Pour la troisième fois consécutive cette année, les militants des syndicats d’enseignants signataires du 15 octobre 2016 étaient dans les rues de Bamako et de plusieurs capitales régionales pour réclamer l’application de l’article 39. À Bamako, la marche a tourné au vinaigre. La manifestation pacifique s’est transformée en une scène de guérilla quand les policiers ont fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser les marcheurs.
D’habitude, les marches organisées par les syndicats de l’éducation démarrent au niveau de la Place de la liberté pour prendre fin au monument de l’indépendance. Pour la marche d’hier mercredi, les enseignants ont voulu changer d’itinéraire en mettant le cap sur la Primature comme destination finale au lieur du Monument de l’indépendance. Un changement d’itinéraire que les forces de l’ordre n’accepteront pas. Ces derniers, qui ont d’abord tenté d’en dissuader les marcheurs, ont finalement fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants. Les enseignants ont répliqué avec des jets de pierres et des barricades.
Cette marche, qui a mobilisé quelques milliers d’enseignants, est partie de la Place de liberté. La plupart des marcheurs étaient habillés en rouge et tenaient des vuvuzelas. Les manifestants avaient décidé de changer l’itinéraire de la marche pour aller jusque devant la cité administrative. Tout au long du trajet, l’on pouvait lire des slogans sur les banderoles tenues par les enseignants : ‘’ouverture inconditionnelle des écoles’’ ; ‘’une école fermée est égale à 10 prisons ouvertes’’ ; ‘’nul n’est au-dessus de la loi’’ ; ‘’l’application de l’article 39’’ ; ‘’ l’intoxication ne peut rien résoudre’’ ; ‘’l’État n’est pas une propriété privée de Boubou Cissé’’…
Ces mêmes slogans étaient scandés par les marcheurs qui se montraient déterminés malgré les différentes stratégies adoptées par les autorités pour les affaiblir.
Tout allait pour le mieux entre les marcheurs et les forces de l’ordre jusqu’au niveau du Monument de l’indépendance quand les enseignants ont tenté de franchir le Rubicon. Sachant déjà que l’intention des marcheurs était d’aller jusqu’à la Cité administrative, les forces de l’ordre ont vite établi une impressionnante ceinture de sécurité pour bloquer tout passage.
Au moment où les enseignants se regroupaient pour conjuguer leurs efforts et forcer le passage, les policiers ont vite fait usage des gaz lacrymogènes. Pris en piège entre deux groupes de policiers, les marcheurs se sont dispersés et c’était le sauve-qui-peut. Certains ont été blessés et beaucoup d’autres ont eu des soucis avec l’odeur du gaz qu’ils ont aspiré. Beaucoup de manifestants ont purement rebroussé chemin pour rentrer à la maison, tandis que d’autres ont tenté de faire face aux forces de l’ordre.
Pendant des minutes, une scène de guérilla s’est instaurée entre les deux parties. Pendant que les policiers utilisaient les gaz lacrymogènes, les manifestants ripostaient avec des cailloux. La scène a duré des minutes et a obligé les commerçants des alentours à fermer leurs boutiques.
Dans la déclaration élaborée pour cette marche, qui n’a pas malheureusement été lue, les syndicats signataires du 15 octobre 2016 dénoncent le mépris du Premier ministre Boubou CISSE ; la légèreté et le laxisme du gouvernement lors des négociations ; le refus manifeste du gouvernement d’appliquer une loi de la République.
Ils lancent un appel solennel à toutes les associations, à tous les patriotes, à tous les républicains, à tous les démocrates et à tous ceux qui sont soucieux de l’école et du devenir du Mali à se joindre à eux pour faire appliquer la loi.
Toujours dans ladite déclaration, les enseignants exigent l’application immédiate de l’article 39 de la loi N° 2018-007 du 16 janvier 2018 portant statut du personnel enseignant de l’enseignement secondaire, de l’enseignement fondamental et de l’éducation préscolaire et spéciale.
« Nous syndicats de l’éducation signataires du 15 octobre 2016, venons par la présente déclaration, prendre à témoin l’opinion nationale et internationale de la volonté du gouvernement de violer les conventions 87 et 98 que le Mali a souverainement ratifiées. Nous tenons à dire et à réaffirmer au gouvernement que nous avons toujours été ouverts au dialogue et entendons rester dans cette dynamique. Nous ne craignons ni intimidations ni menaces de toutes nature dont nous faisons l’objet de la part du gouvernement. Nous sommes déterminés à utiliser tous les moyens légaux pour l’application de l’article 39 », peut-on lire dans la déclaration dont nous nous sommes procuré une copie.
En plus de la non-application de l’article, le Premier ministre en a rajouté à la colère des enseignants, en instruisant la retenue sur les salaires des enseignants sur les périodes de grève. Déjà, il a été décidé de faire une retenue de salaire de 19 jours sur les salaires des grévistes. Pour cela, le mois de février, les enseignants n’auront droit que de 11 jours de salaire. Hier, encore les enseignants n’avaient pas touché leur salaire pour ces 11 jours de travail. Ils trouvent que cela est une autre violation de la loi de la part de l’État.
PAR MODIBO KONE
INFO-MATIN