Le Vendredi dernier, à Bamako, ce fut la démonstration de force, côté organisateurs, sur la place de l’indépendance, où une marée humaine a scandé des slogans hostiles au régime d’IBK. Dans la foulée, en ce qui concerne l’aspect idéologique de la chose, il y avait à la foi la chose et son contraire : des démocrates auto-proclamés grands prêtres de la démocratie qui ont scellé l’alliance avec un prédicateur religieux ; le tout réunit avec un seul créneau ; celui de l’invectives et de l’injure publique contre un homme. Et le pays, dans tout ça ?
Du point de vue mobilisation, ce fut la grande démonstration de force : à l’appel du prédicateur musulman, l’imam Mahamoud Dicko, ancien président du HCIM, et des responsables politiques, auto-proclamés les grands prêtres républicains, comme Choguel Maïga, Cheick Oumar Sissoko, Me Tall, Moussa Sinko Coulibaly et tous les autres, une foule immense de gens a pris d’assaut la rue pour scander des messages hostiles au régime d’IBK, accusé de tous les noms d’oiseaux.
Certes, la démocratie, pour l’avènement de laquelle le sang a été versé dans ce pays, autorise cela : pour manifester en faveur ou contre les initiatives du pouvoir en place, les citoyens maliens ont le droit de se manifester. Ça, c’est un droit constitutionnel qui le consacre, pour lequel tout le monde s’accorde, en tout cas, du côté de la conscience nationale, qui, depuis fort longtemps, s’est enracinée dans la démocratie.
Le hic, c’est que dans la démocratie elle-même, c’est le respect absolu des valeurs fondamentales qui la fondent, ici, et ailleurs, sous tous les cieux. A voir sur le même plateau de la contestation, des hommes se réclamant des valeurs démocratiques ; défendant à cor et à cri les principes républicains, avec des concepteurs de l’idéologie religieuse radicale, hantés par les délices du pouvoir politique, faire chemin ensemble, côte à côte, relève de la grossière manipulation propagandiste, dont seuls sont friands les obsédés de pouvoir, prêts à toutes les basses manœuvres. Peu importe ce qui arrive au pays pourvu que les intérêts sordides et mesquins prennent le dessus sur l’intérêt vital du pays.
On en est là : des anciens soutiens au régime d’IBK, qui se sont s’égosillés, dans le passé, pour vanter les mérites du régime, pendant qu’ils étaient aux affaires d’Etat, se retournent aujourd’hui contre ce régime, pour faire bloc avec des mercenaires politiques, des chefs religieux auto-proclamés, ayant eux-aussi fait fortune dans l’accompagnement avec le régime d’IBK, voilà le spectacle politique affreux qu’offrent ces pseudo-démocrates qui ne se battent plus pour les valeurs démocratiques, qui sont, elles, rigoureuses et implacables, mais pour les circonstances et les conjonctures.
Comment peut-on espérer de l’union entre ces acteurs hybrides, reniant tout jusqu’à y compris leurs propres idéologies ; le prédicateur religieux, de son côté, qui n’a jamais adhéré aux thèses fondatrices des valeurs républicaines, et les pseudo- démocrates, qui ont jadis prôné la séparation du culte et de l’Etat, qui s’accouplent, au gré des circonstances, pour faire obstacle à un régime démocratique ?
En politique, on n’a rien, en reniant ses propres valeurs. La conscience politique nationale, suffisamment ancrée dans les valeurs démocratiques, ne se trompe pas : elle sait que les marchands d’illusions font légion dans le champ politique ; eux qui sont prêts à tout faire, dès qu’il s’agit de préserver leurs propres intérêts sordides et mesquins.
Hier, appelés à la soupe des affaires d’Etat, ces messieurs étaient les bons samaritains de l’orthodoxie démocratique, où le régime d’IBK, grand bienfaiteur des conforts personnels, était adoubé, flatté et magnifié. Aujourd’hui écartés des délices du pouvoir, pour des raisons diverses, les mêmes flagorneurs politiques sont devenus des chroniqueurs aigris, crachant du feu contre l’homme qui leur a tout donné.
Ce qui unit cet aéropage d’acteurs hétéroclites ; venant de bords et d’idéologies différents, c’est l’injure sauvage et malsain qu’ils ont dans la bouche contre le régime d’IBK et rien d’autre. Cette invective grossière et abjecte qu’ils ont en commun, contre un homme et son régime, ne peut pas constituer une alternative crédible et solide à leur action pour le salut du pays.
Loin s’en faut ! Rien n’indique objectivement qu’un démocrate, même auto-proclamé à la sauce d’un Choguel, d’un Moussa Sinko ou d’un Cheick Oumar, qui ont tous géré et quitté les affaires publiques, sans rendre compte publiquement de leur gestion publique, peut faire chemin avec un prédicateur religieux, adepte du culte de la personnalité.
Mais, on le voit, l’intérêt vital du pays, ils s’en contrefichent. Le saut à l’inconnu, qui est entrevu, à l’issue de cette alliance grotesque, est leur seul créneau, pour lequel ils sacrifient tout jusqu’à leurs propres valeurs et principes de la démocratie.
Et c’est justement sur ce registre que le peuple les attend. Et cela, en dehors de l’immense foule qui s’est dressée devant eux, ce jour de meeting, où le sort public de nombreux d’entre eux s’est scellé…
Oumar KONATE
La Preuve