La mine d’or de Morila-SA respecte-t-elle la Convention d’établissement signée en 1992 ? Aussi, les opérations de recettes afférentes à ladite convention au cours des exercices de 2005 à 2014 sont-elle régulières ? Le constat est que la vérification de la conformité de la mise en œuvre de la convention d’établissement de la mine d’or de Morila a relevé des dysfonctionnements et des irrégularités financières. Ces manquements ont porté sur la mise en œuvre des dispositions relatives au respect des normes environnementales et à la collecte des recettes minières.
Selon nos informations, la Mine d’or de Morila est une mine à ciel ouvert exploitée par Morila-SA, une société de droit malien. Elle est la propriété de trois actionnaires qui sont : Randgold Ressources Ltd avec 40% des actions, Anglogold Ashanti avec 40% des actions et l’Etat du Mali pour 20% des actions. La Convention d’établissement a été signée le 28 avril 1992. Le Permis d’exploitation d’un périmètre de 199,8 Km2, dans le cercle de Bougouni, valable pour l’or, l’argent, les substances connexes et platinoïdes, a été accordé par le décret n°99-217/PM-RM du 4 août 1999. La durée de validité dudit décret est de trente (30) ans à compter de sa date de signature.
Notre source nous indique que de la création de la société à fin 2014, la mine d’or de Morila-SA a produit 201 tonnes d’or. Pendant la période sous revue, la production totale d’or brut des sociétés minières en phase exploitation est de 482,395 tonnes dont 125,246 tonnes pour Morila-SA, soit 25,96%. Elle a contribué à l’économie du Mali, pendant la même période, pour 946 milliards de FCFA et distribué 711 milliards de dividendes aux trois actionnaires, dont 142 milliards de FCFA payés à l’Etat malien (source Morila-SA). La production prévue de 2014 à fin 2017, date de fermeture programmée de la mine, est de 10,3 tonnes d’or. Le personnel de Morila-SA actuellement sur site est de 1280 employés dont 18 expatriés et 1262 nationaux. Dans le cadre de l’appui aux populations riveraines, Morila-SA a mis en place des activités de développement communautaires en matière de santé et d’éducation. Elle a également initié des activités d’agrobusiness et un fonds de soutien au personnel licencié en prélude à sa fermeture prochaine.
Non respect des engagements sur le plan environnemental
La mine d’or de Morila-SA, comme toutes les autres mines industrielles au Mali, doit répondre à des exigences de conformité à la législation en vigueur. Cela s’avère nécessaire compte tenu de cet enjeu stratégique et de l’apport de la mine d’or de dans l’économie nationale. Le constat est que la vérification de la conformité de la mise en œuvre de la convention d’établissement de la mine d’or de Morila a relevé des dysfonctionnements et des irrégularités financières. Ces manquements ont porté sur la mise en œuvre des dispositions relatives au respect des normes environnementales et à la collecte des recettes minières.
Morila-sa a insuffisamment réalisé les reboisements compensatoires. Contrairement à ses engagements, elle n’a réhabilité que 103 hectares (ha) sur un total de 1085 ha affectés par ses activités minières et sur lesquels 607 ha sont non réhabilitables. Le taux d’exécution du reboisement compensatoire est de 16,9% en fin 2014. La non-réalisation des reboisements compensatoires peut entraîner de graves dommages à l’environnement.
Morila-SA n’a pas de dispositifs d’enregistrement et de surveillance des rejets polluants. Elle n’a pas mis en place, notamment au niveau de la centrale thermique, d’une capacité de 27,5 Mégawatts, un système de contrôle de ses rejets polluants. Aussi, aucune information n’est-elle communiquée aux autorités compétentes concernant ces rejets. En l’absence d’un tel dispositif, les concentrations de particules émises dans l’atmosphère peuvent affecter dangereusement la santé de la population et des animaux.
Morila-SA n’a pas d’incinérateur de déchets biomédicaux conforme. Contrairement à la réglementation en vigueur, les incinérateurs utilisés par Morila-SA ne permettent pas d’assurer une combustion complète des déchets. En effet, ils sont de fabrication artisanale et ne peuvent pas atteindre les températures exigées pour le traitement approprié de ces types de déchets. De plus, la fermeture de la fosse de confinement en cours d’utilisation n’est pas étanche. Ce qui expose à des risques de contamination de l’air.
Violation des dispositions relatives à la collecte des recettes minières !
Selon nos informations, le ministre chargé des Mines a irrégulièrement modifié, dans la convention d’établissement de Morila-SA, la disposition relative au transfert de devises. En effet, suivant la convention de Morila-SA, la société est autorisée à verser dans un compte offshore, en devise convertible, le produit de ses exportations, alors que la Convention d’établissement-type précise qu’une société minière n’est autorisée à conserver à l’étranger qu’« une somme suffisante du produit de ses exportations ». Ce non-respect de la Convention-type peut affecter les réserves en devises du Mali.
Minoration du chiffre d’affaires de Morila
Le ministre chargé des Mines a irrégulièrement modifié, dans la convention d’établissement des dispositions de la convention-type relatives au calcul de la Contribution pour Prestation de Services. Il a ainsi accordé des avantages financiers indus, ayant entraîné une minoration du chiffre d’affaires réel de Morila-SA de 2006 à 2014, à hauteur de 2,46 milliards de FCFA. Cette sous-évaluation du chiffre d’affaires a conséquemment occasionné des pertes de recettes sur la Contribution pour Prestation de Services pour un montant de 73,71 millions de FCFA.
Le Directeur général de Morila-SA n’applique pas la base légale de calcul de la patente. Pour la détermination de la base de calcul de la patente, Morila-SA n’a pas intégré tous les éléments liés à la production. Le montant total ainsi compromis s’élève à 7,44 millions de FCFA. Sur ce montant, 5,77 millions de FCFA tombent dans la prescription et le reliquat d’un montant de 1,66 million de FCFA a été régularisé par chèque à la perception de Bougouni, avant la fin de la mission.
André Traoré
Soleil Hebdo