Triste anniversaire que celui d’un coup d’Etat. Un an après le renversement du général Amadou Toumani Touré par les militaires, que faut-il retenir de la gestion de la crise institutionnelle, politique et sécuritaire qui a frappé notre pays ?
Il y a un an, plus exactement le mars 22, le pays a été précipité dans le chaos. A Kati où le ministre de la Défense, à l’époque Sadio Gassama, effectuait une visite dans le camp militaire Soundjata, il était pris à partie par la troupe qui, selon elle, réclamait de meilleurs moyens pour faire face à la rébellion armée touarègue déclenchée dans le nord du pays, le 17 janvier, par le Mouvement national de libération de l’Azawad. Cet incident matinal, faute de dialogue franc entre le Ministre et les militaires, va vite tourner à la mutinerie, et la troupe va marcher sur le palais présidentiel de Koulouba sans rencontrer de véritable résistance. Les mutins vont bombarder le palais et en déloger le président de la République. Amadou Toumani Touré va s’enfuir et se terrer à Bamako. La mutinerie va dégénérer en putsch, quelques officiers bien pensant ayant cru que c’était le meilleur moment pour faire main basse sur le pouvoir. Quelques heures plus tard, un peu après 04h du matin, le coup d’Etat était annoncé : la Constitution sera suspendue, les institutions dissoutes, de hautes personnalités arrêtées et conduites à Kati, quartier général des putschistes, où elles seront séquestrées. Le premier communiqué lu sur l’Ortm par le lieutenant Amadou Konaré, porte-parole du Cnrdre (Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat, c’est le nom de l’association des putschistes), dénonce « le pouvoir incompétent et désavoué de Monsieur Amadou Toumani Touré »
Pendant les jours qui suivront, les putschistes s’évertueront à justifier leur coup d’Etat par le fait que l’armée a été délibérément laissée pour compte, sous équipée, sous formée, mal nourrie alors que l’ennemi avait découvert son front depuis longtemps.
Les nouveaux maîtres vont-ils redresser la démocratie? Vont-ils restaurer l’autorité de l’Etat?
Moins de dix jours après leur intrusion sur la scène, le nord était entièrement occupé non pas seulement par le Mnla mais également par des groupes terroristes et jihadistes invités à l’hallali par les indépendantistes. Il s’agit principalement d’Ansar Eddine, du Mujao et d’Aqmi.
A Bamako, où la crise institutionnelle et politique a pris toute son ampleur, la classe politique et la société civile vont se déchirer avec, d’une part, les pro putschistes, et d’autre part, les anti putschistes. Sous la pression conjuguée de la communauté internationale et du front interne de refus, le chef des putschistes, Amadou Haya Sanogo, déclare renoncer à garder le pouvoir et promet de passer le flambeau à un civil sous son contrôle. Cette promesse est traduite, cinq jours plus tard, le 06 avril par un accord-cadre signé entre la Cédéao et le Cnrdre. La présidence par intérim fut confiée au président de l’Assemblée nationale, Dioncounda Traoré, conformément à la Constitution rétablie entre temps, après la démission effective du président ATT. Dioncounda Traoré sera investi pour un intérim de quarante jours. Tout le monde était content quand bien même le retour à l’ordre constitutionnel n’a jamais été effectif. En effet, cela suppose avant tout le rétablissement du président légitimement élu dans ses fonctions, lui, son Premier ministre et tous les membres de son gouvernement.
Comme pour prouver qu’on était loin d’un retour à une vie constitutionnelle normale, le président de la République est attaqué et bastonné par une foule en délire mais manipulée qui ne rencontrera aucun véritable obstacle à son projet d’assassiner Dioncounda Traoré, coupable à ses yeux d’avoir usurpé un pouvoir qui doit revenir de droit aux militaires putschistes. Il sera évacué en France pour des soins intensifs pendant plusieurs mois.
Entre temps, le Premier ministre de la transition imposé par la junte use de tous les pleins pouvoirs dont il se croit investi. Cheick Modibo Diarra crut tellement en ces pouvoirs et en ses protecteurs qu’il estima pouvoir se passer de l’avis de tout le monde dans la gestion des affaires de la nation. Commençant à échapper au contrôle des putschistes qui l’ont imposé, l’astrophysicien fut embarqué manu militari par des militaires qui le conduisirent à Kati où il fut contraint à la démission. Preuve que le capitaine Amadou Haya Sanogo avait toujours son mot, et pas un petit mot, à dire dans les décisions politiques. Pourtant, tout ce que le peuple, pro ou anti junte, attendait de lui, c’est qu’il aille se battre sur le front, lui et ses amis qui ont fait le coup d’Etat parce que la question du nord était mal gérée, selon eux, par ATT.
Il ne le fera pas. Au contraire, aux dires de certains, ses hommes s’apprêtaient à déposer le président Traoré, dont la résidence aurait été cernée le 09 janvier par des militaires, quand les groupes jihadistes et terroristes ont lancé leur offensive sur Konna, le verrou sécuritaire de la porte du sud. Le 11 janvier, l’opération Serval est déclenchée par la France, et mettra en déroute les groupes armés islamistes qui occupaient le nord. Avec l’aide des troupes tchadiennes et de la force Delta du colonel-major Alladji Gamou, les Français poursuivront et continuent de poursuivre avec succès les jihadistes et terroristes jusque dans leurs derniers retranchements de l’Adrar des Ifoghas.
Un an après le putsch, que faut-il retenir donc ?
Que les régions du nord et du centre ont été libérées en grande partie mais sans la participation effective de l’armée malienne qui doit encore attendre d’être formée et équipée. Que la démocratie n’a pas été redressée puisque la tenue d’élections crédibles et légitimes n’est toujours pas effective. Que l’autorité de l’Etat n’est toujours pas restaurée parce que dans la plupart des villes du nord et du centre, l’administration, symbole de l’Etat, et les populations sont toujours absentes. Pire, la ville de Kidal est toujours occupée par le groupe terroriste indépendantiste, le Mnla.
Le coup d’Etat du 22 mars 2012 n’aura donc servi à rien sinon qu’à diviser fondamentalement la classe politique, la société civile et même l’armée dont la chaine de commandement est rompue. Le coup d’Etat du 22 mars 2012 n’aura donc servi à rien sinon à imposer des militaires sur la scène politique où ils n’ont rien à faire. Le coup d’Etat du 22 mars 2012 n’aura donc servi à rien sinon à semer un climat de terreur dans un Mali devenu un Etat policier où des élus, d’anciens ministres, des acteurs politiques, des hommes d’affaires et des journalistes sont interpellés, arrêtés, séquestrés, torturés selon des procédures extrajudiciaires.
Le coup d’Etat du 22 mars 2012 a ramené le Mali 22 ans en arrière.
Cheick Tandina
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Mars 2012-mars 2013 : Un an de non droit
Par Bamada.net
25/03/2013