Depuis la démission du premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga, comme à l’accoutumée les rumeurs s’étaient emparées de Bamako. Elles désignaient Boubou Cissé, mais aussi Tiéna Coulibaly comme probables premiers ministres. Le jeune quarantenaire Dr Boubou Cissé a finalement eu les faveurs du président de la république, un peu influencé par le clan familial dit-on.
Par cette nomination le président de la république veut faire savoir qu’il garde à présent la main. Cette phase du jeu dans le microcosme politique malien va exposer un jeune technocrate, sans attaches politiques dans un environnement socio-politique surchauffé. Le Dr Boubou Cissé a eu une ascension vertigineuse dans les gouvernements IBK depuis le premier mandat, ministre des mines, ensuite celui des finances et de l’économie et actuellement chef de l’exécutif. Il avait pu résister jusqu’à maintenant aux secousses, mais cette fois les vents seront très violents.
En effet le climat social au Mali est très délétère et très confus ces temps-ci. L’exécutif va au-devant de beaucoup de complications. Il doit affronter des dossiers divers, dont il n’a pas forcement les solutions. La situation sécuritaire est des plus médiocres, les partenaires mettent la pression sur le gouvernement pour qu’il accomplisse ses parts de responsabilités. Notre diplomatie à de la peine à s’affirmer, malgré un besoin pressant de lobbying. Le front social est carrément en déconfiture, les enseignants battent le pavé toujours, et ont particulièrement un grief contre l’ancien détenteur de la bourse du pays, désormais devenu chef de l’exécutif. Les opposants ont l’impression d’avoir été utilisés pour les besoins de la communication du président. Les médias d’Etat ont miroité une classe politique concertée, alors qu’en réalité elle n’a pas du tout été associée. Une partie importante et bien influente des leaders religieux se sent grugé dans sa victoire sur l’ancien premier ministre. La problématique de la conférence nationale reste entière. Le parti au pouvoir peut sauver les apparences, mais reste blessé et humilié.
Le nouveau premier ministre aura quel soutien politique ou même populaire pour pouvoir tenir ?
Nous avons le sentiment que le président a voulu faire comprendre à tout le monde qu’il n’est pas un homme qui peut perdre la face.
A-t-il aujourd’hui les moyens réels de son orgueil ?
Un président de la république qui fait face à une opposition offusquée, une société civile éparpillée et antagoniste, une base politique déçue, n’a plus une bonne main. Il existe des moments ou manifester son ego peut s’avérer désastreux pour un grand leader. Quand il faut garder le profil bas, il faut vraiment le faire et avoir la patience d’attendre.
Les adversaires ont encore des cartes en main, ils ont un peuple angoissé, ils ont des chefs religieux déterminés contre le régime, ils sont tous ensemble contre la gestion actuelle du pays. Ils ont déjà pu une fois, se rassembler à l’hémicycle pour chasser un chef de l’exécutif avec réussite. Ils peuvent encore, en vertu de l’art 79 de la loi fondamentale mettre le nouveau dans la même voie. Si la déclaration politique du premier ministre actuel est désapprouvée, il ne pourra que démissionner. Le président va créer ainsi un cercle vicieux, ou dissoudre l’Assemblée nationale, ce qui ouvrirait aussi d’autres difficultés dans un pays à terre.
Ce président a choisi toujours ses premiers ministres, depuis le premier dans une situation conflictuelle. Et il est au sixième, un record au Mali, pourtant cette fois il pouvait laisser la main en se soumettant au verdict populaire pour après la récupérer. Il pouvait même susciter et faire accepter le Dr Boubou Cissé comme un chef de l’exécutif consensuel. Maintenant un ego démesuré nous ramène dans une atmosphère politique incertaine, et peut être vers un septième premier ministre si on a le temps.
Macké Diallo
Source: L’ Aube