
« Je pense que l’information qui me parait la plus importante ce sont les négociations concernant le nucléaire iranien », estime Michel Onfray. Après la période Ahmadinejad, caractérisée par la menace permanente, « l’idée qu’on aille vers des négociations, vers quelque-chose de plus intelligent avec levée de sanction, diplomatie, ça me parait quelque-chose d’important parce que justement l’équilibre se joue de ce côté-là de la planète ».
L’écrivain-philosophe est par contre nettement plus réservé quant à l’attitude de la France vis-à-vis du Mali : « Je pense qu’on ne peut pas dire d’un côté qu’on est la patrie des droits de l’homme, de l’invention de la république moderne; et puis de l’autre côté se comporter comme les Américains par exemple, c’est-à-dire installer des armées, utiliser du matériel militaire, trouver de l’argent pour la guerre… ». Et de s’étonner qu’on puisse facilement dégager des moyens à des fins militaires lorsque, par contre, « il n’y a pas d’argent pour augmenter le SMIG ». Et l’opération malienne lui parait d’autant moins justifiée que, selon lui, « il n’y a pas de causalité entre la présence de terroristes sur le territoire français et l’existence de salafistes au Mali ». « Pourquoi le Mali ? On n’y est pas pour les droits de l’homme, on y est pour le sous-sol ! On y est dans la vieille logique coloniale qu’on a envie d’habiller avec les habits des droits de l’homme », dénonce-t-il, s’étonnant que l’on n’intervienne pas, par exemple au Tibet, où les droits de l’homme sont aussi bafoués…
Du reste, pense-t-il, le remède pourrait bien s’avérer pire que le mal : si vraiment on veut éviter du terrorisme sur le territoire français, « alors on évite des interventions au Mali qui vont braquer un certain nombre de gens sur le territoire français qui deviendront pour le coup des terroristes et qui passeront à l’acte ». S’interrogeant sur le choix des pays où la France pratique à ses yeux « l’ingérence », Michel Onfray estime que c’est surtout la marque d’un cynisme lié à la présence en France de lobbies industriels et militaires.
L’Islam disparaîtra…
Sur l’Islam, il se montre également critique : « Je peux m’arranger avec les musulmans qui sont capables de laisser de côté les trois quarts du Coran » composés de « sourates dangereuses », lâche-t-il. Mais si on peut, comme l’estiment certains, laisser tomber telle ou telle partie de l’enseignement qui pose problème, alors « pourquoi pas supprimer tout le reste ? » Des pratiques religieuses s’inscrivant durablement dans un monde largement sécularisé, ce n’est du reste pas la vision que Michel Onfray a de l’évolution des religions : « Il en ira de l’Islam comme d’autres religions. Elle disparaîtra, cette religion, comme le christianisme va disparaître… »
Et l’auteur du « Traité d’Athéologie » de développer sa critique du religieux : lorsque la religion est forte, dit-il, elle s’emploie à maintenir son pouvoir par la force et la coercition, à l’instar du catholicisme triomphant . Lorsqu’elle s’affaiblit, « elle commence à faire l’éloge de la tolérance parce qu’elle n’a plus le choix ; elle n’a plus les moyens d’être violente donc elle devient non-violente. Et puis le christianisme se dilue dans une espèce de spiritualité vague; et il arrivera exactement la même-chose avec le Coran. »
Lorsque la gauche renonce
Sur la situation en France, il jette également un regard sans concession : « Il y a une date très importante en France, c’est 1983. C’est le moment où Mitterrand renonce à être de gauche ». C’est un tournant « libéral« , selon lui, un moment où quelqu’un comme Bernard Tapie est présenté comme un héros et nommé ministre de la Ville. « Mitterrand vend une chaîne [de télévision] à Silvio Berlusconi, Jacques Séguéla s’installe au devant de la scène et la politique s’efface au profit de la communication… Donc il y a une espèce d’effondrement de l’espoir », juge-t-il. « Et depuis ça n’a cessé: lorsque la gauche est au pouvoir, elle est dans le renoncement et dans le gestion du libéralisme ; et je pense que ce qui précipite les choses, c’est l’arrivée d’un François Hollande qui serait probablement un excellent premier-ministre mais qui est un très mauvais président de la République », poursuit-il, stigmatisant par exemple les retraits de réformes sous la pression de la rue. « Effectivement il n’y a plus de virilité politique dans cette période-là où tout va à vau-l’eau ». Pour lui c’est la poursuite de la même politique depuis 1983, une politique « néo-libérale » qui mène à une impasse dont de plus en plus de gens pensent pouvoir sortir grâce à Marine Le Pen…
Peu « optimiste », Michel Onfray voit venir des lendemains d’élections municipales en France qui seront l’occasion pour certains politiques avides de pouvoir de « s’allier avec le diable ». « A ce moment-là on verra une espèce de respectabilité qui fait que, dans une logique de deuxième tour des élections présidentielles, Marine Le Pen pourrait se retrouver face à un autre candidat, de gauche par exemple, et on verrait un peu comment les choses se passent. Je ne suis pas sûr qu’elle deviendrait présidente de la République parce qu’il y a quand même le discours qu’elle tient, les militants derrière et le passé du Front National (…) mais elle a décidé de conduire ce parti-là à une respectabilité de parti de gouvernement et pour l’instant elle fait plutôt un sans-faute… »
Source : rtbf