Ibrahim Boubacar Keïta a fêté, jeudi, devant près de 50 000 personnes, au stade du 26 mars à Bamako, sa seconde investiture à la présidence du Mali. Retour sur les temps forts de cette journée historique à laquelle une vingtaine de chefs d’État a assisté. Quelques absents, beaucoup de présents
Ce ne fut pas la marée de chefs d’État annoncée. L’entourage du nouveau président tablait sur 25 à 30 pour assister à la cérémonie d’investiture d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), le 19 septembre, au stade du 26-Mars de Bamako. Il y en a eu finalement une petite vingtaine. « C’est énorme ! », observait tout de même le ministre des Affaires étrangères d’un pays voisin qui en aurait volontiers accueilli ne serait-ce que la moitié lors de l’investiture de son président, il y a quelques années. Parmi les principaux absents : le Sud-Africain Jacob Zuma, la Libérienne Ellen Jonhson Sirleaf, le Sierra-Leonais Ernest Bai Koroma, le Camerounais Paul Biya et le Mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz. Abdelaziz Bouteflika, souffrant, était tout excusé : l’Algérien a envoyé pour le représenter son Premier ministre, Abdelmalek Sellal, et son ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra.
Tous les autres chefs d’État de la sous-région étaient là. Il y avait aussi la plupart des chefs d’État de l’Afrique centrale (hormis Biya donc, et le Centrafricain Paul Djotodia), le Tunisien Moncef Marzouki et surtout le roi du Maroc Mohamed VI, si peu coutumier de ce genre de cérémonie qu’il s’agissait de la première à laquelle il participait depuis son accession au trône.
Qui à côté de qui ?Le protocole de la présidence avait placé comme suit les chefs d’État : à la droite d’IBK (du plus proche au plus éloigné), Mohammed VI (présenté comme l’invité d’honneur), Alassane Ouattara, Thomas Boni Yayi, Omar Bongo, Teodoro Obiang Nguema, Yayah Jammeh, Goodluck Jonathan, Macky Sall et John Dramani Mahama ; à la gauche d’IBK, François Hollande, Idriss Déby, Denis Sassou Nguesso, Blaise Compaoré (qui était accompagné de son épouse), Faure Gnassingbé, Jorge Carlos Fonseca, Alpha Condé, Mahamadou Issoufou et Moncef Marzouki. Le plus applaudi par le public a été, de loin, le président tchadien – son pays, qui a perdu une trentaine de soldats au champ de bataille, a payé le plus lourd tribut à la guerre du Nord-Mali – devant son homologue français.
Derrière tout ce beau monde, se trouvaient de nombreux ministres (dont quatre Français : Laurent Fabius, Jean-Yves Le Drian, Pascal Canfin et Yasmina Benguigui), le patron de la Minusma, Bert Koenders, son adjoint Abdoulaye Bathily, le socialiste sénégalais Ousmane Tanor Dieng, ou encore l’ancien ministre des Affaires étrangères d’Abdoulaye Wade, Cheikh Tidiane Gadio…
Concours de louanges
Les discours, au stade, de François Hollande (en tant que libérateur numéro 1), d’Alassane Ouattara (en tant que président en exercice de la Cedeao), d’Idriss Déby (en tant que libérateur numéro 2) et de Mohammed VI (en tant qu’invité d’honneur) ont été l’occasion, pour les chefs d’État, de se lancer des fleurs à tour de rôle. Hollande a salué les soldats tchadiens et leur président et a fait l’éloge d’IBK. Ouattara a félicité Hollande, Déby, IBK et Dioncounda Traoré (« un grand chef d’État »). Déby a remercié Hollande…
Le nom d’Amadou Haya Sanogo n’a par contre pas été cité une seule fois. L’ex-capitaine, fait général le 14 août, n’était d’ailleurs pas présent à la tribune officielle : il s’était fait porté pâle.
Conférence de presse : de tout et de rien
Lors de la conférence de presse commune organisée après le déjeuner offert au palais présidentiel de Koulouba, qui a réuni Hollande, Déby et IBK en fin de journée, il a été question de Syrie (le discours d’Hollande au stade du 26-Mars y ayant fait référence), des troupes tchadiennes présentes au Nord du Mali, de la nouvelle gouvernance prônée par IBK et des otages français retenus dans le Sahel. Rien de bien nouveau à se mettre sous la dent.
Hollande a rappelé que les cas syrien et malien n’avaient rien à voir : « Au Mali, il s’agissait de répondre à un appel du président malien face à une offensive terroriste ». Déby a affirmé que le cas des 160 soldats tchadiens qui ont quitté leur poste à Tessalit (et qui se trouvaient à Gao le jour de la cérémonie) pour protester contre l’absence de relève et de primes, ne dépendait pas de son pays, mais de la Minusma, qu’ils ont intégré le 1er juillet. IBK a rappelé qu’il n’avait jamais promis quoi que ce soit à qui que ce soit durant la campagne et a rappelé « qu’au Sud, on doit pouvoir gérer les affaires publiques de manière convenable » comme au nord de la planète.
Centrafrique sur toutes les lèvres
Si le ton était parfois à la plaisanterie lors de cette conférence de presse, les présidents français et malien montrant des signes de complicité, Déby a imposé un moment de solennité lorsqu’il a rappelé que la menace terroriste était toujours là, aux portes du Mali et dans toute la région, et que si rien n’était fait en Centrafrique, le pays vivrait le même sort que le Nord-Mali. « On peut parler de non-État en Centrafrique. Si on ne fait rien, on sera surpris comme on l’a été au Mali. On va vers une guerre de religion musulmans-chrétiens ».
Plus tôt, Hollande s’était entretenu, à l’occasion d’un mini-sommet improvisé, avec Déby, Bongo et Sassou sur le cas centrafricain. « Nous avons écouté leurs avis, et nous nous sommes mis d’accord sur une stratégie commune qui devrait aboutir dans les deux prochaines semaines », affirme-t-on dans l’entourage du président. Cette stratégie devrait prendre la forme d’une force armée interétatique aux pouvoirs élargis bénéficiant d’un mandat international et du soutien de l’armée française. « La France a été très présente dans ce pays par le passé. Trop ! a rappelé le président français. Ce qui explique notre réserve. Mais je ne resterai pas sur cette réserve car le chaos peut amener au terrorisme. »
Rémi Carayol, envoyé spécial
Source: Jeune Afrique