La fête de l’Indépendance est intervenue cette année à un moment où notre Nation est à un nouveau rendez-vous avec l’histoire, au sortir d’une crise multidimensionnelle qui a ébranlé ses fondements. C’est un Mali debout et en ordre de marche que le chef de l’Etat salue en rappelant les valeurs qui l’ont forgé. Ibrahim Boubacar Keïta appelle à tirer les leçons de la crise et promet de mettre fin aux mauvaises pratiques et réaffirme sa détermination à œuvrer à la réconciliation nationale et à mener une lutte implacable contre la corruption. Texte intégral du message.
« Chers compatriotes,
Hôtes du Mali,
L’an dernier, à la même heure, sur cette même antenne, le président de la République par intérim, l’impassible passeur, le Professeur Dioncounda Traoré, déclarait avec assurance que c’est le nouveau président élu qui livrera aux Maliens le message du 22 Septembre 2013. Le pari est gagné. Le Mali est debout et en ordre de marche. Par la grâce de Dieu. Par la solidarité du monde entier. Par la volonté du peuple malien. Et le destin a fait de moi ce président élu, qui a l’honneur et le privilège de s’adresser à la Nation, en cette veille symbolique.
En ce 19 septembre, notre capitale, Bamako a été l’un des centres de l’Afrique, et l’objet de l’attention renouvelée de nos voisins, de l’Afrique et de la communauté internationale. De nouveau, nous remercions l’Afrique et le monde. Ils nous ont tendu la main quand la crise multidimensionnelle éclatée à partir de janvier 2012, a ébranlé les fondements de notre nation.
Le 22 Septembre nous renvoie à l’Histoire ; celle d’une poignée d’hommes et de femmes, autour de Modibo Keïta qui avaient compris que le temps était venu de nous affranchir des tutelles pesantes, que le temps était venu de réaffirmer la dignité de l’Afrique et du monde noir. Nous redisons à cette occasion, notre attachement indéfectible à la fierté du Mali, à l’honneur du Mali, au bonheur des Maliens. Un Mali qui ne baissera plus la tête. Un Mali de diversités et de convivialité préservées. Un Mali prêt à se dissoudre dans l’Afrique, si tel l’exigeait l’unité. Un Mali partenaire exigeant et respecté du monde. Un Mali partie prenante de toutes les solidarités pour que cette planète soit celle de l’épanouissement de l’Homme sans distinction de couleur, de race, de religion, de sexe, d’âge ou de nationalité.
Mes chers compatriotes,
Cet anniversaire doit être placé sous le signe de la méditation et de la communion. Nous ne pouvons plus faire semblant : des soldats d’autres nationalités sont morts sur le sol malien, pour la défense de notre patrie, pour la dignité de nos femmes et pour l’épanouissement de nos enfants. De ces martyrs arrachés à notre affection et de tous les soldats héroïques qui ont gagné la guerre du Mali, nous devons nous souvenir, constamment nous souvenir. Leur sacrifice n’aura pas été vain. Il commande au premier magistrat que je suis de tirer les leçons de la douloureuse crise malienne, qui a livré notre pays à la risée du monde quand nous passions aux yeux de beaucoup pour la vitrine de la démocratie et de la bonne gouvernance.
Je me sais bénéficiaire d’une confiance populaire dont l’ampleur vaut avertissement dans cette Nation de grands hommes méritants et de grandes femmes de mérite. Comme dans la Rome antique, je voudrais constamment me souvenir que je ne suis qu’un homme. Un modeste homme, choisi par d’autres pour les servir. Nous parlons dès lors de mission historique.
Cette mission, je le redis en cette occasion solennelle, consiste à hisser le Mali à hauteur de ses ambitions contrariées d’abord, et de le faire entrer ensuite dans le cercle vertueux de la prospérité et de la stabilité. C’est un combat difficile qui sera de longue haleine, mais le message de notre peuple a été très clairement compris. Nous le ferons de manière méthodique, nous le ferons de manière tangible, nous le ferons de manière mesurable, nous le ferons sans concession au gaspillage de ressources et à la délinquance financière.
Le service public doit être efficient. Les fonctionnaires absentéistes ou chroniquement retardataires devront impérativement modifier leur comportement. Les effectifs pléthoriques et désœuvrés en train de siroter le thé dans un bureau transformé en marché, c’est fini ! Chaque responsable, au niveau où il se trouvera, sera comptable de l’efficience de ses subordonnés. Les véhicules de l’Etat servant à transporter des intrants dans des vergers personnels, terminé ! Ils ne devront plus servir que les seuls besoins de leur objet.
