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Moussa Ag Attaher, porte-parole de la CMA : «notre absence dans le gouvernement est liée aux difficultés que nous avons rencontrées depuis le 20 juin 2015 à ce jour, dans la mise en œuvre de l’accord»

Depuis 2012, le cacique du MNLA et de la CMA, Moussa Ag Attaher n’avait pas mis pied à Bamako pour les raisons que tout le monde connait. Une année après la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, le porte-parole du MNLA et de la CMA a signé son retour à Bamako afin d’apporter, à l’instar de ses camarades des autres mouvements armés, sa contribution au processus de paix et de réconciliation qui se dessine lentement mais sûrement. Dans son hôtel, il nous a accordé une interview dans laquelle toutes questions brûlantes ont été abordées : échecs et avancées de mise en œuvre de l’Accord de paix, mise en place des autorités intérimaires et des patrouilles mixtes de sécurité, le terrorisme, partage du pouvoir, etc. Voici l’interview

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Pourquoi avez-vous mis du temps pour venir à Bamako après la signature de l’Accord pour la paix et le démarrage du processus de réconciliation nationale ?

Je pense que nous n’avons pas mis du temps à venir à Bamako. Depuis la signature de l’accord de paix, les membres du MNLA sont régulièrement à Bamako. Ils participent à toutes les réunions des différentes commissions chargées de la mise en œuvre de l’accord. Pour ce qui conserne la présence individuelle ou personnalisée des gens, elle peut avoir plusieurs explications.

Personnellement,  mon absence se comprend, parce que je ne suis membre d’aucune commission mise en place dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord. Mais si je serais appelé à conduire une quelconque commission pour la mise en œuvre de l’accord, une mission qui m’amènerait ici, je n’hésiterais pas, je serais disponible pour  apporter ma contribution.

Un an après la signature de l’accord de paix, rien ne semble bouger dans sa mise en œuvre. Qui est responsable de cette situation ? Le gouvernement ou les groupes armés ?

Sincèrement, je pense que l’heure n’est pas au bilan. Il est difficile aujourd’hui de faire le bilan d’un accord qui a été signé il y a un an, surtout  d’un accord dont la mise en œuvre et même la compréhension est très  complexe. Il est difficile de faire ce bilan. Ceci étant,  il y a eu, bien sûr, beaucoup d’interrogations parce qu’il y a beaucoup d’attentes. Après la signature, on a pensé qu’on pouvait arriver à un résultat avant un an ; mais ce résultat n’est pas là.

Certaines mesures prévues par l’accord  comme l’instauration de la confiance mutuelle entre les parties signataires, la mise en place du Mécanisme opérationnel de  coordination (MOC), la libre circulation des personnes sur le territoire national, les patrouilles mixtes de sécurité, la mise en place des autorités intérimaires, lesquelles devraient accélérer le processus de la mise en œuvre de l’accord, ont pris énormément du retard. A cela, il faut ajouter la question du cantonnement dont le nombre de sites n’a pas fait l’unanimité ainsi que la prise en charge des sites de cantonnement proposés qui ne faisait pas aussi l’unanimité. Les parties avaient des appréciations différentes voire divergentes sur les questions que je viens d’évoquer.

C’est ce qui a fait que  la mise en œuvre de l’accord a longtemps souffert d’un retard. L’accord étant un tout, si un  point de l’accord souffre d’un retard, c’est tout l’accord qui va souffrir de ce retard. C’est comme ça que je vois les choses.
Maintenant je pense que nous avons tourné cette page et nous sommes dans une nouvelle dynamique et je suis très optimiste. Chaque partie a promis de faire preuve de bonne volonté pour que nous puissions récupérer le retard accusé.

Vous venez d’évoquer les points qui faisaient l’objet de bocage dans la mise œuvre de l’accord. Avez-vous des propositions concrètes pour accélérer le processus à ces niveaux ?

Ce qu’il faut comprendre, on ne peut faire chaque point de l’accord sujet de nouvelles négociations, non. Sinon le retard qui sera accusé ne sera plus le retard d’une année, mais le retard de plusieurs années. Je m’explique. Concernant les autorités intérimaires, pour parvenir à signer le protocole d’accord, il a fallu un an. Il a fallu des négociations parallèles à plusieurs étapes, à plusieurs rings, pratiquement à l’image des négociations du processus d’Alger.

Si jamais chaque point suscitera autant de discussions, autant de négociations parallèles, la mise en œuvre de l’accord connaîtra plusieurs années de retard. Et cela n’est pas dans l’intérêt de la paix et  de la réconciliation, ni dans l’intérêt des acteurs, du gouvernement et de la communauté internationale. Plus l’accord connaitra du retard, plus les ennemis de l’accord et de la paix que nous cherchons à construire ensemble profiteront.

Pour répondre concrètement à votre question, je pense que toutes les propositions  que nous CMA avons à faire pour que l’accord soit à la hauteur des attentes de tous, nous les avons déjà faites dans l’accord. Tous les points dont nous parlons ici, ont fait l’objet d’un consensus dans l’accord, il suffit de mettre en œuvre l’accord. Le gouvernement du Mali est principalement responsable de mettre en marche le processus pour que les différents points de l’accord soient exécutés.

