dans la mesure où l’immense majorité des Maliens sont plus spectateurs qu’acteurs de leur propre destin.

Alpha SIDIKI SANGARE /Canarddechaine

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