Le Premier ministre de la transition a présenté le 30 juillet dernier son Plan d’action gouvernemental (PAG) pour la « refondation du Mali ». Bientôt neuf mois après, son état d’exécution paraît stagnant. Choguel Kokalla Maïga sera d’ailleurs le 21 avril devant le Conseil national de transition pour présenter ses résultats.
Le Plan d’action présenté par le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga devait normalement être exécuté en neuf mois, au plus tard au mois de mars 2022, à la fin des 18 mois initiaux de la transition. L’exécution du PAG et son chronogramme détaillé semble être passés au second plan, alors que les autorités tentent toujours d’obtenir un accord avec la CEDEAO. « Les échanges en cours avec la CEDEAO ne devraient en aucune manière constituer un facteur de blocage de notre processus de refondation », a rappelé le Colonel Malick Diaw, Président du CNT, lors de la rentrée parlementaire, le 4 avril.
Sécurité, la priorité des priorités
Le Plan d’action gouvernementale de Choguel Kokalla Maïga comporte 4 axes: le renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire national, les réformes politiques et institutionnelles, l’organisation des élections générales et la promotion de la bonne gouvernance et l’adoption d’un pacte de stabilité sociale. Selon une évaluation du deuxième trimestre du PAG rendue publique début mars 2022, la Primature affirmait qu’à ce jour «le taux cumulé des actions réalisées et de celles en cours de réalisation est de l’ordre de 87,10%.» Sur 62 actions évaluées, sur 64 programmées, elle déclarait que « 21 actions ont été entièrement réalisées, 33 actions sont en cours de réalisation et 8 actions n’ont pas encore été réalisées ».
Le 21 avril, Choguel Kokalla Maïga sera devant l’organe législatif de la transition pour convaincre les parlementaires des progrès réalisés dans l’exécution de son PAG. Et, en la matière, il va certainement s’appesantir sur le renforcement de la sécurité, premier axe de son PAG pour lequel beaucoup d’efforts ont été consentis, notamment la dotation de l’armée en vecteurs aériens et autres équipements militaires ainsi que la multiplication des opérations antiterroristes. Le Premier ministre ne devrait pas dévier de sa ligne de ces dernières semaines. En janvier, il affirmait avoir « mieux équipé l’armée ces 7 derniers mois que sur les 20 dernière années ».
« Pour la première fois depuis le début de mes visites, en 2018, j’ai noté une amélioration tangible de la situation sécuritaire, de la situation des personnes déplacées internes, de la situation des droits de l’Homme ainsi que des dynamiques de paix endogènes, notamment dans le centre du Mali », déclarait en février dans un communiqué l’Expert indépendant de l’ONU Alioune Tine au terme d’une visite officielle de dix jours.
Des questions subsistent toutefois, notamment concernant la présence ou non sur le territoire malien de paramilitaires de Wagner, que beaucoup de pays occidentaux décrient mais que le gouvernement dément. L’UE a annoncé le 11 avril l’arrêt de ses missions de formations au profit des FAMa pour cette raison. S’y ajoutent les accusations d’exactions présumées imputées aux forces de défense, pour lesquelles des enquêtes ont été ouvertes, selon les autorités.
Pour l’analyste politique Boubacar Bocoum, le fait que le gouvernement ne communique pas beaucoup sur le PAG ne signifie pas que rien n’a été fait. « Je pense que l’interpellation du CNT permettra au gouvernement de communiquer sur les avancées. Ce qui est le plus patent, c’est l’aspect sécuritaire. Maintenant, en ce qui concerne les réformes politiques et institutionnelles, c’est un processus et ce n’est pas d’un claquement des doigts qu’on va y arriver ».
Les autorités de la transition ne sont pour l’heure toujours pas raccord avec une bonne partie de la classe politique sur ces différentes questions. Pour ce qui est de l’organisation des élections générales, aucun chronogramme n’a encore été adopté et les négociations avec la CEDEAO laissent transparaitre des positions bien tranchées, 24 mois incompressibles pour le gouvernement et de 12 à 16 mois pour l’instance régionale. D’un autre côté, une nouvelle loi électorale a été proposée. Elle ne fait pas non plus l’unanimité, certains politiques réclamant que les prochaines élections soient organisées avec l’existant, dont le ministère de l’Administration territoriale.
Enfin, quant à la promotion de la bonne gouvernance et à l’adoption d’un pacte de stabilité sociale, des poursuites judiciaires ont été engagées contre plusieurs présumés auteurs de corruption, même si le sort de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubeye Maiga, décédé en détention sans être jugé, continue de faire polémique et entache la « lutte contre la corruption ». En outre, le récent scandale de « l’attribution des logements sociaux » favorisant de nombreux supposés proches du Premier ministre, porte aussi des interrogations sur la « vraie rupture » avec le système ancien. Le Président de la transition a renoncé à une partie de son fonds de souveraineté, qui a été allouée à des programmes d’adduction d’eau. Et pour « pacifier » le front social, un décret portant unification des grilles salariales des fonctionnaires a été pris et des projets de lois déposés.
Parmi les actions-phares encore non réalisées, on note la révision de la Constitution, la relecture « intelligente » de l’Accord pour la paix et la réconciliation et la mise à disposition de la carte d’électeur biométrique, qui servira également de document d’identification (une directive de la CEDEAO), dont le ministre de la Sécurité a annoncé il y a moins d’une semaine qu’elle serait bientôt disponible. La mise à jour du fichier électoral reste aussi à faire.
Boubacar Diallo
Source : Journal Du Mali