Chaque fois que l’on a pu toucher une pirogue, cette embarcation de fortune dont les migrants se servent pour la traversée de la Méditerranée et, depuis quelques moments, au cours des campagnes de sensibilisation contre la migration irrégulière, on en arrive à plusieurs convictions qui pourraient servir de fondements dans la reconstruction de notre société.
Les jeunes africains sont audacieux. Oui, quelle audace ! Quand on découvre la fragilité de ces pirogues sans grande étanchéité, on comprend que seul un courage extrême peut permettre à une personne de défier la mer et de braver la Méditerranée qui a une superficie plus de 8 fois plus vaste que celle de la Côte d’Ivoire. Quel courage en haute mer !-
Tous les voyages clandestins ne sont pas absolument pour une quête d’emploi. Des jeunes déboursent souvent plusieurs millions de francs CFA pour payer les frais de passage dus aux “trafiquants”. Des fonctionnaires, de grands commerçants, des ex-combattants, à qui le gouvernement a pourtant remis des fonds de réinsertion, etc. abandonneraient aussi leurs activités pour partir en Europe par la mer.
Nous voyons et entendons beaucoup de choses sur cette périlleuse aventure qu’on ne peut évoquer ici. Mais déjà, les deux éléments indiqués plus haut nous confortent dans notre analyse selon laquelle l’audace de la jeunesse africaine ne trouve pas très souvent une lisibilité et une visibilité absolues pour l’avenir. Les jeunes manquent de perspectives. La peur d’un lendemain incertain est grande et l’instinct de survie les pousse alors au “pire”. Les États africains ne font plus rêver. Il n’y a plus de charme, plus d’attrait dans nos États.
Aussi, pendant longtemps, nous avons entretenu le mythe de l’Occident. Du sommet de nos États jusqu’au citoyen lambda, nous avons réussi à nous convaincre que c’est seulement en Occident qui nous garantit le “bonheur”, la réussite sociale. Que dire du retour des “benguistes” pendant les vacances? La rage d’atteindre ‘’ce paradis’’ européen tourne, malheureusement, parfois au drame.
Nous avons construit des représentations sociales, le mythe du Blanc, la course effrénée à l’argent, et finalement nos sociétés se bâtissent autour du principe de la seule course à l’enrichissement immédiat. Nous avons inversé les principes. Les valeurs foutent le camp. On ne cherche plus nécessairement du travail pour vivre et construire un avenir. On cherche plutôt la richesse ici et maintenant. Que cela soit par le biais du broutage, les détournements de fonds publics, le voyage pour ‘’l’eldorado occidental’’…, peu importe. Bref, les fondements de notre société sont fragilisés. Et nous commençons à comprendre que c’est toute la société qu’il va falloir remettre en question et panser avec le concours de tous, pour reconstruire un rêve. Le rêve d’un bel avenir. Maintenant, tout reste à faire. Tout ! Absolument tout! Et chacun doit y être associé. Notre idéal de société est en crise profonde et une désillusion chronique. Il faut qu’on arrive à reconsidérer l’audace de la jeunesse africaine dans un “vrai” rêve de société.
Sambou Sissoko
Source: Le Démocrate