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Moustapha Dicko, vice-président de l’Adema à l’occasion du 26 mars : «Nous devons travailler à organiser des élections libres et transparentes sur tout le territoire national »

26 mars 1991-26 mars 2024, la démocratie malienne a 33 ans. Dans le cadre de la commémoration du 33ème anniversaire de cette démocratie, l’Adema PASJ (Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice) a organisé, le mardi 26 mars 2024, au Palais de la culture de Bamako, la représentation d’une pièce de théâtre sur la démocratie. Au cours de cette cérémonie, l’un des vice-présidents de l’Adema-PASJ, Moustapha Dicko, a fait un témoignage dans lequel il fait des rappels historiques. Par ailleurs, il a mis l’accent sur la gestion de la transition en cours. « Nous sommes dans une transition dont nous sommes à peine des acteurs: nous ne sommes consultés sur aucun problème grave concernant la vie de notre nation…Nous devons travailler à rendre la transition plus inclusive avec l’ensemble des forces politiques du Mali, travailler à organiser des élections libres et transparentes sur tout le territoire national », a-t-il dit. Lisez ci-dessous l’intégralité de son allocution !

 

INTERVENTION – MOUSTAPHA DICKO

Bamako, le 25/03/2024

Les Maliens ont commencé à se mobiliser aussitôt après le coup d’État de 1968. Surtout que la promesse de rendre le pouvoir n’a pas été respectée, décrédibilisant définitivement les auteurs, qui resteront au pouvoir jusqu’au 26 mars 1991. Mais ils restèrent au pouvoir au prix d’une dictature sans pitié, au prix d’immenses sacrifices du peuple malien: la répression, les déportations, les tortures et toutes sortes de privations et de restrictions des droits des citoyens. N’échapperont pas aux tortures et aux déportations même les membres du Comité militaire de libération nationale.

En Mars 1971 seront mis aux arrêts et déportés les capitaines Yoro Diakité et Malick Diallo. Yoro Diakité mourra sous les tortures.

En Février 1978, plusieurs autres subiront le même sort pour tentative de coup d’État: Kissima, Tiecoro, Karim Dembelé, etc.

Des mouvements populaires éclateront périodiquement dans le pays: 1969, 1974,1980 qui verra l’assassinat de Abdoul Karim Camara dit Cabral, de 1990 à 91 qui verra aboutir la longue lutte du peuple malien.

Le peuple s’était organisé: le CNID Association, l’Alliance pour la Démocratie au Mali, l’Association des Élèves et étudiants du Mali, les Syndicats des enseignants, l’Adide, L’AJDP qui organisera la marche des fous du 15 Octobre qui ouvrira le bal des manifestations politiques qui ne s’arrêteront plus jusqu’à la chute du régime.

Le 09 décembre aura lieu le meeting de l’A.de.ma auquel participera le CNID pour célébrer la Journée des Droits de l’Homme;

Le 10 décembre aura lieu la marche du CNID à laquelle prendront part nos militants.

Le 30 décembre aura lieu la mémorable marche unitaire Adema-Cnid à laquelle se joindront beaucoup de combattants pour la liberté.

Le 19 janvier 1990, l’Adema qui voulait organiser un meeting de soutien aux forces armées et de sécurité n’eut pas la permission et la direction de l’association se rendit sur la place prévue à Bolibana pour décommander l’événement; elle se fera charger par la police avec beaucoup de blessés: Abdrahmane Baba, Ali Diallo, Iba Ndiaye etc.

Le 03 mars, il y aura les meetings décentralisés de l’Adema.

Le 17 mars, l’AEEM, avec l’Adema, le CNID et les autres associations, commémorera l’anniversaire de l’assassinat de Cabral.

Les enseignants menaient aussi leurs activités de revendications pour de meilleures conditions de vie et de travail. Le barreau faisait entendre sa voix et elle était puissante. Me Demba Diallo était particulièrement écouté à la tête de l’AMD.

À partir du 22 mars, la répression se fit particulièrement impitoyable et meurtrière. Toutes les négociations se crispèrent, l’UNTM qui avait rejoint les rangs du mouvement démocratique et abritait désormais les rencontres du mouvement à la Bourse du Travail, décréta une grève illimitée.

Le 26 mars, la frange patriotique de l’armée au vu du carnage qui se perpétrait et de l’Etat qui n’existait plus qu’en lambeaux mit fin au bain de sang et arrêta le Président de la République qui n’était plus que l’ombre de lui-même. Une énorme clameur salua la chute du dictateur.

Une transition se mit en place qui promit de rendre au peuple malien le pouvoir au bout de 9 mois. Elle mit en place le CTSP (25 membres dont 10 militaires et 15 membres du mouvement démocratique) dirigé par ATT et un gouvernement de transition avec Zoumana Sacko à sa tête. Elle dura 14 mois: elle organisa la Conférence Nationale Souveraine, qui fera l’État de la Nation, qui verra l’armée demander pardon au peuple malien. La Conférence Nationale se penchera sur le problème du Nord. Elle dédiera de longs débats au monde paysan. Mais par-dessus tout, la Conférence Nationale statuera sur le projet de Constitution, sur la loi électorale et la Charte des Partis. Ce furent des débats francs, difficiles, longs et particulièrement inclusifs. Toutes les couches sociales étaient représentées, toutes les régions, la société civile, tous les partis politiques furent d’égales présences.

