Il est le directeur général du Fonds de garantie pour le secteur privé (FGSP-SA) à qui le chef de l’État a confié la gestion de ce financement qui, précise-t-il, doit être remboursé
Lors du Conseil extraordinaire de défense du 4 juin dernier, le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, a exhorté le gouvernement à accélérer l’application des mesures sociales et économiques qu’il a annoncées pour amoindrir les effets néfastes de la Covid-19 sur nos concitoyens et nos entreprises.
À la date d’aujourd’hui, la plupart de ces mesures dont l’impact financier a été évalué à environ 500 milliards de Fcfa, ont connu un début d’exécution ou ont été entièrement mises en œuvre. Il s’agit, entre autres, de la prise en charge, pour les mois d’avril et de mai 2020, des factures d’électricité et d’eau des plus démunis, la distribution gratuite de 56.000 tonnes de céréales et de 16.000 tonnes d’aliment bétail aux populations vulnérables touchées par la Covid-19. S’y ajoutent l’apurement de l’ensemble de la dette intérieure due au 31 décembre 2019 et de janvier à avril 2020, la mise à disposition en faveur du Fonds de garantie pour le secteur privé (FGSP) d’une dotation de 20 milliards de Fcfa afin de soutenir les entreprises privées durement touchées ainsi que les institutions de micro finance dans leur relation de financement. En d’autres termes, il s’agit d’assurer les besoins de financement des PME/PMI, des Systèmes financiers décentralisés (SFD), des industries et de certaines grandes entreprises affectées par la pandémie.
À la différence des autres mesures, cette dernière attend encore d’être mise en œuvre. Le processus de transfert de ce fonds serait en cours, assurent certaines sources. Rappelons qu’au Mali comme partout ailleurs dans le monde, les secteurs les plus affectés par la maladie à coronavirus sont les transports, le commerce surtout de l’électronique, l’hôtellerie, la restauration, etc. Cela à cause notamment des mesures préventives nécessaires prises par l’État pour endiguer la pandémie : couvre-feu, fermeture des frontières, etc. Dans notre pays, ces secteurs sont parmi les plus dynamiques et les plus créateurs d’emploi. D’où l’urgence de mettre ce fonds de 20 milliards de Fcfa à disposition afin d’adoucir les inquiétudes de nos opérateurs économiques, notamment les PMI/PMI.
Ce financement, faut-il le préciser, n’est ni un don, ni une subvention. «Le fonds dont la gestion est confiée au FGSP-SA, est appelé un jour ou l’autre à être remboursé», informe le directeur général du Fonds de garantie pour le secteur privé dans un entretien électronique. En ce sens que le Fonds est tenu de rembourser un jour ou l’autre l’État et devra pour ce faire recouvrer les sous au niveau des clients en cas de défaut de paiement.
ACTEURS EN SOUFFRANCE- Moustapha Adrien Sarr précise, dans un document à nous envoyé, que le fonds alloué vise à soutenir les entreprises privées (PME-PMI, quelques grandes entreprises) et les institutions de micro finance dans leur relation aux banques. Les secteurs concernés, insiste-t-il, sont l’hôtellerie, le transport, le tourisme, l’exportation de fruits de saison (la mangue notamment), la micro finance. S’y ajoutent, selon lui, toutes les entités qui ont une forte corrélation avec ces secteurs. Le but visé est de favoriser, par le biais de la garantie, le financement de ces acteurs en souffrance. Cela se fera via des conditions d’intervention suffisamment souples et peu coûteuses et à travers nécessairement une relation tripartite : banques/acteurs en besoin de financement et FGSP.
En la matière, le Fonds de garantie pour le secteur privé, conformément à sa mission, garantira les entreprises et les Systèmes financiers décentralisés éprouvés auprès des banques, rassure son directeur général. Grâce à cette assurance les entreprises et les SFD pourront non seulement obtenir des banques des reports temporaires de prêts non encore remboursés, mais aussi bénéficier de nouveaux crédits qui leur permettra de faire face à la crise en toute sérénité, assure-il. Cette garantie peut aller jusqu’à hauteur de 80% de la somme demandée par le client à garantir.
