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Mme Diarra Djénébou N’Diaye : Une vie d’expert comptable

Elle aurait aimé étudier le droit et la communication mais le destin l’a conduite à faire carrière dans une autre profession prestigieuse

Courageuse, persévérante, amoureuse de la connaissance, la vie de celle qui n’était encore qu’une adolescente lucide et timide bascule au gré d’un choix de filière. Fille d’un ingénieur en électricité et d’une maman médecin, la benjamine d’une fratrie de quatre enfants passe son baccalauréat en série sciences humaines (SH) au lycée Notre-Dame du Niger avec mention. Ce sésame secondaire en poche, la littéraire bénéficie d’une bourse d’études pour la Tunisie.

Son enthousiasme sera de courte durée. Animée d’une passion débordante pour le droit ou la communication, Mme Diarra Djénébou N’Diaye se voit obligée de choisir entre des filières scientifiques. Un coup du sort ? «Peut-être que oui. Il n’y avait pas de débouché direct pour mon profil. J’avais le choix entre opter pour l’une des trois filières : la médecine, l’architecture et l’économie, disponibles pour la Tunisie cette année-là ou renoncer à ma bourse et rester au Mali», se rappelle-t-elle.

Mme Diarra ne ressemble pas à celle qui semble aimer les solutions de facilité témoignent ses collaborateurs. Moustapha Gaba, auditeur, admire son courage. «Je travaille avec elle depuis 10 à 11 ans. Elle est responsable, courageuse, battante. Elle est sans problème et fait correctement son travail qu’elle maîtrise très bien», dit-il. Sa collaboratrice depuis 2011, Mme Tati Fadimata Maïga la trouve opiniâtre et motivante. «Ce n’est pas facile de travailler dans le privé au Mali. Elle est très respectueuse et sait motiver les autres», ajoute-t-elle.

Des qualités innées qui semblent orienter son choix pour la destination Tunisie. Car après quelques temps de réflexion, elle choisit sans hésiter les sciences économiques. Djénébou N’Diaye s’inscrit à la Faculté des sciences économiques et de gestion de Sfax, rattachée à l’Université de Sfax. D’où elle sort avec un diplôme de maîtrise en sciences comptables.

«Le début a été très difficile notamment avec les matières scientifiques, les statistiques. Mais, avec le courage et beaucoup d’abnégation j’y suis arrivée. Au tout début, je suis tombée amoureuse de la comptabilité. Donc, je me suis dirigée vers cette branche», explique-t-elle.

Un choix de raison qui sera auréolé de prestiges. Elle débarque en France d’où elle revient avec un diplôme professionnel d’audit interne de l’Institut français des auditeurs et contrôleurs internes (Ifaci). Certifiée en lutte contre la corruption et la bonne gouvernance par Marquette University (USA), la désormais experte comptable agréée entame une carrière professionnelle jalonnée de succès et de défis.

En effet, à son retour au bercail, celle qui est inscrite au tableau de l’Ordre national des experts comptables et comptables agréés du Mali (Oneccam) depuis mars 2008, intègre le cabinet d’expertise comptable EGCC International en qualité d’auditeur comptable et financier.

Grâce à cet acquis professionnel, Mme Diarra Djénébou N’Diaye est recrutée comme vérificateur assistante puis cheffe de mission au Bureau du Vérificateur général du Mali. L’appétit venant en mangeant, elle choisit de s’installer à son compte. C’est ainsi qu’en 2010, le couple d’experts comptables (son époux et elle) s’associent pour ouvrir le Cabinet d’expertise comptable panafricaine d’audit.

Depuis, l’ancienne conseillère spéciale du Premier ministre, chargée de la gouvernance (2014-2015) vole de ses propres ailes et emploie une dizaine de permanents, quatre consultants et sept stagiaires. Un challenge que l’experte en audit de performance relève non sans peine. «Ce n’est pas facile de diriger, mais on y arrive. Nous travaillons pour des clients. Nous sommes tranquilles quand un client paie. Nous sommes bloqués souvent lorsqu’il ne paye pas. Il faut alors être suffisamment organisé et sérieux dans la gestion des dépenses pour pouvoir s’en sortir. Une bonne politique de motivation du personnel importe aussi en la matière», souligne-t-elle.

Outre la discipline budgétaire et financière qu’exige la gestion d’un tel cabinet spécialisé, être une femme experte comptable au Mali demande aussi beaucoup de courage. «Dans notre environnement, les gens ne sont pas habitués à traiter les affaires avec les femmes. On nous paye moins que les hommes pour les mêmes services», déplore la battante.

Aussi, l’audit est l’une des activités phares de l’expert-comptable. Les gens n’aiment pas le contrôle surtout si c’est une femme qui vient se mettre devant eux pour leur demander des comptes, constate Mme Diarra. Ils ne veulent pas que les femmes sachent tout ce qu’ils font comme magouille, cela les vexe. Ils préfèrent ne pas travailler avec une femme et s’ils le peuvent, ils l’évitent. «La collaboration est difficile. Mais, les états d’esprit sont en train de changer» reconnaît-elle.

En plus des occupations liées à la gestion de son cabinet, Mme Diarra est formatrice accréditée en audit de l’Ifaci et à l’Intec France au Mali. Elle enseigne à l’université et dans plusieurs écoles supérieures de Bamako. Et assure la formation professionnelle des contrôleurs et inspecteurs du secteur public au Mali et au Togo notamment en audit de performance, de conformité et en audit genre.

Fortement impliquée dans la vie sociale et associative de notre pays, Mme Diarra est membre de l’association SOROPTIMIST international – Club Lumière de Bamako, de l’ACIAM, du Lions club International- Sokala Bamako. L’humaniste est aussi ambassadrice de la paix de la Fédération universelle de la paix des Nations unies, etc.

En juillet 2015, elle crée avec sept autres femmes expertes comptables l’Association des femmes comptables libérales (AFCOL) dont elle devient la présidente. L’idée vise à inciter les filles à choisir le métier, contribuer à l’épanouissement de la femme et de l’enfant. «Nous menons des actions caritatives et avons une convention de partenariat avec Onu-Femme», explique l’expert comptable qui préfère militer dans les associations humanitaires.

Comment concilier la vie de femme experte comptable et la vie familiale ? Pour Mme Diarra, c’est très difficile. Les professions libérales demandent beaucoup d’investissement. Il n’est pas évident de pouvoir les allier avec la vie de femme au foyer.

Il faut, en plus de la confiance mutuelle, tomber sur un mari conscient des obligations liées au travail. La priorisation des devoirs est également capitale. Quand vous avez par exemple des enfants en bas âge, vous ne pouvez pas accepter toutes sortes de travaux. Vous renoncez souvent à l’argent pour vous consacrer à la famille», conseille la mère de six enfants. Avant de saluer son époux pour son soutien sans faille.

L’experte comptable exhorte les femmes, surtout les filles, à ne pas se sous-estimer.

Aminata Dindi SISSOKO

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