Le week-end dernier, ils étaient plusieurs milliers de Maliens, à battre le pavé de la place de la Liberté à la Bourse du Travail, au centre-ville de Bamako, pour dénoncer la «nomination» d’IBK comme Président de la République.
«Nous voulons un Président élu et non un résident nommé», pouvait-on entendre scander les soutiens de Soumaïla Cissé au nez des forces de l’ordre, venues encadrer la marche. Comme un rituel, les marcheurs sont, pour une énième fois, partis de la place de la Liberté pour la Bourse du Travail, itinéraire situé au centre-ville de Bamako. Tout le long du trajet, le message depuis les résultats provisoires du premier tour n’ont pas varié. «Il faut être constant. Beaucoup nous disent qu’on se rassemble chaque jour pour dire la même chose. Je leur réponds que c’est parce que nous savons ce que nous voulons et, donc, pas besoin d’inventer des choses pour essayer d’attirer les gens», explique un marcheur tout en sueur. Un peu plus loin de lui, dans cette foule compacte, c’est un groupe de jeunes qui exultent, se tapotent sur les épaules et se congratulent. Approchés, ils sont catégoriques : «Cette foule que nous voyons nous rassure sur notre victoire certaine dans quelques jours. Le bout du tunnel est proche. Notre combat pour le Mali et pour la Démocratie va afin porter ses fruits », disent-ils en cœur et tout en joie.
«Le balai citoyen malien»
Lors de la marche du samedi dernier, s’il y a une image qui a été plus saisissante que les autres, c’est bien ces dizaines de femmes qui ont fait irruption sur la place de la Liberté avec balais en main. Aussitôt arrivées, elles se sont mises à balayer le goudron. Les flashs des photographes et l’objectif des caméramans n’attendaient que ça pour immortaliser ce geste rarement vu lors d’une manifestation au Mali. «Le balai, on l’utilise pour nettoyer. Pour nous débarrasser des ordures, des déchets. C’est ce même symbole que nous mettons en avant pour dire qu’à travers cette marche nous voulons débarrasser notre pays de ce régime chancelant, au bord du gouffre qui pour nous représente tout ce que le balai est censé nettoyer », dit l’une d’entre elle. Partagé entre admiration et sourires, ce manifestant trouve cette idée d’apporter les balais très originale et l’apprécie bien. «Je ne sais pas quoi dire. Elles sont ingénieuses tout simplement. Vous savez quand un Peuple est acculé, il trouve tous les moyens pour faire passer son message pour ne pas avoir à utiliser le verbe qui peut souvent faire plus de mal. Nos femmes même dans nos traditions se sont servies des symboles pour faire passer des messages. Et quand je vois ça, je ne peux m’empêcher de penser au royaume bambara de Ségou au sein duquel les femmes se servaient des motifs sur les pagnes bogolan pour communiquer sans avoir à prendre la parole et le message passait. J’espère que ce régime a des personnes capables de déchiffrer ces messages pour les traduire fidèlement au fameux Mandé massa qui ne sait du Mandé que ce qu’il a appris dans le livre écrit par le blanc», a déclaré le manifestant.
Pour cet autre jeune manifestant, cette image des femmes, avec balais en main, n’évoque rien du passé lointain, mais plutôt un passé récent. Celui du mouvement « balais citoyens » du Burkina Faso. « Le balai citoyen conduit par de jeunes Burkinabés que sont Samse K. le Jah, Smokey Bambara et beaucoup d’autres, a contraint Blaise Compaoré, Président depuis 27 ans, à quitter le pays comme un moins que rien. On peut avec ces femmes dire que nous avons aussi notre balai citoyen».
Aux côtés de ceux qui exhibaient des pancartes sur lesquelles l’on pouvait lire «Respectez le vote des Maliens», «Non à la fraude électorale», etc., il y avait ces femmes qui, pour certaines, portaient sur la tête des marmites. Des marmites pour certainement faire un clin d’œil à cette fameuse phrase des Camerounais: «Dans la sauce» qui était employée lors de la dernière CAN à chaque fois que les Lions indomptables battaient un concurrent. Et, on le sait, le Cameroun a remporté la CAN.
La tentative de sabotage ?
À 24 heures de la marche, le Gouverneur du District de Bamako n’avait pas encore donné son feu vert. C’est au-delà de minuit que des internautes ont commencé à relayer l’information selon laquelle la marche avait été autorisée. Pourquoi attendre si tardivement pour faire connaître que la marche est autorisée? «L’idée c’était de démobiliser nos partisans et faire croire que nous n’avons personne pour soutenir notre combat », dit un cadre de l’URD. Mais au vu du Public sorti nombreux, il faut croire que la non-approbation de la marche par le Gouverneur ne risquait pas d’entamer l’ardeur des marcheurs. «Nous n’allions pas nous laisser faire. La marche est un droit consacré par la Constitution. Ce n’est pas un Gouverneur sujet de droit comme nous qui va se hisser au-dessus de la Constitution pour nous empêcher de respecter ce qui est inscrit dans nos normes démocratiques. Une Démocratie chèrement acquise », dixit Moussa Sidibé, membre du Collectif pour la Défense de la République (CDR).
Une autre tentative de sabotage a été, selon Soumaïla Cissé, mise en œuvre par le Régime. «Ils ont coupé le pont pour empêcher nos nombreux soutiens de la Rive Droite de rallier la marche. La peur et la panique ne leur quittent plus. Ils ont compris que le Peuple est désormais debout pour réclamer sa victoire, notre victoire».
Mohamed Sangoulé DAGNOKO : LE COMBAT