Au Mali, il y a deux postures : ceux qui sont pour la célébration de la fête de l’indépendance, et ceux qui pensent qu’elle ne sert à rien. Voici un billet écrit en 2014 et à peine actualisé, qui contient des réflexions que je souhaite repartager.
22 septembre 1960, le Mali, l’indépendance… A l’époque, c’est la folie, l’euphorie, le miracle. Le temps des espérances, des discours qui retentissent de patriotisme jusque dans les mentalités.
Le rêve de liberté devient réalité pour tout un peuple, fier de ceux qui vont prendre leur avenir en main. Le rêve de former une fédération avec le Sénégal a pourtant volé en éclats, apportant de la plus belle manière la preuve que ces « poussières d’État » du continent africain sont condamnées à vivre dans un repli sur soi. Qu’on ne s’y trompe pas, ce n’est pas un énième plaidoyer pour une Afrique unie, mais un simple constat.
Le Soudan devient le Mali, avec Modibo Keïta comme président. D’abord, il y a eu ce rêve de construction d’une société socialiste, qui a laissé des traces un rien douloureuses dans les cœurs et les esprits. Puis, très vite, cela a été la déception, la confiscation des rêves, le coup d’État. Le régime Kaki, le pilotage à vue du pays, les emprisonnements, les tortures, les intimidations.
Pays en lambeaux
Aujourd’hui, 22 septembre 2014, le Mali célèbre le 54e (59e en 2019) de son indépendance. Un rendez-vous qu’on honore chaque année dans le pays par des évènements officiels, des conférences, des articles, des émissions télévisées. 59 ans après le départ de la puissance coloniale, « La dépendance est plus que dense », pour reprendre le constat amer d’un célèbre groupe de rap malien. Le pays est en lambeaux, compartimenté du fait de la faillite dans sa gestion territoriale. Le pays est malade de ses dirigeants actuels et passés qui, curieusement, ont jeté aux mites, enterré les belles promesses de l’indépendance. Le Mali est en retard sur de nombreux plans. La rébellion a placé le tissu social sous le coup d’une menace permanente. Autant dire que c’est un constat humiliant : le bilan est des plus lamentables.
Partout ou presque, la colère et la haine grondent contre les tenants des leviers du pouvoir. Aucun n’est parvenu à atténuer la souffrance des peuples qui, aujourd’hui, pleurent et déplorent que les choses ne soient pas comme elles devraient être avec l’indépendance. Les peuples en viennent à penser et à se dire que ce fut une sacrée indépendance !
Liberté gâchée
Oui, bien sûr, ce n’est pas parce que nous venons de traverser une tragédie nationale qu’il ne faut pas arrêter de se lamenter. L’image d’un pays qui s’est englué dans le désastre ne doit pas faire oublier que cette date du 22 septembre 1960 est importante pour tous les Maliens et Maliennes.
Balayer l’indépendance d’un revers de manche reviendrait à « cracher » sur la joie, l’euphorie qu’a ressenti tout un peuple il y a 54 ans, parce qu’il venait de triompher de la colonisation, parce qu’il venait de renverser le mythe de « la suprématie civilisationnelle ». Ces femmes et ces hommes étaient devenus des femmes et des hommes pareils aux autres : libres. C’est ce qui est venu après l’indépendance, c’est-à-dire cette série d’échecs, qui a transformé l’Histoire. Il ne faut pas l’oublier, malgré le pessimisme, le drame, les déceptions que nous sommes en train de vivre.
Ceux qui sont nés depuis l’avènement de la démocratie malienne, comme moi, n’ont connu que corruption, favoritisme, népotisme et péculat. Ils peuvent, dans leur colère, se demander à quoi a servi l’indépendance. Ils peuvent dire que c’est une liberté qui a été gâchée, une liberté dont ils ont été abusés, car ils se sentent vivre dans un État « qui n’apporte rien au peuple»(Ibrahima Ly, Toiles d’araignées, qui « opprime et humilie…», où « le pouvoir se partage entre les parents ». Ce qui fait dire qu’au Mali « il faut rééduquer le peuple, lui donner une patrie différente de la famille.»
Sacrée indépendance !
Source: Benbere