Le gouvernement de transition organisa le référendum constitutionnel, les élections municipales (19 municipalités à l’époque), les élections législatives puis la présidentielle. L’Adema-pasj qui est né le 25 mai 1991 remporta toutes ces élections.

Le 08 juin, le président du CTSP passa le témoin à Alpha Oumar Konaré qui devint le premier président de la Troisième République. Son premier gouvernement sera dirigé par Younoussi Touré. La première législature de l’Assemblée Nationale sera présidée par le professeur Ali Nouh Diallo. Les autres institutions seront toutes mises à tour de rôle en place: le Haut Conseil des Collectivités, le Conseil Économique, Social et Culturel. Mais pas la haute cour de justice.

Les premiers temps de la Troisième République seront très difficiles: en moins de deux ans, trois gouvernements se succéderont: Younoussi sera remplacé par Me Abdoulaye Sékou Sow, qui sera remplacé par Ibrahim Boubacar Keita. L’arrivée de ce dernier ou plutôt la responsabilisation du parti qui est sorti vainqueur des élections ramènera l’accalmie puis la stabilité au pays. Ça ne sera pas non plus un long fleuve tranquille: des dissensions verront le jour au niveau de l’Adema-pays qui verra le MIRIA sortir de ses entrailles en 1994;

Les élections de 1997 seront un moment de très grande crise avec le COPPO qui tentera de toutes les façons à déstabiliser le régime et refusera de participer aux élections après l’annulation des résultats du premier tour des législatives du 13 avril 1997. Cette annulation amènera le Président Alpha à dissoudre l’Assemblée Nationale pour éviter de créer un vide constitutionnel.

Le Président est réélu face à Maribatourou Diabi qui va lâcher ses camarades du COPPO, qui mettront longtemps à reconnaître le président réélu qu’ils appelleront Monsieur Konaré.

En 2000, une nouvelle fissure voit le jour à l’Adema-pasj avec le départ du président du parti Ibrahim Boubacar Keita (il le deviendra au congrès de 1994) qui créera le RPM (2001).

En 2002, une grande cacophonie règne au niveau du parti au pouvoir: ses primaires verront s’affronter 4 à 5 candidats (ils seront deux à la convention). Ce manque de cohésion fera le lit pour un candidat indépendant, ATT, dont on soupçonnait qu’il était à l’affût depuis qu’il a quitté la tête de la Transition et qu’il s’est mis à parcourir le pays dans le cadre de son projet de lutte contre la dracunculose financé lourdement par les américains (la Fondation J.Carter).

On peut soupçonner toutes les combines possibles et imaginables dont les possibilités s’arrêtent forcément au premier tour de l’élection.

Si IBK n’avait pas apporté ses voix à ATT, Soumaila l’aurait remporté. Or à l’époque, il était plus facile à un chameau de passer par le chas d’une aiguille qu’à IBK de faire voter Soumaila. Les problèmes d’égos ont fait énormément de mal à l’Adema-pasj et au pays tout entier l’ayant empêché d’expérimenter une longue période de continuité politique. Depuis, l’Adema-Pasj accompagne tous les pouvoirs par nous les chefs qui négocions une place au soleil et à qui tous les pouvoirs, nous tenants en laisse, offrent des strapontins qui réduisent les chances du parti et l’empêchent de jouer son rôle de leader de la classe politique.

Tous les partis politiques significatifs dans notre pays connaîtront ce genre de péripéties. Le recul de ces derniers, aujourd’hui, de la classe politique et de la politique en général, est le résultat de leurs parcours chaotiques.

Sommes-nous condamnés ? Pouvons-nous rebondir ? Que faut-il faire pour cela ? Le plus facile et le plus difficile:

1/ Renouer avec nos valeurs et nos principes ;

2/ Aller dans le sens des aspirations de nos militants et sympathisants en nous prononçant sans faux-fuyants sur toutes les questions nationales et internationales dans l’intérêt bien compris de notre parti et de notre pays.

3/ Re-mobiliser nos militants en allant à leur rencontre en incarnant leurs attentes et notre attachement à la justice et à la solidarité.

Nous sommes dans une transition dont nous sommes à peine des acteurs: nous ne sommes consultés sur aucun problème grave concernant la vie de notre nation, c’est-à-dire celle de nos militants et sympathisants et la nôtre et celle de nos compatriotes. Nous apprenons tout comme le citoyen lambda comme si nous ne représentions que nous-mêmes, alors que la majeure partie de ce peuple nous fait confiance (résultat des dernières élections communales qui seules font foi jusqu’à d’autres élections – c’est le seul baromètre en démocratie). Nous devons travailler à rendre la transition plus inclusive avec l’ensemble des forces politiques du Mali, travailler à apporter des solutions pérennes et conformes aux intérêts du peuple malien: ramener la paix et la sécurité sur l’ensemble du territoire national ; ramener le vivre-ensemble ; organiser des élections libres et transparentes sur tout le territoire national ; reconquérir la place de notre pays sur l’échiquier international.

Source :Le Républicain

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