Quant à l’Ecole, elle restera à l’école. Elle ne sera plus tolérée dans la rue. Nous mettrons fin aux achats de diplômes, de même qu’au commerce des épreuves d’examen. Il sera mis un coup d’arrêt à la magouille foncière et à la spoliation des pauvres ou des vrais titulaires. Tout sera fait pour doter le pays d’un système cadastral fiable et ce, dans des délais raisonnables.
Il en sera fini des procès monnayés dans les bureaux de juges oublieux de l’éthique. Nous stopperons le délitement de l’appareil judiciaire, seul contre-pouvoir sûr dans les démocraties représentatives. Nous attacherons une importance sans prix à la surveillance du système d’intégrité publique. L’argent de l’Etat restera dans les caisses de l’Etat, ou sera investi à bon escient au service de l’intérêt général.
Chers compatriotes,
Je sais que la guerre contre la corruption ne sera pas gagnée tout de suite. Mais si nous ne la gagnions pas, nous aurons manqué de prendre en compte une des leçons majeures des crises de régime, d’Etat et de société que nous venons de traverser. Alors nous la gagnerons cette guerre. Et nous la gagnerons ensemble : les agents des services publics eux-mêmes, les organisations de vigie citoyenne, les institutions publiques dont le gouvernement et le parlement et moi-même, en application du contrat d’honneur qui me lie au peuple malien.
S’il faut sortir la main de fer du gant de velours pour le salut, le respect et l’intérêt du peuple malien, je la sortirai sans hésiter. Mais je sais que la corruption se gagne d’abord par des réformes systémiques. Seule la création de richesses permet d’améliorer les conditions du service public et du citoyen en général, qui a droit à une vie décente et digne.
Nous veillerons ensemble à la protection des richesses existantes mais aussi à la création de richesses additionnelles à travers une politique d’investissement incitative pour nos partenaires, audacieuse et volontariste pour nos compatriotes, en particulier nos jeunes compatriotes porteurs de projets et désireux de voler de leurs propres ailes. Telle est la raison de la création d’un ministère délégué dédié à la Promotion de l’investissement dans le gouvernement d’Oumar Tatam Ly.
La planification rigoureuse et la prospective seront notre salut de pays à forte croissance démographique, où la jeunesse réclame une part de plus en plus importante dans des richesses nationales limitées, et ce dans un contexte international qui récuse la médiocrité.
Prévoir et gérer, planifier et bâtir sur les certitudes, parfois sur les hypothèses basses, en un mot anticiper est incontournable à notre projet, celui de la présence du Mali au monde, une présence de qualité, une présence à la hauteur de notre Histoire.
Le ministère en charge de la Réconciliation nationale et du Développement des régions nord traduit notre conviction profonde que l’entente est possible en notre sein, que notre capital social reste solide même si nous le sollicitons parfois trop. Il s’agit, dans notre optique, d’accélérer le développement des zones écologiques qui peuvent être des zones grises et porter comme nous l’avons déjà subi, la menace contre l’ensemble national, voire au-delà.
Mais nous savons qu’il n’y a pas de point fixe où finit le Sud et commence le Nord. Nous savons aussi qu’il y a le Nord-Est et le Nord-Ouest. Nous savons surtout que pour réhabiliter l’économie du Nord, il est indispensable de recréer les continuum rompus qui faisaient de Gossi et de Douentza la même entité.
Le temps impose des priorités mais aucune zone et aucun système de production ne sera oublié à terme. Car il s’agit après tout de créer de meilleures conditions pour l’intégration nationale mais aussi de favoriser l’inclusion nationale. L’une des raisons de la baraka de notre pays réside dans sa capacité à accepter l’Autre sur la base de ses qualités. Ce doit être le socle de notre action individuelle et collective, car ceux que l’on qualifie de bourreaux peuvent ne pas avoir que des verrues, et les victimes n’ont pas toujours que des grains de beauté.
Pour ma part, je n’ai pas d’autre choix, dans la mission qui m’est confiée, que de sacrifier ma personne à la cause du Mali, sans aucune place à la rancœur ou à la revanche.
Vive le Mali éternel !
Vive le Mali debout !
Vive le Mali en action pour l’Afrique !
Vive notre vivre-ensemble dans ce beau pays que Dieu nous a donné en partage ! »
SOURCE: L’Essor du 24 sept 2013.