Dans un manifeste publié le jeudi dernier, l’imam Mahmoud Dicko lance ni plus ni moins un appel à sauver le Mali. « Sans réaction collective maintenant, écrit-il, l’État qui nous gouverne n’a plus de sens».
Un constat qui le conduit à vouloir réconcilier les Maliens. Il propose donc un nouveau “pacte républicain” et s’engage à « bâtir des passerelles entre acteurs civils et armés ».
En tout cas, difficile de dire quelles sont les intentions du leader religieux qui opte dans ce texte pour une rhétorique politique, à commencer par le choix du mot « manifeste ».
Prend-il ses distances avec les militaires qu’il a jusque-là soutenus ? «Pas forcément», assure le sociologue Brema Ely Dicko, mais c’est un rappel qu’il veille au grain et surveille la Transition, quitte à reprendre son bâton de pèlerin. Ce texte n’a pas pu être écrit à l’insu des militaires, estime pour sa part Gilles Holder, spécialiste de l’islam malien. Mais plus que la caution de l’ex-junte, ce qui compte pour Holder, c’est le calendrier choisi et l’intention.
Que signifie vraiment le manifeste de l’imam Mahmoud ?
Le texte ressemble fort à un message au président Macron à la veille du sommet du G5 Sahel à N’Djamena. Un message qui rappelle à la France l’importance de discuter avec les groupes armés et surtout de rappeler l’importance capitale d’une reprise de la mission de bon que l’imam Mahamoud Dicko à piloter dans le passé. Mais au nom de quelle immunité et de quelle complaisance l’imam Dicko a publié son manifeste ?
En tout cas, le fait est si rare qu’on ne se souvient pas que l’imam Dicko ait rédigé un manifeste en plusieurs décennies d’observation politique. Il est du genre austère, sectaire, vindicatif et très négatif. Aussi, on s’empresse donc de vous soumettre et de vous proposer d’en juger.
Ce chef religieux, Mahmoud Dicko, Imam de profession de surcroît, ex patron du Haut Conseil Islamique du Mali (HCIM), censé être l’icône de la foi et de la morale, homme de Dieu et au service des valeurs morales, est malheureusement un spécialiste de la victimisation, grand donneur de leçon devant l’éternel, de la bonne gouvernance. Cet activiste religieux notoire et inconsolable qui, pour paraphraser Winston Churchill, ne prêche pas ce qu’il pratique et ne pratique pas ce qu’il prêche est l’un des derniers adeptes de Nicolas Machiavel.
Pour cet Imam, dit-on très respecté et très vénéré (sauf que la vénération n’est du qu’à Allah) qui a transformé sa mosquée en salle de meeting, il faut «contenter le peuple et ménager les grands, voilà la maxime de ceux qui savent gouverner ». Puisqu’il s’est juré de gouverner ce pays, il applique à la lettre les préceptes du Florentin : «Gouverner, c’est faire croire ». D’où le lieu pour lui de rédiger son manifeste
Dans la légende qu’il s’est bâtie : c’est grâce à lui en 2012 que les occupants du Mali ont fait preuve de mansuétude en coupant pas davantage de mains de voleurs, en ne flagellant pas plus de transgresseurs et en ne lapidant plus de fornicateurs ; en 2013, c’est lui qui a fait élire le président IBK qu’il a ensuite éjecté de son fauteuil ; l’apaisement au centre c’était grâce à lui ; et la remise du dialogue avec les leaders djihadistes, ses frères, c’est encore grâce à lui…
Donc comme son mentor et précepteur de cette transition, il estime que « rien n’est aussi désespérant que de ne pas trouver une nouvelle raison d’espérer » et donc le moment venu pour reprendre du service : la mission de bon office pouvoir. Quitte à travers une conjonction de solutions de sortie de crises énumérée dans un manifeste… pour appâter ce régime de transition qui ne tiendrait que grâce à son bon vouloir.
