Aujourd’hui à Bamako, on n’a d’yeux que pour Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK). Le chef de l’Etat nouvellement élu s’installe en effet au Palais de Koulouba. Mais, cette fête, on la doit à un autre : Dioncounda Traoré. Président par intérim jusqu’à hier, il n’a pas démérité. Comment oublier celui qui lègue à son successeur, un Mali réhabilité ?
A l’actif de cet homme d’Etat aux qualités insoupçonnées et exceptionnelles, un bilan fort élogieux. Le désespoir avait pris place au début de son mandat. Mais, Dioncounda Traoré livre à son successeur, un pays où règne la paix. Beaucoup reste à faire, mais la République a été sauvée de justesse, avec l’appui qu’il avait sollicité et obtenu de la communauté internationale. Magnanime, homme de foi, il n’a, en revanche, pas vraiment été aidé par les hommes en uniforme.
En effet, l’ex-capitaine Sanogo, devenu général, et ses hommes de Kati, auront sérieusement donné du fil à retordre au président par intérim du Mali. Ils l’avaient humilié et même blessé à la tête. De sérieux obstacles à la cohésion des forces armées, à un moment où le pays avait besoin de sérénité. Les troubles récurrents auraient pu être mis à profit par des oiseaux de mauvais augure, tant les acteurs politiques, dans leur ensemble, se seront montrés fébriles. Nul ne peut méconnaître au Mali, que par son flair, son ouverture d’esprit, sa patience et son sens inné de la mesure, Dioncounda Traoré aura permis d’éviter de verser inutilement du sang. Un autre aurait échoué, tant, à plusieurs reprises, le pays s’est trouvé au bord de la confrontation. A présent, dans l’armée, on fait la paix des braves. Les « djihadistes » eux, n’ont pas totalement disparu ; mais, ils savent désormais à quoi s’attendre.
Sa détermination, son sens de la modération, alliés à un arbitrage sans équivoque, auront ainsi permis à Dioncounda Traoré, de garder sauf, l’héritage de Soundiata Kéïta
En plein cœur des controverses, Dioncounda Traoré aura aussi su faire preuve de sagesse et de pondération. La classe politique malienne, naguère divisée, a fini par reprendre langue. Les divergences persistent mais l’on envisage, à nouveau, de débattre dans le respect des différences. La transition a été conduite à bon port. Alors que le doute semblait l’emporter, tout s’est finalement bien passé. Les élections se sont tenues dans le respect des échéances, et dans un climat apaisé. Un successeur a été désigné par le peuple malien, IBK. Il prend du service aujourd’hui, avec la bénédiction de tous, y compris son challenger, Soumaïla Cissé, un autre Malien digne. Dioncounda Traoré, qui a écrit une belle page de l’histoire du Mali, aurait pu inquiéter IBK, si sa candidature aux présidentielles n’avait pas été écartée par les textes. C’est dire combien l’homme a fait preuve de renoncement. Son esprit de sacrifice aura ainsi profité à IBK et au Mali.
Dioncounda Traoré, mérite tous les qualificatifs que la presse et l’opinion publique, au Mali et ailleurs, lui décernent présentement, pour services rendus à son pays. Au bord de l’émiettement, et alors qu’on croyait sa chute imminente, le Mali a bénéficié, à plusieurs reprises, de la forte personnalité de l’homme discret mais efficace qui conduisait sa destinée. Sa détermination, son sens de la modération, alliés à un arbitrage sans équivoque, auront ainsi permis à Dioncounda Traoré, de garder sauf, l’héritage de Soundiata Kéïta. Le succès qui jalonne son parcours est, en fait, dû à la personnalité de l’homme. Différents traits caractérisent le partant. D’abord, sa probité. Comme d’autres sur ce continent, Dioncounda Traoré aurait pu chercher à rallonger la période de transition au nom de l’insécurité qui régnait au Mali. Des exemples existent sur ce continent où les dirigeants ne se gênent pas de faire du nombrilisme. En vrai patriote, lui, a tenu à relever le défi. Les échéances ont été respectées, les Maliens ont fait leur choix dans le calme et le respect mutuel. Durant la campagne électorale, jamais Dioncounda Traoré n’a été accusé d’avoir pris faits et causes pour un candidat.
Cet homme est remarquable tant par son sens du respect des engagements et de la parole donnée, que pour son impartialité. Celui qui, à partir d’aujourd’hui, fera partie des anciens chefs d’Etats du Mali, a, par sa stature, prouvé qu’il méritait bien le perchoir de l’Assemblée nationale et la conduite de la transition. Une chance pour les Maliens ; car, le navire tanguait, et l’incertitude régnait. Les grandes crises révélant les grands hommes, le président Traoré a su s’élever à la hauteur de la tâche, permettant ainsi au Mali de se tenir debout.
Diouncounda Traoré, un héros national ? La chose n’est plus dans l’ordre du discutable
Faisant preuve d’obstination à conduire son pays vers des lendemains meilleurs, il a accepté de livrer bataille, subissant de ce fait les pires humiliations. Mais l’homme sait aussi pardonner : à ses bourreaux et à ceux qui ont osé défier la République. Il part sans rancune. Une belle leçon pour les aventuriers, les assoiffés de pouvoir, les autocrates et les sanguinaires qui prennent la vie des peuples africains en otage.
C’est un homme chargé de symboles que le président Kéïta remplace aujourd’hui. La barre a été placée très haut, et le nouveau chef de l’Etat malien va devoir lutter constamment pour ne pas décevoir. A son tour, IBK a, en effet, le devoir de remettre le Mali sur les rails de la cohésion et du développement. Tâches ardues, mais combien facilitées par son prédécesseur, qui aura redoré le blason de son pays auprès de la communauté internationale qui veille.
Diouncounda Traoré, un héros national ? La chose n’est plus dans l’ordre du discutable. Face aux difficultés d’hier, l’homme aura tenu bon. On l’a battu, martyrisé, vilipendé ; mais il est demeuré de marbre. Tenace et téméraire, il a aidé le Mali à se remettre debout et à s’en sortir. On se demandait comment il allait faire, mais il a su se tirer d’affaire. Il peut se réjouir de son bilan, en passant la main. Un héros qui ne dit pas son nom, dans un Mali qui ne manque point de patriotes et d’hommes d’honneur.
Après les cinq ans de IBK, que fera Dioncounda, le septuagénaire ? Reviendra-t-il s’il est sollicité ? Son film du retour en politique, n’est pas aussi facile à écrire. L’homme appartient à l’histoire, et les manuels scolaires et universitaires vont devoir relever ses hauts faits pour les générations futures. Il doit être salué pour sa gratitude envers ceux qui l’ont accompagné dans sa lourde mission. Au plan national, mais aussi au plan international, notamment la CEDEAO et la France, pour leur appui multiforme. Mais, il nous faut également célébrer le peuple malien, qui lui aura beaucoup servi d’adjuvant.
Il y a désormais une icône à gérer à Bamako. Il faut la garder loin des sentiers tortueux de la politique politicienne qui met ce continent en retard. Dans ce monde si trouble et où les sages ne sont pas légion, Dioncounda Traoré, pourrait bien être utile aux Nations unies et à la Francophonie. De tels hommes, l’on en a toujours besoin. Le Mali revient de loin, mais il a des patriotes qui savent sauver l’honneur. Dioncounda Traoré est de ceux-là. Fier d’avoir accompli sa mission, le héros à « l’écharpe blanche », peut enfin quitter librement le Palais de Koulouba. Traoré, « Ini tché, Ini baara » !
Source: Le Pays.bf