Le retour en Afrique d’une Allemagne longtemps restée en retrait ? La mini-tournée d’Angela Merkel à Dakar, Accra et Abuja, en est peut-être le point de départ. La chancelière allemande entame, du 29 au 31 août, une visite au Sénégal, au Ghana et au Nigéria pour tenter de placer les entreprises allemandes dans les radars économiques ouest-africains et peut-être même du Continent. Une visite à forte coloration économique, destinée aussi à contenter en Allemagne, un front intérieur sur les questions liées à l’immigration.
Jusque-là les 10 milliards de dollars d’investissements annuels de l’Allemagne en Afrique sont presque aussitôt happés par l’Algérie, l’Afrique du Sud et le Nigéria. Mais à la faveur d’un nouvel élan qu’Angela Merkel souhaite donner à sa diplomatie africaine, l’Allemagne veut élargir l’horizon de ses entreprises sur le Continent. Une parole jointe à l’acte.
Dakar, Accra, Abuja, au pas de course !
C’est peut-être dans ce cadre qu’il faut inscrire la mini-tournée diplomatique de la chancelière allemande avec un programme au pas de course. Ce mercredi 29 août, lorsque son «Konrad Adenauer» se posera à Dakar, avec à son bord une importante délégation d’hommes d’affaires, la locatrice Kanzleramt de Berlin va rencontrer le président Macky Sall. Au menu des discussions : coopération régionale, démocratie et diplomatie économique seront scellés dans des accords dont les deux pays ficellent les derniers détails.
«Le Sénégal et l’Allemagne partagent des valeurs communes, notamment la question des droits de l’homme. Nous apprécions le rôle joué par le Sénégal à la Cour pénale internationale (CPI), ses efforts de stabilisation en Gambie et dans toute la sous-région », confie Stephan Röken, l’ambassadeur allemand à Dakar à la presse locale. «L’autre raison qui motive cette visite, c’est la présence économique un peu faible», complète-t-il.
Étonnante coordination des visites d’officiels allemands : le 23 août dernier c’est Gerd Müller qui a balisé la route de la chancelière. En une semaine, le ministre allemand du développement a déjà posé ses valises en Erythrée, en Ethiopie, au Mozambique, au Botswana, au Zimbabwe, au Tchad et à Accra avant de porter la voie de l’Allemagne à l’UA. Dans la capitale ghanéenne, Gerd Müller arrivera ce jeudi 30 août, le même jour qu’Angela Merkel pour un entretien avec Nana Akufo-Addo. En plus des affaires diplomatiques, Angela Merkel devrait participer à une table ronde sur les investissements des entreprises allemandes dans le cadre de la «Compact with Africa» du G20.
A Abuja au Nigéria chez Muhammadu Buhari, la chancelière allemande mettra en avant les entreprises allemandes dans la perspective de la reprise de la première économie africaine. Une tournée très économique du premier exportateur de l’Union européenne (UE) vers la région à la plus forte croissance en droite ligne du nouveau paradigme de la diplomatie africaine de l’Allemagne.
Dissymétrie dans la coopération de l’Allemagne avec l’Afrique
Depuis son arrivée au pouvoir, Angela Merkel a recentré les visées de l’Allemagne sur le marché africain. Décidée à rattraper son retard sur des grandes économies comme la Chine, la Russie, la Corée du Sud, le Brésil ou encore l’Inde, l’Allemagne tente de promouvoir la «Deutsche Qualität» afin de frayer un passage à ses entreprises. Ces dernières vont sans doute se positionner dans les secteurs de l’automobile avec BMW, des énergies renouvelables avec Siemens, la pharmaceutique avec Bayer, l’industrie chimique avec BASF, le tourisme et même de l’armement.
Loin des motifs philanthropiques, la mini-tournée de Merkel devrait aussi permettre de calmer un front interne où elle est vertement critiquée sur la question de l’immigration notamment en provenance d’Afrique subsaharienne. D’abord flexible pour avoir permis d’accueillir plus d’un million de réfugiés, la chancelière doit désormais durcir sa politique migratoire, sous la pression politique de ses alliés.
Première solution envisagée pour cette politique de durcissement, repousser les frontières de l’Europe en proposant, contre financements conséquents, aux pays de la rive sud, Algérie, Maroc et plus loin Niger, de jouer le tamis aux candidats à l’immigration en Europe. Sans grand succès, l’Allemagne envisage donc de s’attaquer aux causes profondes de cette immigration notamment les guerres, la mal gouvernance et la pauvreté. Mais avec un commerce eurafricain largement en faveur de l’Europe donc de l’Allemagne (premier exportateur de la zone) et des normes trop strictes pour la concurrence africaine, la nouvelle politique Merkel vers le Continent semble plutôt emprunter la voie de la dissymétrie.
Source: latribune