L’imam Mahamoud Dicko après sa croisade contre le régime d’IBK, ne sait plus quoi faire et quoi dire. De manière inconsidérée et injustifiée, cet autoproclamé procureur, adepte affirmé de la confrontation violente, assuré de son impunité, semble ne même pas ne s’est en fait jamais préoccupé un seul instant des conséquences de ses actes et de ses appels à une insurrection.
Tout ce qui compte pour lui, c’est le pouvoir. Peu importe la manière. Après tout, y a-t-il une manière élégante de mettre un clou dans le bois ? Que nenni ! Après le maquis de Sade, une autre de ses références n’a-t-il pas dit que “Le pouvoir est par nature, criminel.” ?
L’agenda caché de l’imam Mahamoud
En 2012, après le Coup d’État contre ATT, lors d’une mission menée au Burkina Fasso, l’Ex Président Blaise Comparé se serait exclamé ainsi devant la délégation: « messieurs, vraiment votre pays-là ! L’officier que vous avez envoyé pour vous représenter est venu négocier sa propre situation. Votre Imam aussi M. Mahamoud Dicko est venu me dire qu’il serait un bon Président de la Transition, surtout que son grand-père lui avait prédit cela. »
Comme on peut le voir, il ne date pas d’aujourd’hui l’ambition et le projet de notre grand Imam Mahamoud Dicko de chercher par tous les moyens à faire d’une prédication chimérique de grand-père une réalité à imposer au peuple malien.
Tout le monde le créditant d’une proximité voire d’une complicité habituelle avec Iyad au moment de l’occupation, l’ex PM Cheick Modibo Diarra, de bonne foi, lui avait confié la mission de médiateur, où il a envoyé son bras droit le vieux Yacouba Siby récupérer et ramener les militaires prisonniers en passant par Gao et Tombouctou en toute sécurité.
À l’époque c’est le colonel Amara Doumbia, le Commandant de Zone de Mopti qui vient d’être relevé, faisait partie du groupe. Aujourd’hui certains d’entre eux viennent saluer le vieux Siby dont les enfants de Iyad fréquentaient l’école franco-arabe à Banankabougou.
C’est pour vous dire que l’Imam Mahamoud Dicko a toujours été complice de cette situation d’insécurité avec les djihadistes et y a toujours voulu tirer son épingle du jeu sur tous les plans.
En novembre 2015, après l’attaque de l’Hôtel Radisson Blue, il a profité de cette situation pour faire l’apologie du terrorisme en minimisant l’acte et le nombre de morts. À l’époque, il a dit sans être inquiété que : «…Nous devons tirer les leçons des attentats à Paris, comme à Bamako, à Tunis ou ailleurs dans le monde … Dieu est en colère. Les hommes ont provoqué Dieu. Les hommes ont provoqué Dieu. Ils ont demandé et exigé même la promotion de l’homosexualité.
« …Les terroristes nous ont été envoyés par Dieu pour nous punir de la promotion de l’homosexualité, importée d’Occident et qui prospère dans notre société. » Tout le monde se souvient à cette époque de la sortie du juge Daniel Tessougué qui a payé de sa carrière son courage d’alerter sur la dangerosité de Dicko.
Après la nomination du Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga, qui dit-il est son ami, il s’est battu auprès de ce dernier pour renouveler sa mission de bons offices auprès des djihadistes Iyad et Amadou Kouffa. En bonne et due forme, une commission a été mise en place et gravement arrosée pour le seul plaisir de l’imam. Il a même été approché par Sébastien Chadaud-Pétronin dont la mère Sophie Pétronin vient d’être libérer par ses ravisseurs. Il était question de sous de gros sous… avec un échancrer pour libérer la vieille dame avant que la France ne fasse pression pour le sortir du dossier. C’est le fils même de Sophie qui le raconte dans son livre « Ma mère, ma bataille ».
