Le « chef de file » de l’opposition au Mali, Soumaïla Cissé, espère à 68 ans couronner une brillante carrière politique en l’emportant pour sa troisième participation à une élection présidentielle.
Présent au second tour en 2007 et 2013, « Soumi », comme le surnomment ses partisans, se détache parmi les 23 challengers du président sortant, Ibrahim Boubacar Keïta, qui briguera pour sa part un second mandat de cinq ans.
Le ton posé, il est presque professoral lors de ses meetings, comme jeudi à Mopti (centre), où il promet le retour de la paix dans cette région où règnent depuis trois les violences intercommunautaires et se succèdent les attentats jihadistes, malgré la présence au Mali de troupes étrangères, notamment française, et d’une importante mission de l’ONU.
« Pendant la campagne, du nord au sud, de l’est à l’ouest, j’ai fait un constat: il y a un fort désir d’alternance. Mon projet de société a pour but de réparer le Mali, abîmé par les années IBK », dit-il en égratignant le chef de l’Etat sortant, de cinq ans son aîné, qu’il accuse en outre de vouloir organiser une fraude à grande échelle.
Son programme, « chiffré » et d’inspiration libérale, se fonde notamment sur « la restauration de l’autorité de l’Etat » et « l’instauration d’un véritable dialogue entre les Maliens ».
Cet intellectuel plutôt débonnaire entend aussi « réduire le train de vie de l’Etat » en supprimant voyages et réunions inutiles. Et il avance quelques mesures qui se veulent populaires, comme la suppression de la vignette sur les motos et de taxes sur le bétail, contre-productives selon cet ex-ministre des Finances.
Malgré l’absence de sondages fiables et son manque de charisme en public, « il est évident qu’il figure en bonne place parmi les candidats du peloton de tête », analyse avant le premier tour de dimanche Ousmane Diallo, enseignant à l’université de Bamako, qui affirme que sa principale qualité est « son côté brillant ».
– « Pas de leçons à recevoir » –
« Il y a, c’est vrai, le complexe de l’intellectuel. Mais j’ai milité très tôt. Je ne reste pas assis dans un bureau. Pour la démocratie au Mali en 1991, j’étais là. En 2012, lorsqu’un putsch a interrompu le processus démocratique, j’étais là aussi. Je n’ai pas de leçons de militantisme à recevoir de grand monde », a-t-il récemment confié à l’AFP.
Farouche opposant au putsch du 22 mars 2012 qui a plongé son pays dans le chaos, il avait été brutalement arrêté par les hommes du capitaine Amadou Haya Sanogo. Blessé lors de cette arrestation, à son domicile de Bamako, qui a été saccagé, il a dû aller se faire soigner en France.
Cet homme élégant d’1,75 m environ et au visage rond est originaire de la ville de Niafunké, dans la région de Tombouctou, dans le vaste Nord malien occupé pendant près de dix mois par les jihadistes, mais il est marié depuis 1978 à Astan Traoré, issue d’une famille de notables du Sud.
Soumaïla Cissé a fait des études brillantes et a eu un parcours professionnel et politique exceptionnel, qui l’ont conduit jusqu’à la présidence de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa) de 2004 à 2011.
– Battu deux fois –
En France, il a travaillé au sein de grands groupes tels que IBM, Péchiney, ou Thomson. Il rentre au Mali en 1984 et intègre la Compagnie malienne pour le développement du textile (CMDT), alors colonne vertébrale de l’économie du pays. Il est considéré comme le chef du « clan CMDT », composé d’intellectuels maliens bien décidés à jouer un rôle politique.
A l’élection en 1992 d’Alpha Oumar Konaré comme chef de l’Etat, il est nommé secrétaire général de la présidence, puis ministre des Finances (1993-2000), avant de devenir « super ministre » en charge de l’Equipement, de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement et de l’Urbanisme.
En 2002, il est le candidat de l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adéma), formation présidentielle et plus grand parti du Mali: il arrive au second tour face à Amadou Toumani Touré, qui l’emporte.
Avant de prendre la présidence de la Commission de l’Uémoa, il a créé en 2003 son propre parti, l’Union pour la République et la démocratie (URD), aujourd’hui deuxième force politique à l’Assemblée nationale, ce qui lui vaut le titre de « chef de file » de l’opposition.
En 2013, il accède une nouvelle fois au second tour de la présidentielle, mais est battu à plus de 70% par Ibrahim Boubacar Keïta.