Une opération étalée sur une dizaine de jours durant lesquels la ville de Moura, située dans le cercle de Djenné, dans la région de Mopti, dans le centre du Mali. 200 jihadistes tués et une cinquantaine d’autres blessés. 200 motos saisies et brûlées. Des lots importants d’armes et de munitions récupérés. Le bilan est éloquent et vient compléter une liste de victoires enregistrées ces derniers temps, par les Forces armées maliennes (FAMa), à en croire leur hiérarchie. Une montée en puissance des militaires maliens qui devrait réjouir un peuple du Mali pris à la gorge, par des terroristes qui écument la zone du Sahel où ils ne laissent derrière eux, que larmes et désolation. Sauf que ces chiffres, pompeusement alignés par l’armée malienne sont contestés par plusieurs organisations humanitaires et ONGS, dont la très crédible Amnesty International.
Ce mouvement mondial de plus de 10 millions de militants répartis sur 150 pays et territoires où ils se sont engagés pour la défense des droits de l’Homme et le respect de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, évoque, lui, un bilan de 150 à 500 victimes civiles selon des témoignages recueillis sur les lieux des massacres. Amnesty International qui dénonce «une brutalité de l’armée malienne et des mercenaires du groupe Wagner» relève l’absence de combats mais plutôt une attaque aérienne un jour de foire et des forains contraints à creuser des tombes pour y enterrer ou brûler les victimes de ce siège en règle de Moura. Un véritable film d’horreur, au vu du descriptif de Amnesty International dont les révélations sont, plus ou moins, corroborées par la Mission des Nations Unies au Mali (MINUSMA) qui évoque également des allégations de violences contre les civils.
Qui sont les morts de Moura? Combien sont-ils exactement? Des interrogations dont les réponses, certes, ne ressusciteront pas les occis de Moura, mais donneront encore la preuve, si les faits sont avérés, que l’armée malienne aura retourné les armes contre les siens, des civils, dont elle est censée assurer la protection contre les assaillants, notamment ceux du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM) qui ont fait de cette zone meurtrie, leur sanctuaire. En tout cas, ce n’est pas la première fois que l’armée malienne est accusée d’exactions contre des populations civiles. Ce n’est pas non plus inédit que les chiffres des FAMa sont soumis à l’épreuve de la contradiction. En rappel, l’attaque de Mondoro a connu deux bilans opposés, selon l’armée malienne et les jihadistes qui l’ont revendiquée. Dans leur comptabilité, les FAMa faisaient état de 27 des leurs tués, 33 autres blessés dont 21 grièvement et 7 autres portés disparus. La hiérarchie militaire malienne mettait également à son actif 70 jihadistes, dont des chefs, neutralisés par ses hommes.
Revendiquant l’assaut sanglant de Mondoro, avec une célérité qui sonne comme une manière de prendre à contre-pied les informations des FAMa, les jihadistes, eux, ont rendu public un tout autre bilan, lui, renversant. Les combattants du JNIM, groupe proche de al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), ont, dans leur décompte macabre, affirmé avoir tué une trentaine de soldats maliens et récupéré neuf véhicules de l’armée et une quantité importante d’armes lourdes. Ils ont aussi révélé n’avoir perdu que quatre hommes, contre les 70 déclarés par l’armée malienne. Si la polémique sur les chiffres montre à souhait que la propagande fait rage au Mali, dans un dessein de magnifier à tout prix des faits de guerre inexistants ou exagérément grossis, il faut davantage s’alarmer des violences dont sont victimes des populations civiles en quête de protection contre les forces du mal et se faire un sang d’encre sur les dérives dont sont accusées les Forces de défense et de sécurité maliennes et les éléments de la société de sécurité privée russe Wagner.
Par Wakat Séra