Le constat est aberrant. D’un “État fort” sous le régime socialiste du président Modibo Keita, le Mali est passé malheureusement à un “État failli” avec Ibrahim Boubacar Keita.
À la fin des années 2010, après un quart de siècle d’efforts d’édification de la démocratie, les États sahéliens sont à la croisée des chemins. Et le plus grand défi pour nombre d’entre eux semble être le maintien même de leur intégrité territoriale. L’exemple le plus éloquent est celui du Mali, un pays désormais sous tutelle de la communauté internationale, avec un État incapable de contrôler une partie importante de son propre territoire. Jadis considéré comme un modèle de succès en matière de démocratisation, le pays de Modibo Keita (1915-1977), l’une des figures de proue des luttes d’émancipation et de l’Afrique progressiste, est aujourd’hui avec le régime IBK l’incarnation même de ce que d’aucuns appellent un « État failli », avec une armée à la peine face à divers groupes armés.
Certes, le pays dispose encore d’institutions caractéristiques d’une démocratie, c’est-à-dire un président de la République élu au suffrage universel, une Assemblée nationale où siègent des représentants élus du peuple, des conseils municipaux élus, une justice officiellement indépendante, une presse libre et plurielle, une multitude de partis politiques, une société civile active. Mais on peut se demander combien sont les Maliens qui croient encore que l’avenir de leur pays, ainsi que leur propre sort, dépend d’abord et avant tout de ces institutions dont l’existence constitue, malgré tout ce que l’on peut penser de leur efficience, une source légitime de fierté.
En effet, l’existence de ces institutions constitue, dans un contexte aussi difficile que celui que connaît le Mali, une raison de garder l’espoir ; car elle indique qu’il y a non seulement encore des acquis indéniables à défendre, mais aussi beaucoup de choses à conquérir pour que le peuple puisse vivre dignement. C’est le lieu de mentionner ici la résistance et la résilience remarquables du peuple malien qui, à travers des efforts quotidiens, empêche que le chaos qui règne au Nord s’installe partout dans le pays ; sans toutefois perdre de vue la fragilité à long terme de cette résistance et de cette résilience populaires, dans un contexte où les forces centrifuges tirent profit de l’incurie d’une clique au pouvoir profondément corrompue et insensible aux souffrances du peuple.
En 2017, les observateurs critiques de la scène politique malienne sont unanimes à souligner que, cinq ans après la fulgurante incursion des groupes armés djihadistes dans le Nord du pays, les mœurs politiques n’ont guère évolué dans un sens positif. Le régime du président Ibrahim Boubacar Keita, pourtant issu en août 2013 d’une élection jugée crédible, est tout aussi corrompu que ceux qui l’ont précédé.
La poursuite de la guerre contre divers groupes armés, djihadistes ou irrédentistes, apparaît clairement comme une bonne excuse pour l’État malien de se soustraire à son obligation d’offrir au peuple meurtri des services publics dignes de ce nom. La sécurité du pays est devenue l’affaire des armées étrangères. Et le bien-être des populations celle des ONG internationales. Du coup, le pays est géré sur des illusions par un régime médiocre et insensible à la souffrance des Maliens.
La Rédaction