Il y a quelques semaines, il y avait de vives incompréhensions entre les groupes armés et le gouvernement concernant la prise en charge des patrouilles mixtes de sécurité. Les deux parties sont-elles parvenues à un accord ? Où en sommes-nous concrètement dans la gestion de ce chapitre ?

C’est vrai, il y a des divergences concernant le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC). Cela est dû essentiellement aux interprétations qu’en font les différentes parties de  ce point de l’accord. Comprenez cela, on ne peut pas demander aux mouvements armés de l’Azawad de prendre leurs vieux véhicules pour faire des missions de patrouilles dans le cadre du MOC. Il ne va même pas de l’intérêt de la réussite de cette mission. Cette mission de patrouilles mixtes doit être dotée de moyens logistiques pour qu’elle soit à la hauteur des attentes de sécurité.

Ce n’est pas une mission politique, mais une mission de sécurité.
Il y a eu des problèmes par rapport aux patrouilles mixtes de sécurité, par rapport à leurs effectifs, mais nous pensons que ces équipes-patrouilles doivent être dotées suffisamment d’effectifs et de moyens logistiques pour être à la hauteur de leur missions. Cela est très important car la mise en place des patrouilles mixtes de sécurité sera un test pour la formation de la future armée nationale qui est prévue dans l’accord.

Parlons de sécurité au Nord du Mali. Que pensez-vous de la réaction d’Iyad Ag Ghali qui a dit qu’il va continuer à menacer l’Etat malien et la France ? 

La plupart des pays au monde n’échappent pas à la triste réalité du terrorisme. Mais pour ce concerne le Mali et l’Azawad, ce n’est pas un élément nouveau. Pour ce qui nous concerne au sein de la CMA, c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous pensons qu’il faut accélérer le processus de mise en œuvre de l’accord.

Cela nous permettra de faire face à cette menace dans laquelle nous vivons tous. Personne n’est à l’abri, que ce soit Kidal où nous sommes, que ce soit la Minusma, les mouvements signataires de l’accord, l’armée du Mali, tout le monde est menacé par le terrorisme.  AQMI et Ançar Eddine sont contre l’accord et ceux qui soutiennent l’accord. Donc  leur position et leur message est assez clair.

Après la signature de l’accord, il était prévu une large représentativité des groupes armés au sein des instances de prise de décisions. Il y a eu deux remaniements du gouvernement et nous avons été surpris de l’absence des groupes armés au sein de l’exécutif. Avez-vous refusé ou vous n’avez pas été consultés ?

C’est une bonne question parce que c’est la question qui revient depuis très souvent de la part de ceux qui s’intéressent à la situation. La question reflète un sentiment général qui est prévu par l’accord à savoir la participation de tous au gouvernement et aux organes de l’administration. Ce qu’il faut comprendre, c’est que nous avons une vision plus globale en ce qui concerne notre participation au gouvernement. Nous la voyons sous l’angle du partage du pouvoir. Le partage du pouvoir ne se limite pas à une participation au gouvernement, il faut que l’on soit clair. L’accord prévoit un partage du pouvoir, il faut voir comme ça. Maintenant, il revient de déterminer quels sont les centres du pouvoir qui sont concernés par ce partage du pouvoir ?

Pourquoi nous ne sommes pas présents dans les différents gouvernements ? Je pense que notre absence dans le gouvernement est liée aux difficultés que nous avons rencontrées, depuis le 20 juin  2015 à ce jour, dans la mise en œuvre de l’accord. Mais avec le nouveau démarrage rendu possible grâce aux discussions directes entre les acteurs, nous pensons que cela permettra d’avoir une réponse concernant notre participation ou non au gouvernement et à d’autres instances de décision. Bref, il faut inscrire notre participation à un gouvernement dans un cadre global de partage du pouvoir.

Le blocage par rapport aux autorités intérimaires étant levé, est-ce qu’on peut s’attendre à un Moussa Ag Attaher ministre de la Communication dans le prochain gouvernement ?

La mise en place des autorités intérimaires était une exigence des mouvements armés  en l’occurrence la CMA qui avait conditionné plusieurs  choses à ce point. Nous avons pu dépasser cette étape. Aujourd’hui, nous sommes optimistes pour la suite du processus. Nous en appelons au courage politique du gouvernement du Mali et aussi au courage politique des mouvements armés.

Par ailleurs, je pense que la CMA ainsi que les groupes armés regorgent de cadres compétents pouvant participer au gouvernement et autres centres du pouvoir. C’est aux mouvements de choisir leurs membres qui peuvent leur représenter dans le gouvernement ou à d’autres postes de l’administration. Donc nous sommes prêts à apporter notre contribution à l’ensemble des points prévus dans l’accord et l’accord prévoit le partage du pouvoir.

