Le ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Louise Mushikiwabo, accède au poste de Secrétaire Générale de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Elle succède à Michaëlle Jean, ex Gouverneur Général du Canada, lâchée par la France et son propre pays.
Mais si l’on peut reprocher à la sortante d’avoir procédé à des nominations « maladroites » et à des dépenses « excessives, en l’occurrence son appartement de fonction parisien », pour autant, il faut reconnaître que la canadienne laisse derrière elle un bilan globalement irréprochable. Pourquoi donc ce lâchage de Michaelle Jean après seulement un mandat, au profit de Louise Mushikiwabo ? Fortement soupçonnée d’avoir soutenu les commanditaires du génocide de 1994, la France, jusqu’à l’accession d’Emmanuel Macron à l’Elysée, connaissait des relations tumultueuses avec le Rwanda qui, avec la gouvernance très dictatoriale de Paul Kagamé, a délaissé l’enseignement majoritaire du français au profit de l’anglais. Une langue que les dirigeants actuels et leurs familles ont héritée de l’Ouganda où ils vivaient en exil durant des décennies avant leur prise de pouvoir dans des conditions très obscures. La France, pour redorer son blason dans ce pays des « mille collines » qui lui a tourné le dos jusqu’à la rupture de ses relations diplomatiques en 2015, lui accorde son soutien politique. Ce deal politique d’Emmanuel Macron d’avec Paul Kagamé est cependant dénoncé par de nombreuses voix dans l’Hexagone. C’est le cas d’anciens militaires français de l’opération Turquoise qui dénonçaient récemment sur les réseaux sociaux, le soutien de Paris à Kigali, pour le poste de Secrétaire général de l’OIF. Même son de cloche de la part de quatre anciens ministres français en charge de la Francophonie qui, lors d’une tribune, ont vivement dénoncé une « décision unilatérale » imposée par la France à ses partenaires, et visant à « promouvoir la candidate d’un pays en délicatesse avec les droits de l’homme ». André Vallini, ancien secrétaire d’Etat français à la Francophonie, enfonce le clou en martelant que le Rwanda est « le pays le moins qualifié pour ce poste, d’autant que son président, Paul Kagamé, ne défend ni la démocratie ni les droits de l’homme ». Le soutien de la France au Rwanda par son choix porté sur son ministre des Affaires étrangères est donc évidemment et visiblement politique. Il répond notoirement à la real politik française. Ainsi, le journal français « Sud-Ouest » y voit « un gage offert à Kigali sur l’autel du rapprochement franco-rwandais, avec des arguments sûrement défendables et l’accord tacite d’une Afrique francophone satisfaite de voir le continent récupérer ce poste d’influence qu’elle estime lui revenir ».Fini donc les beaux jours, en l’occurrence le temps pendant lequel le président Abdou Diouf occupait le poste de SG de l’OIF, où les questions de la bonne gouvernance, celles de la démocratie et des droits de l’homme étaient devenues la matrice du développement de l’espace francophone peuplé de 300 millions d’âmes. Autrement dit, le « machin OIF » ne pourrait plus hélas peser sur les pouvoirs dictatoriaux en Afrique et son expertise en matières électorales ne serait plus considéré comme fiable, à partir du moment où son véritable propriétaire se moquerait de l’avancée du système démocratique dans le continent africain.
Gaoussou Madani Traoré
Source: lechallenger