Qu’il soit du marché régulier ou du marché noir, n’importe quelle affaire, plus ou moins louche, se noue autour du téléphone mobile sur la place, communément, appelée ‘Malitelda’, située en plein centre du District de Bamako. Sous un soleil de plomb, vers 14 heures, atmosphère de grande confusion, de désordre accompagné de beaucoup de bruits discordants…Nous sommes au ‘Malitelda’.
La place a été déguerpie, il y a trois ans, au moment de l’organisation du dernier sommet Afrique-France à Bamako. Cette opération a conduit certains vendeurs de ‘Malitelda’ à s’installer dans une partie de la cour du Carrefour des jeunes. Depuis, des stands pour téléphones mobiles et accessoires, ont repris leurs droits dans la rue, créant une ambiance de marché informel et ouvert sur un passage de moins de deux cents mètres. L’épisode du déguerpissement semble n’avoir pas affecté l’essor de leurs affaires. « Je pouvais gagner, avant le déguerpissement, souvent, plus 200.000 Fcfa. J’ai construit ma maison. Je me suis marié, j’ai des enfants…C’est à ‘Malitelda’ que j’ai pu me faire une vie… », confie Y.K, la mine pas franchement réjouie. Du haut de ses 45 ans, ce vendeur d’accessoires et de téléphone mobile signale qu’il opère à ‘Malitelda’ dès les premières heures de l’installation du marché. Si c’est la morosité des activités commerciales, contrairement à un passé récent, comme le regrette Y.K, le tohu-bohu du site y demeure.
« Laisses la ! Je suis le premier à l’accoster ». Deux jeunes se chamaillent autour d’une cliente, visiblement à la recherche d’une tablette pour son enfant. Des clients se faufilent entre les échoppes et stands. D’autres s’arrangent les cheveux dans un salon de coiffure pour homme qui se dresse près de la petite porte menant à la rue principale, en face de l’ancien siège de la société de téléphonie Malitel, celle-la même qui donne son nom à ‘Malitelda’. « Les clients ne manquent pas. Au-delà de mes clients attitrés d’ici, qui sont des commerçants, d’autres venus faire des achats ou des ventes se coiffent aussi», souligne le coiffeur, en train de peigner un client. Il ne tient pas, spécialement, à communiquer son nom.
Au dehors, dans la rue, un monde de tout, tout une légion de vendeurs d’accessoires, réparateurs, ‘troqueurs’ et vendeurs de téléphones mobiles de tout genre (neuf ou de seconde main) et de toute marque. Le marché est devenu, par extension, celui des chaussures d’occasion, de transfert, de copie de sons et de vidéos, de panneaux solaires…Bref, un lieu propice à toutes sortes de business aux allures louches, donnant impression d’un marché noir, au regard des opérations qui s’y déroulent.
« C’est à vendre ?…vous avez à troquer?…Vous voulez un téléphone?… votre téléphone a-t-il une panne?…venez par ici…venez par là… », c’est dans ce tintamarre de questions et de méthodes d’approche que nous nous arrivons sur à ‘Malitelda’. Des stands tout au long de la voie bitumée. Quelques étals de vendeurs de téléphones d’occasion et des stands d’accessoires et de téléphones neufs, au point de rétrécir le passage. Les usagers, entre embouteillage, concert de klaxons de voiture et de moto, cris, sons des musiques, vendeurs ambulants et tiraillements de jeunes commerçants de téléphone, arrivent, quand même à jeter un coup d’œil aux produits exposés.
« Non… essaie de voir… il faut ajouter un peu à 50.000 Fcfa », un jeune d’une vingtaine, au look de rappeur et un vendeur discutent autour d’un téléphone de marque très prisé de la jeunesse. Le jeune voulait vendre cet appareil, visiblement, de seconde main. Alors qu’un commerçant nous tient fermement la main pour aller nous montrer ses marchandises, deux filles, en tenue sexy, sont en discussions très animées pour opération de troc d’un téléphone. « Nous voulons troquer notre phone contre le dernier de… », disent-elles au vendeur de téléphones neufs devant son stand, à l’angle, sous l’arbre.
Plus loin, nous arrivons aux jeunes qui font le transfert de sons et de vidéo. « Généralement, je transfère la musique à 50 Fcfa le morceau, mais il m’arrive, parfois, de faire des réductions à mes clients fidèles…t 200 Fcfa par film… », dit Gaoussou Gassambara, âgé de 26, assis derrière son ordinateur avec enceintes, qui arrose de musique les passants. Avant de nous indiquer qu’il est joueur de football, gardien de but du club le Réal de Bamako. « Je viens opérer, ici, dans ce petit business pour me faire un peu de sous, avant mon heure des entraînements ».
Dans la rue adjacente, se tiennent des stands des grossistes d’accessoires de téléphones portables et tablettes. Là aussi, les clients se ruent. Les détaillants viennent s’approvisionner dans ces stands. De l’autre côté, en face de la voirie, les panneaux solaires sont exposés. « On ne peut pas dire qu’il y a beaucoup de marché comme dans le domaine du téléphone, nous avons cas même nos clients… », reconnait Ousmane Diarra, vendeur de panneaux.
De l’autre côté, sur le pourtour du Carrefour des jeunes faisant face au Musée de Bamako, on a le sentiment d’être agressé par des réparateurs de téléphone qui demande si c’est pour une réparation ou un appareil à vendre ou à troquer. Ces réparateurs sont installés les uns à coté des autres, derrière leur table avec vitre, contenant quelques téléphones d’occasion.
A Malitelda, c’est un marché qui semble rentable pour ceux qui le fréquentent. Chacun trouve son bonheur à part. De toutes les façons, faire le tour ici donne l’impression d’être dans un autre monde. Un coin hors-la-loi ? Peut-être bien que oui, peut-être bien que non ! Toujours est-il que le site a son président. Ce dernier joue le rôle du responsable syndical. Il était absent à notre passage.
OD/MD
Source: AMAP