Le succès de ce moyen de transport en commun saute à l’œil. Les Mopticiens les utilisent dans leur grande majorité pour faire leurs courses au marché, se rendre à l’hôpital, à la mairie, à l’école et vaquer à d’autres occupations
Habitations serrées les unes contre les autres, commerces de sel, ateliers de fabrication artisanale de pirogues, marché de bois et de charbon sur les berges du fleuve Niger, pédicure et manucure ambulantes, rôtisseries artisanales, constructions en terre crue enduite au mortier de ciment, transport de bourgou en charrette. Mopti grouille d’activités. Une aubaine pour les motos taxi, ces engins à trois roues qui ont abordé la Venise malienne, depuis quelques années.
Mopti, un matin de juin. L’attention est inévitablement attirée par les va-et-vient incessants de ces tricycles, notamment motorisés. Pour se déplacer en ville, il faut emprunter ces engins. Les Mopticiens les utilisent dans leur grande majorité pour faire leurs courses au marché, se rendre à l’hôpital, à la mairie, à l’école et vaquer à d’autres occupations.
Le succès de ce moyen de transport en commun saute à l’oeil. De l’aube à minuit, ces « kata-kata-ni » comme on les appelle ici, font la navette entre les différents quartiers à la recherche de clients qui ne manquent pas. Ils sont tous les jours plus nombreux mais ne manquent pas de clients. Simplement car leurs tarifs sont accessibles à tous. Ils varient entre 50 Fcfa pour les courtes distances, 100 F pour les distances moyennes, 150 F pour les très longues distances et même parfois 500 Fcfa pour … l’étranger. Dans ces conditions, rien d’étonnant que les moto-taxis supplantent de plus en plus les taxis jaunes que les clients jugent trop chers.
Djibrilou Sidibé, 30 ans, conduit un moto-taxi depuis un an. Il explique avoir embrassé ce métier parce que nombre de ses amis l’ont assuré qu’il nourrissait son homme. Son grand frère l’a alors aidé à acquérir un tricycle. L’engin lui permet de gagner entre 2000 et 3000 F par jour.
Képi sur la tête, deux baffles de sonorisation accrochés de part et d’autre de son moto-taxi, Ali Cissé a découvert ce métier à 17 ans. Aujourd’hui, il en a 19 et explique faire ce travail pour ne pas aller mendier. A la différence de Djibrilou Sidibé, lui loue son outil de travail à 6 000 F par jour, une somme qu’il verse quotidiennement au propriétaire de l’engin. En moyenne, sa journée lui rapporte entre 8 000 et 15 000 F. Assez rarement, il ne réunit que 3 000 à 5 000 F. Ce jour là, il lui faut y aller de sa poche pour régler le propriétaire.
Les conducteurs de moto-taxi adorent les clients qui vont à Sévaré puisque pour cette destination, le tarif est de 500 F par personne. Si le client est seul, il doit débourser, pour un aller-retour vers ce quartier, entre 4 000 et 5 000 F en fonction du nombre de colis ou de marchandises à transporter. Sur ce trajet d’une heure en aller simple, le conducteur prévoit aussi 500 F pour l’agent de police posté à la sortie de la ville. En ville, la « contravention » est fixée à 250 Fcfa.
Bintou Diallo est une utilisatrice fidèle des moto-taxis aussi bien pour se rendre à l’école qu’au marché. « Je ne paie que 50 ou 100 F pour me rendre là où je veux. Je ne perds pas non plus de temps à attendre. Je salue vraiment leur efficacité », résume-t-elle. Si le côté pratique et bon marché est salué par tous, le confort n’est pas la qualité première de cet engin de surcroit fort incommode pour les personnes âgées qui ont du mal à y embarquer et qui redoutent les secousses provoquées par l’état dégradé des routes.
Comme toute médaille, celle-ci a son revers lié à l’expansion de ce moyen de transport. En nombre croissant, les moto-taxis commencent, en effet, à perturber sérieusement la circulation à Mopti. Leur nombre est en cause mais aussi la faible qualification de leurs conducteurs qui ignorent tout du code de la route. Très peu peuvent présenter un permis de conduire, certains circulent même sans vignette.
Ali Cissé, lui, est en règle. « Je paie pour la vignette 60 000 F par an au service des impôts. Depuis quelque temps, les autorités nous obligent à passer le permis. Pour avoir ce permis, il faut payer 30 000 F. C’est donc vraiment dur pour nous », déplore-t-il. Las de ce qu’il considère comme des tracasseries, Ali envisage de quitter Mopti et de s’installer chez son grand frère à Bamako où il espère trouver un travail moins contraignent et qui paie bien.
Renseignements pris, un grand écart sépare le tarif officiel de ce que paient les conducteurs de moto-taxis. En effet, selon le directeur régional des transports, Mamadou Sow, pour toutes les catégories, dont l’A2 qui correspond aux motos à trois roues, le prix du permis est fixé à 14 750 Fcfa : 4000 F pour la prestation de la Direction nationale des transports ; 5 750 F pour le timbre et 5 000 F pour la redevance de sécurité routière. Visiblement, la spéculation n’est pas perdue pour tout le monde.
A.A. MAIGA
N. SAMAKE
source : L’ Essor