Dans la composition de la Commission vérité, justice et réconciliation (CVJR), est-ce que vous vous sentez assez représentés ?

Je vous parlais tantôt de partage du pouvoir, c’est l’ensemble de ces aspects dont il est question. Il n’y a pas que  la CVJR. Mais cette commission est dotée de ceux qui doivent la composer. Nous n’avons pas de problèmes avec cette commission parce que la CMA y est représentée, c’est l’essentiel. Il y a eu au départ des problèmes d’interprétation, mais ce qui est important aujourd’hui, c’est que nous sommes représentés au sein de cette commission qui fonctionne déjà.

C’est à nos représentants de  jouer leur rôle au sein de cette commission. Par ailleurs, nous pensons que la commission chargé de la révision de la Constitution ne doit pas être monocolore, cette commission doit être inclusive à l’image de toutes les commissions qui sont en train d’être mises en place pour que la paix revienne.  Des dispositions doivent être prises  pour que  toutes les parties se reconnaissent dans cette révision constitutionnelle, parce qu’il s’agit quand même de la future constitution du Mali. Donc, il faut qu’on prenne les choses avec beaucoup de responsabilité, rien ne sert de faire le faux- fuyant.

Vous avez assez dénoncé les blocages ou les échecs dans la mise en œuvre de l’accord. Quelles sont, selon vous, les avancées enregistrées ?

Nous ne faisons pas partie des alarmistes, nous ne sommes pas alarmistes. Nous faisons partie des gens qui disent ce qu’il y a. Il y a eu une crise, il y a aujourd’hui un accord et cela est déjà une avancée. Il y a la mise en place des autorités intérimaires, c’est une avancée. Dans les prochaines semaines, il y aura des patrouilles mixtes de sécurité, c’est également une avancée.

Les principaux mouvements armés de l’Azawad discutent directement avec les autorités du Mali, c’est une  avancée. Mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Trois ou quatre sont en train d’être réglés mais sur combien de points ? Surtout quand on sait qu’il y a une centaine de points dans l’accord. Le point sur les autorités intérimaires a pris un an, prions que chaque point ne prenne pas un an, sinon on va passer cent ans à mettre en œuvre cet accord.

Certains ont annoncé leur démission du MNLA. Est-ce à dire qu’il y a une guerre de leadership au sein de votre mouvement ?

Le MNLA se porte très bien. Ce qu’il faut savoir, c’est que le MNLA est un  mouvement bien structurée, c’est le mouvement le plus structuré qui a des organes à tous les niveaux. Comme dans tout mouvement, il faut respecter la volonté des gens. A ma connaissance, il y a eu une seule personne qui a démissionné, c’est Moussa Ag Assarid. Je ne veux pas polémiquer là-dessus, c’est son droit. L’adhésion au MNLA est libre,  de la même façon, la démission est libre.

La France avait interpellé le HCUA à clarifier sa position, avez-vous un commentaire par rapport à cette interpellation ?

Aucun commentaire. Vous avez bien dit que le HCUA a été interpellée et le HCUA a répondu. Le jour où le MNLA sera interpellé, il répondra. Mais on doit faire très attention s’agissant de la lutte contre le terrorisme. La tension  commence à être palpable parce qu’on a tendance à  porter des coups à certains mouvements qui sont engagés dans la dynamique de la réconciliation et cela peut créer un amalgame  et du coup détériorer la situation.

Les forces internationales se doivent de déterminer une stratégie claire de lutte contre le terrorisme, pour ne pas créer des frustrations au sein des populations. Pas plus qu’hier, une opération des forces françaises a concerné une base du MNLA par confusion, selon eux, alors qu’il s’agit de l’une des bases du MNLA la plus ancienne et la plus connue de tous.

Avez-vous un mot par rapport à la gouvernance d’IBK ?

Malheureusement, je n’étais pas au Mali depuis l’arrivée d’IBK au pouvoir (rires).  Je ne suis pas trop dans l’apparent, dans le simulacre ni dans la démonstration. Ce n’est pas mon truc.  Il faut évaluer l’action d’un homme politique, d’un gouvernement par rapport à l’impact que cette action apporte au quotidien des populations.

De 2012 à aujourd’hui, pour être sincère,  les populations parmi lesquelles je suis, n’ont pas connu de changement positif. Mais est-ce  la faute au seul gouvernement ? Nous sortons d’un conflit qui a été très dur, d’une crise très profonde qui a minimisée par certains, mais prise au sérieux par la communauté internationale qui s’est engagée à nous aider pour trouver une solution. Pour ce qui concerne les populations de l’Azawad, elles souffrent comme elles ont toujours souffert depuis 1960.

Mais il fallait s’attendre à cela, car on ne peut combattre un système et s’attendre que ce système vous développe durant ce conflit. Le plus important aujourd’hui est la mise en œuvre intégrale de l’accord de paix dans l’intérêt de tous et cela, sans faux-fuyant. C’est un devoir et en même temps une responsabilité pour chaque acteurs du processus, pour éviter l’éternel recommencement comme ça été le cas depuis 1960.

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