Mardi 24 avril 2018, le chef du groupe International français, Bolloré, a été mis en garde à vue pour des soupçons de corruption en Afrique. Vincent Bolloré aurait bénéficié de certaines concessions au Togo, en Guinée, en Côte d’Ivoire, au Bénin, etc. ; en contrepartie d’un service rendu. Si M. Bolloré est soupçonné de corruption, qu’en est-il des dirigeants qui lui ont attribué ces concessions ? Doit-on condamner le corrupteur sans le corrompu ? Des questions qui méritent d’être réfléchies. Les dirigeants africains doivent aussi se remettre en cause.
Le groupe Bolloré est présent dans 46 pays en Afrique. Dans beaucoup de ces pays, il a bénéficié des concessions en contrepartie d’un service rendu. Tel est le cas en Guinée, au Togo, au Cameroun, au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Gabon. Sa mise en garde à vue du mardi dernier concernait les soupçons de corruptions en Guinée et au Togo. Le groupe aurait bénéficié des concessions au port de ces pays en 2010 pour avoir aidé les présidents, candidats aux élections, dans leur communication.
Dans ces deux affaires, ce qui s’avère paradoxal, c’est le retard qu’ont observé les autorités desdits pays pour s’exprimer sur l’affaire. Ce long silence est significatif. N’exprime-t-il pas une crainte ? Si tel est le cas, pourquoi avoir peur s’ils savent qu’ils n’ont rien à voir avec l’affaire, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas impliqués ? Leur silence en dit long. Les dirigeants de ces pays concernés par ce scandale de corruption sont conscients que le corrupteur et le corrompu sont complices l’un de l’autre. Une fois que l’un est mis en examen, dans les principes, l’autre doit l’être.
Il faut ajouter qu’en Afrique en général, lors des passations de marché, les autorités privilégient les étrangers aux nationaux. Ils savent qu’avec ces premiers, ils peuvent empocher grand. C’est ce qui explique le scandale du groupe Bolloré en Côte d’Ivoire. Il aurait bénéficié du deuxième port à containers d’Abidjan au détriment de l’Ivoirien Jean Louis Billon, un grand homme d’affaires. Ces genres d’affaires se passent en général dans la plus grande connivence et dans un rapport de « gagnant-gagnant ». Le cas du Bénin est pratiquement la même chose. L’entreprise nationale, Petrolin, avait bénéficié d’une offre pour la rénovation du chemin de fer reliant le Togo au Niger. Mais très vite, elle s’est vue retirer le marché au profit d’un groupe chinois.
Aux dires de Sadikou Alao, président du GERDES-Afrique, « Nous avons des problèmes de mauvaise gouvernance en Afrique, surtout avec des chefs d’États autoritaires qui peuvent décider à eux tout seuls de donner tel ou tel marché à tel ou tel opérateur économique, même au détriment de leurs propres compatriotes et sans appel d’offre. »
Dans cette affaire Bolloré, les dirigeants des différents pays impliqués doivent être interpellés pour être écoutés. Cela devra alors servir d’exemple dans les autres pays du continent. Le corrupteur et le corrompu sont tous des voleurs. Ils doivent tous être interpellés.
Les luttes contre la corruption sont devenues des campagnes d’encouragement à la corruption. Les corrompus et les corrupteurs étant en connivence, aucune sanction n’est appliquée. La mauvaise gouvernance bat son plein. La corruption est alors devenue un moyen d’enrichissement licite. Les citoyens tirent la queue du diable. Les dirigeants restent indifférents. Une véritable lutte doit être engagée avec l’implication réelle des citoyens. Ceux-ci doivent prendre conscience afin que la lutte soit effective.
Fousseni TOGOLA
Source: Le Pays