GARANT DU CRÉDIT-À titre d’illustration, un hôtel qui doit rembourser de l’argent que lui a prêté une banque, se trouve, à cause des mesures prises dans le cadre de la prévention de la Covid-19, dans l’incapacité de rembourser cet argent. «Il faut donc reporter ses échéances et cela augmente le risque lié au crédit pour la banque. Le Fonds de garantie vient soulager la banque en se portant garant du crédit et en enlevant une bonne partie du risque sur la banque, toute chose qui l’encourage à procéder au report», argumente le directeur général du Fonds.
Cette première étape est certes une bouffée d’oxygène permettant à l’hôtel de souffler un moment, mais elle n’est nécessairement pas suffisante, nuance-t-il. Car, l’hôtel en question qui est déjà en arrêt de travail donc point de rentrée de recettes – peut avoir besoin d’un crédit de trésorerie pour supporter notamment ses charges fixes (charges qui restent stables malgré le niveau d’activité de l’entreprise comme les loyers, l’assurance, certains honoraires d’experts, les abonnements, etc.), remarque Moustapha Adrien Sarr. Pour ce faire, le FGSP se porte également garant de ce crédit. Incitant ainsi la banque à accéder à la demande du client qui, en cette situation de crise, présente plus un profil risqué, selon lui. Comme cet hôtel qui peut avoir besoin de ces facilités, une entreprise exportatrice de mangues, dont le chiffre d’affaires est complètement compromis pourrait aussi avoir des difficultés pour honorer ses commandes à l’étranger du fait de la crise.
COUVRIR EN TEMPS FAVORABLE-Comme eux, les SFD sont pratiquement tous financés par les banques de la place qui leur accordent des crédits, afin d’assurer le financement surtout du secteur informel. «Du fait des difficultés de leur clientèle à honorer les échéances, eux non plus ne peuvent plus rembourser les banques», analyse le DG. Pour qui il faut donc repousser les échéances, mais également leur assurer des refinancements d’urgence pour qu’ils puissent continuer à accorder de nouveaux micro-crédits de trésorerie à leur clientèle éprouvés également par la crise. Pour y arriver, le Fonds de garantie vient également permettre à la banque d’accéder à cette demande qu’elle aurait du mal à financer sans un schéma de garantie suffisamment rassurant, précise l’administrateur général du Fonds.
En somme, les banques, en tant que partie prenante essentielle, ont besoin d’être rassurées par la capacité financière du Fonds à les couvrir en temps favorable. Et grâce à cet appui, le FGSP-SA est aujourd’hui en capacité de faire mobiliser un financement total de 170 milliards de Fcfa, se réjouit Moustapha Adrien Sarr. Et d’ajouter : «Sur la base des prévisions moyennes, ces financements pourraient bénéficier à 3.500 entreprises et SFD et permettre la sauvegarde d’environ 20.000 emplois», conclut le patron du Fonds de garantie.
Pour sa part, le président du Conseil national du patronat malien (CNPM) confirme que ces 20 milliards de Fcfa peuvent servir beaucoup plus à tout ce qui est entreprise informelle, les micro-entreprises, les gargotières. Pour Mamadou Sinsy Coulibaly qui intervenait lors d’un entretien accordé à L’Essor, ils permettent à ces couches vulnérables de pouvoir entrer dans le système économique. À travers elles, se félicite-t-il, ils pourront toucher des milliers de personnes. Ces milliers d’entreprises sont aussi nos clients. Si eux gagnent, nous les moyennes entreprises, nous gagnons aussi. L’État aussi gagne. Car, ils achètent chez nous, payent la patente, la TVA, explique le patron des patrons maliens.
En conséquence, ces garanties qui leur seront accordées par le Fonds pourraient contribuer à la résilience de notre économie et à la relance rapide des activités si la crise sanitaire ne s’étendait pas dans la durée.
Cheick M. TRAORÉ
Source: Journal l’Essor- Mali