À peine plus de trois mois après la présidentielle, les Maliens retournent dimanche aux urnes pour élire leurs députés. Une élection qui doit parachever le retour à marche forcée du pays vers la légalité, après le coup d’État de mars 2012 et la guerre contre les mouvements islamistes. Marraine de ce processus ultrarapide et inédit, la communauté internationale se veut confiante. La France, d’abord très impliquée dans le soutien à l’organisation de scrutins, s’est faite, cette fois, discrète. «Nous n’avons pas à nous exprimer. Il y a un président élu et des institutions», dit-on à Paris. Car le succès indéniable de la présidentielle, qui a vu Ibrahim Boubacar Keïta, dit IBK, l’emporter sans accroc face à Soumaïla Cissé, n’empêche pas les questions de s’accumuler autour de ce second volet électoral, qui sonne comme un premier test pour le nouveau pouvoir.
La sécurité dans le nord du pays, un temps sous le joug islamiste, reste fragile. La chute de trois roquettes artisanales jeudi à Gao démontre que les groupes armés, s’ils ont été considérablement affaiblis par l’offensive de l’armée française, ont encore un pouvoir de nuisance. «Nous ne sommes pas à l’abri d’une action d’éclat d’une faction, notamment du Mujao à Gao, pour tenter de saboter l’élection», analyse un expert en sécurité. Kidal, la «capitale» touareg, échappe encore très largement au contrôle de l’État. Le vote y a certes été préparé, sans difficulté pour l’instant, et les leaders locaux y sont impliqués. Mais, contrairement à la présidentielle, aucun des chefs politiques maliens n’a osé venir y mener campagne, signe que l’euphorie est retombée.
«Consensus à la Malienne»
À Bamako, devant les bureaux de vote, la foule était maigre vendredi. Ibrahima traînait sans vraiment chercher son nom sur les listes. Électeur enthousiaste d’IBK à l’été, il ne savait pas s’il voterait cette fois. «Il n’y a pas de changement. On ne comprend plus», râlait-il. Les trop grandes espérances mises dans la nouvelle présidence ont provoqué, chez beaucoup, une forme de désenchantement. «Il est évident que le taux de participation sera beaucoup plus bas que celui historique de 50 % atteint lors du la précédente élection», assure le professeur de sciences politiques Nohom Traoré.
Le mode de scrutin peu clair n’aide pas à susciter le civisme. Ce vote majoritaire par listes et par préfectures a conduit les barons locaux à nouer des alliances temporaires étranges. «Il y a des associations contre-nature qui agacent les électeurs», souligne Nohom Traoré. Ainsi il arrive que le parti d’IBK soit associé sur une liste avec celui de l’opposant déclaré Soumaïla Cissé, contre des listes de mouvements qui leur sont officiellement alliés.
En creux, bien des électeurs redoutent de voir renaître le «consensus à la Malienne», un système où tout le monde soutenait le pouvoir. Longtemps salué par l’Occident, cet unanimisme, faute de garde-fous, a conduit à une corruption généralisée et à l’effondrement de la démocratie.
Dans l’entourage d’IBK, on assure «ne pas vouloir refaire les mêmes erreurs». «Tout ce qui nous intéresse est d’obtenir une majorité stable.» La tâche ne sera pas forcément simple, comme le souligne le professeur Momouni Soumano, directeur du Centre malien pour le dialogue interpartis et la démocratie. «La situation est délicate pour le pouvoir en ce moment. On se rend compte de la faiblesse de l’État qui ne parvient pas à rétablir l’ordre à Kidal ni à provoquer de sursaut.»
Source: LE FIGARO