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Migrations: l’Afrique rurale est « en mouvement »

L’Afrique rurale, où une grande partie de la population vit mal de l’agriculture, est en « mouvement », mais une énorme majorité des migrations demeurent intra-africaines, selon l’Atlas « une Afrique rurale en mouvement » publié jeudi par le CIRAD et la FAO.

« Le mouvement est intrinsèque aux sociétés africaines, ça bouge beaucoup, et notre travail met en évidence – contrairement à la croyance générale et au débat sur l’immigration qui peut exister en Europe – que 70% des migrations en Afrique sub-saharienne restent à l’intérieur de l’Afrique », indique à l’AFP le chercheur Bruno Losch, qui a coordonné les travaux.

Les chercheurs fixent d’emblée les enjeux de la ruralité et de l’agriculture dans cette vaste région du monde: avec environ 380 millions de personnes entrant sur le marché du travail d’ici à 2030 dont 220 millions en milieu rural, le défi pour l’Afrique sub-saharienne sera de « générer assez d’emplois ».

D’autant qu’il s’agit de la seule région au monde où la population rurale continuera de croître après 2050.

Le document de 57 pages, premier du genre, dont la version anglaise est parue en novembre 2017, compile des données existantes et des études de cas.

Il est réalisé par une vingtaine de chercheurs et cartographes du Centre de coopération internationale en recherche agronomique (CIRAD), de l’agence des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), avec le soutien du Center for the study of governance innovation (GovInn) en Afrique du sud.

« En Afrique, nous sommes loin du cas de figure des grandes migrations intercontinentales du 19e siècle, lorsque 60 millions d’Européens sont partis dans le Nouveau Monde, Etats-Unis, Australie, Canada, Afrique du sud, ou Algérie, entre 1850 et les années 20 » souligne M. Losch.

L’Atlas étudie toutes les migrations au sud du Sahara, en distinguant les déplacements des ruraux et ceux des urbains, et en disséquant les motifs principaux de départ (économique, familial, éducation…).

« Ils se déplacent pour échapper à la pauvreté, à l’insécurité alimentaire, au manque d’emploi, ainsi qu’à la marginalisation et à toutes formes de discriminations » indique M. Losch, « et le changement climatique » entraîne aussi « de plus en plus de personnes à quitter l’agriculture et les zones rurales ».

Plus de la moitié des migrants proviennent de ménages gagnant moins d’un dollar US par jour, à l’exception du Nigéria.

– Urbanisation croissante –

Pour M. Losch, « il y a très rarement en Afrique une émigration paysanne par familles entières, au contraire, c’est souvent un membre de la famille qui part, d’abord en ville ou dans une région ou un pays voisin, et qui conserve un lien avec le village ».

La multiplication des routes et des moyens de transports en Afrique explique aussi l’émergence d’une nouvelle forme de migration, « circulaire », qui se caractérise par un retour régulier au lieu de résidence principale.

En Afrique de l’ouest, l’une des chercheuses participant à l’Atlas, Florence Boyer met en évidence des systèmes migratoires hérités de l’histoire coloniale, comme celui entre le Burkina Faso et la Cote d’Ivoire, où la cacaoculture s’est développée grâce à de la main-doeuvre burkinabé.

« La crise ivoirienne des années 2000 a conduit à des reconfigurations avec le retour de milliers de Burkinabé vers les espaces ruraux et urbains du sud du Burkina Faso » écrit la chercheuse.

L’Atlas souligne aussi l’urbanisation croissante de l’Afrique du sud, où la population rurale est tombée à 36% en 2016 contre 46% en 2001.

« Les moyens d’existence des ruraux dépendent d’une agriculture à faible rendement, héritée des lois foncières coloniales discriminatoires (Land Acts) qui ont abouti à réserver 90% des terres agricoles à l’agriculture commerciale blanche, qui prend progressivement aujourd’hui la forme de sociétés anonymes » souligne le document.

Les migrations internationales se caractérisent, elles, par la jeunesse des migrants. En 2015, comparé aux autres principales régions du monde, l’Afrique avait la plus grande proportion de jeunes migrants internationaux (de 15 à 24 ans) avec 34% du total des migrants.

Et le flux total des transferts reçus par l’Afrique sub-saharienne de ses migrants internationaux était à lui seul de 32 milliards de dollars, contre 50 milliards provenant de l’aide publique au développement.

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