Il est allé jusqu’à accuser la France d’avoir éliminé Cheik Ag Aoussa à Kidal par l’explosion de sa voiture sur une mine pour faire échouer sa mission, parce qu’ils savaient qu’il avait pu établir le lien entre lui et Iyad. Voici ce qu’il a raconté à Jeune Afrique en décembre dernier à ce sujet : « Les seuls interlocuteurs connus étaient Iyad Ag Ghaly et Amadou Kouffa. Kouffa nous a fait savoir qu’il suivait ce que disait Iyad, donc je n’ai pas échangé avec lui. J’ai donc transmis un message à Iyad Ag Ghaly. Celui qui était en charge de la liaison était Cheikh Ag Aoussa. Un jour, Ag Aoussa m’a appelé. Il m’a dit qu’il avait transmis ma commission, que son destinataire avait accepté ma requête et qu’il voulait trouver une solution au problème. Le jour même de cet appel, Cheikh Ag Aoussa était pulvérisé dans sa voiture à Kidal. »
À en croire Mahmoud Dicko, Cheikh Ag Aoussa l’aurait contacté le 8 octobre 2016 pour lui dire qu’Iyad Ag Ghaly acceptait de dialoguer avec les autorités maliennes. Problème : il n’avait alors pas encore été mandaté par le chef du gouvernement. « J’étais déjà en mission officieuse pour l’État. Ce n’est qu’à l’arrivée d’Abdoulaye Idrissa Maïga à la Primature [en avril 2017] que celle-ci est devenue officielle », explique-t-il à JA.
Le Monsieur « il faut que je devienne président » est devenu presque fou quand des liens solides de complicité ont été établis par les services de renseignement du monde entier entre lui et les milieux terroristes, mettant ainsi fin à sa mission des bons offices, où, dit-on, il avait un budget de presque huit cent (800) millions de francs CFA. Un lâchage qu’il n’a jamais pardonné au successeur de Abdoulaye Idrissa Maïga qu’il a combattu jusqu’au limogeage de ce dernier en avril dernier.
Sans la cagnotte de la Commission des bons offices et sans la préséance du Haut Conseil Islamique, le Grand Dicko est un Imam d’une petite mosquée de quartier comme les autres. Et ça c’est inadmissible pour celui qui se prédestine Président ! Donc à son départ de la présidence du HCIM il choisit d’investir le terrain politique. Ce qui l’a obligé à parrainer, en fait créer, son Mouvement de soutien politico-religieux par son homme de main, le fameux sulfureux Kaou Djim.
L’imam Dicko
Avec cette transition, M. Dicko se trouve isoler encore et encore, alors pour exister il met le destin du Mali sur la balance à travers des élucubrations, des déclarations légères, complaisantes et gravissimes contenues dans un manifeste.
Dans cette grande désinvolture, avec parcimonie et habilité et sans la moindre hésitation sur les faits, il déclare en ces termes : « Si nous ne réagissons pas maintenant, activement et collectivement, l’État qui nous gouverne n’a plus de sens. Il faut sauver le pays… ».
Mais voilà, le Mali est un pays à part ! Sinon dans tout autre pays du monde, pour une cette forfaiture, cette bourde coûteuse, cette erreur de jugement, Mahmoud Dicko allait être interpellé, jugé et condamné. Car rien ne justifie une telle sortie d’un cynisme et d’une brutalité sans pareille. Sans oublier que Bandjougou Doumbia n’a pas parlé par voix de presse ! Et d’autres sont partis en prison pour moins que ça (Aboul Niang, Bouba Fané, Tiégoum B. Maïga). Au nom de quelle immunité ou quelle complaisance d’État, Mahmoud Dicko serait-il épargné de toute poursuite ?
Dans ces conditions, la question est : jusqu’où l’Imam activiste peut-il et va-t-il aller ? Les Maliens qui ne sont pas naïfs vont-ils se massacrer comme au Rwanda pour que Mahmoud Dicko soit président parce que son grand-père l’a prophétisé ?
Seul le temps nous en dira de plus.
A. Diallo
Source: Journal le 22 Septembre- Mali