Une grande première. Ce dimanche, Mickaëlle Jean, a été élue secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Pour la première fois, une femme va représenter la langue française dans le monde. Est-ce un symbole important ? Quel est le profil de l’heureuse élue ? L’analyse de notre contributrice Aurélie Ganga
Au XXIe siècle, les postes à responsabilités sont encore trop souvent aux mains de la gent masculine.
Une élection logique
Pourtant, j’invite les féministes endurcies qui réclament presque aveuglément l’égalité des droits entre hommes et femmes à ne pas confondre d’une part : l’égalité de traitement, lorsqu’à diplômes et capacités équivalents en découlent des salaires égaux, avec d’autre part : l’égalité de la force physique, puisque l’expérience montre qu’en règle générale la femme n’est pas l’égale de l’homme.
Si la nature fait donc loi car la vigueur est plutôt l’apanage de ces messieurs, un grand nombre d’entre eux trouvent là un argument fallacieux qui justifierait leurs égos surdimensionnées. Or, précisément, l’humain ne se résume pas à sa définition biologique.
Il est aussi un être doué d’une conscience morale et juridique. Par conséquent, hommes et femmes sont égaux devant la moralité et le droit. Ils doivent avant tout s’unir pour travailler ensemble dans le respect. Attention, cependant aux conceptions naïvement égalitaristes : être une femme n’est pas le seul critère qui autorise l’accès à des postes stratégiques.
En revanche, si les faits et l’expérience acquise sur le terrain sont des principes de sélection républicains objectifs car observables, alors l’élection de Michaëlle Jean au poste de secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie est on ne peut plus logique.
Un modèle de réussite
Premièrement, au niveau symbolique, Michaëlle Jean est la première femme nommée à cette fonction.
Elle concrétise d’abord le processus institutionnel de démocratisation visant à donner aux femmes les mêmes droits que les hommes. Elle représente ensuite la dignité des Africaines, des Européennes, des Asiatiques et des Américaines appartenant au monde de la francophonie, car elle a notamment assuré durant de longues années des missions d’aide auprès de femmes victimes de violence conjugale.
Elle incarne enfin un modèle de réussite intellectuelle puisqu’elle est entre autres titulaire d’une maîtrise en littérature comparée.
Une tournure plus économique
Deuxièmement, au regard de ses compétences, Michaëlle Jean présente des arguments de haute facture.
Elle a d’abord brillamment assumé la fonction de gouverneur général du Canada. Elle connaît donc sur le bout des doigts les mécanismes propres à l’exercice du pouvoir et son mandat lui a permis notamment de rendre visite aux populations d’Asie et d’Afrique afin de connaître leurs quotidiens.
Elle bénéficie ensuite d’un réseau mondial et d’une crédibilité internationale.
Cela lui permet, là où Abdou Diouf privilégiait le volet politique car notamment influencé par son mandat de président de la République du Sénégal, d’orienter l’Organisation internationale de la francophonie selon des accents, des modalités et des visées économiques, et donc de l’adapter aux exigences de la globalisation.
Car sous la direction de Michaëlle Jean, la francophonie est comprise comme un véritable business qui n’est pas exclusivement africain, d’autant que la langue des échanges est l’anglais.
Créer les conditions d’une véritable union africaine
Elle va enfin être force de proposition en fournissant aux chefs d’État africains les outils géopolitiques capables de leur ouvrir les yeux sur les réalités du monde. Halte aux divisions nationales et continentales.
Nos dirigeants africains doivent en effet sortir des luttes partisanes et comprendre que le monde autour d’eux change. Nos hommes politiques africains ont pour obligation de créer les conditions d’une véritable unité africaine durable sur les domaines sociaux, économiques, juridiques et politiques.
Michaëlle Jean le sait parfaitement : l’Afrique va devoir réformer en profondeur ses institutions et ses mentalités. Les citoyens africains doivent en outre réfléchir de manière critique au sédentarisme et à l’inertie des carrières de fonctionnaires afin de se tourner plutôt vers la création d’entreprises.
Nous, femmes d’Afrique, devons nous mobiliser
On ne pouvait donc rêver mieux à la tête de l’Organisation Internationale de la Francophonie, tant les valeurs de paix et de solidarités portées par Michaëlle Jean sont universelles, de Port-au-Prince à Bamako en passant par Brazzaville. Son programme est le plus réaliste, le plus crédible.
Et grâce à elle, Haïti c’est l’âme de l’Afrique, de notre Afrique des arts et des lettres, notre Afrique que j’aime et que je respecte. Au cœur de cette Afrique, la femme y a toute sa place. Elle a le droit à la liberté, au travail, à l’éducation, à la santé. Elle a droit à son honneur. Ni supérieure, ni inférieure, la femme africaine possède la faculté de choisir au final elle-même son destin, indépendamment de son père, de son frère, de son mari, de son oncle, de son grand-père, de son professeur, de son petit ami, de son amant.
L’âme de l’Afrique ce n’est surtout pas le machisme. Messieurs, réveillez-vous : l’âme de l’Afrique c’est la tolérance et la bienveillance. À l’instar donc des actions menées par nos sœurs du Maroc, nous, femmes d’Afrique, devons nous mobiliser.
Nous demandons juste les mêmes droits
Avec intelligence, amour et délicatesse nous faisons comprendre aux hommes nés justement de la souffrance d’une femme, que nous ne demandons rien de plus que les mêmes droits.
Et je pense à nos mères, nos grands-mères, nos tantes, nos cousines et nos sœurs immensément fières de leurs filles et petites-filles qui empoignent leur avenir professionnel, scolaire ou familial grâce à leurs potentiels et leurs efforts. Car lorsqu’une femme africaine gravit les échelons non par son mérite mais parce qu’elle connaît intimement un homme de pouvoir, elle offre un exemple indigne à l’Afrique.
Or, en ce début de XXIe siècle, les cadres juridiques, économiques, sociaux et politiques à l’échelle globale évoluent autant que les représentations. Il y a de plus en plus de femmes qui progressivement prennent la tête d’entreprises ou assurent des hautes fonctions de gouvernance.
Le bilan des missions qu’elles accomplissent offrent des résultats qui méritent les applaudissements. Michaëlle Jean en est d’ailleurs l’exemple le plus saisissant, elle qui collabore avec des hommes en continue. Et finalement, si j’insiste sur l’égalité et la solidarité entre homme et femme, c’est parce que l’avenir de l’Afrique ne se fera ni sans l’un, ni sans l’autre.
Source: leplus.nouvelobs.com